Publié dans Bouquinade, Litté de l'imaginaire (SF, Fantasy, Fantastique)

Scarlett & Browne, livre 1 : Récits de leurs incroyables exploits et crimes (Jonathan Stroud)

Ami du jour, bonjour !

Prenons aujourd’hui le temps de nous arrêter sur un roman très peu présent sur les réseaux (je ne l’ai vu nulle part… si ce n’est à l’annonce de sa sortie), que j’ai reçu en service presse de la part des éditions Gallimard Jeunesse. Sinon, je n’en aurais probablement jamais parlé non plus…

Sarakontkoi ?
Dans un futur dévasté où la nature et les monstres règnent, il subsiste quelques villes régies par une pseudo-religion aux règles liberticides. Scarlett est la jeune voleuse la plus recherchée du pays. Lorsqu’au milieu d’une scène de carnage sa route croise celle du jeune Albert Browne, elle est loin de se douter que ce gars maladroit et dégingandé va bouleverser sa vie, pour le pire plus que pour le meilleur…

Tenpenskoi ?
Personnellement, je ne connaissais Jonathan Stroud que de nom, parce qu’il est l’auteur des célèbres Trilogie de Bartimeus et Lockwood & co. Mais le roman était joli, et je suis toujours ravie de recevoir mes services presse de chez Gallimard Jeunesse, alors je me suis dit « pourquoi pas ». C’est toujours agréable de mettre les pieds dans un univers inattendu et original. Scarlett est le stéréotype de la nana froide, solitaire, bourrue. Browne a le caractère d’un chiot perdu qui accepte son destin… et qui malgré tout cache une part très sombre de lui-même. Et la rencontre de ces deux-là (qui, il est important de le préciser, ne finissent pas ensemble, en tout cas pas dans ce premier tome, même pas un chouilla) est très drôle.

En dehors de la palette de personnages hauts en couleurs que nos deux protagonistes rencontrent, citons les méchants très méchants (genre savants fous de labos secrets surpuissants), et surtout très dangereux (on est pas sur un « seuls contre tous », mais pas loin), des paysages désolés qui ne sont pas sans rappeler Love & Monsters (oui, le film sur Netflix), en moins rigolo. Et si j’ai navigué à vue la plupart du temps, sans réellement comprendre ce qu’il était en train de se passer, j’ai réalisé que c’était parce que j’étais aussi paumée que les personnages, qui vivent les jours un à la fois. Ca change de la fantasy romantique / malédiction / enlèvement / tournoi / soyons-originaux-et-faisons-de-la-fantasy-orientale (spoiler : je suis très peu surprise). Là, j’ai vraiment peur pour les protagonistes ET les personnages secondaires, les méchants sont flippants, on est dans une sorte de trip survivaliste, une poursuite de l’Eden dans cette nature hostile. Bref, c’était vachement bien et le tome 2 sort début juin…

Pour info :
éditions Gallimard Jeunesse, trad. de Laetitia Devaux, 384 pages, 17.50€

Publié dans Bouquinade, Roman

La plus forte (Jo Watson)

Ami du jour, bonjour !

J’entame avec beaucoup d’appréhension les chroniques des livres lus il y a plus de 6 mois. Je te dis pas la galère !

Sarakontkoi ?
Lori Palmer, jeune ado en surpoids, doit changer de lycée ; elle quitte Johannesburg et part pour Le Cap avec sa mère et son frère. Ses parents ont divorcé parce que son père avec trouvé une nouvelle petite amie, sa mère se jette à corps perdu (littéralement, puisqu’elle se fait refaire tout le corps) dans sa nouvelle agence immobilière de luxe, et elle emménage près d’une école spécifique pour son petit frère autiste. Dans cette nouvelle ville, seules les apparences comptent et Lori ne s’y sent pas à sa place. Artiste dans l’âme, elle trouve pourtant bientôt le moyen de faire entendre sa voix.

Tenpenskoi ?
Encore un manuscrit que j’ai récupéré sur NetGalley ! Quand je te dis qu’on ne m’arrête plus… Peut-être que tu le sais (ou pas, parce que mon incroyable charme doublé de mon indéniable charisme ne laissent rien paraître), le surpoids, ça me connaît. De fait, lorsque je tombe sur un bouquin dont l’héroïne pète les codes plus que ses coutures de jeans, je dis banco (la preuve avec Miss Dumplin, Avant minuit, Attention, Spoiler ! ou encore… Bah oui, Esther Parmentier !). Je tombe ici sur un roman au cadre peu commun (l’Afrique du Sud, pourquoi pas). Et je rencontre des personnages auxquels je m’attache très vite : le frangin de Lori, jeune autiste débordant d’un amour qu’il a du mal à gérer, Lori elle-même, Jake le beau sportif, sa petite sœur, atteinte d’un syndrome d’Asperger (je crois).

Alors bien entendu, c’est un peu convenu, c’est une histoire qu’on a beaucoup lue, celle d’une seconde chance, d’une ado qui décide enfin de relever la tête, qui s’émancipe et s’engage grâce à son art (parce que Lori dessine), mais quelque part, ça fait du bien. Mettre en lumière des personnages atypiques (physiquement ou mentalement), ça aide aussi à appréhender le monde qui nous entoure. Lori, comme beaucoup d’ados, ne comprend pas ses parents, elle est pleine de colère, elle a peur, elle veut à la fois partir et grandir, et rester cachée. Le roman se permet même une touche d’engagement social contre le racisme qui règne en Afrique du Sud. Le tout nous est servi dans un style fluide, bien traduit. J’ai passé un très bon moment de lecture, et après tout, c’est ce qui compte, non ?

Pour info :
éditions Hachette, trad. de Charlotte Faraday, 386 pages, 18€

Publié dans Bouquinade, Roman

Sillage (Joanne Richoux)

Ami du jour, bonjour !

Depuis que j’ai compris comment fonctionne NetGalley et comment transférer un manuscrit sur mon Kindle, on ne m’arrête plus ! C’est ainsi que j’ai pu découvrir cet étrange roman (notez le montage photo de qualitay)…

Sarakontkoi ?
Jade a 19 ans ; son rêve c’est de bosser en parfumerie. Elle emménage donc à Paris, embauche dans un Sephora de luxe et fait la rencontre de Victor, qui joue le chaud et le froid avec elle. Repérée par un grand créateur de parfum, elle commence à perdre pieds avec la réalité, obsédée qu’elle est par la création de sa propre fragrance… et par Victor.

Tenpenskoi ?
Personnellement, je n’ai jamais lu Le Parfum, de Süskind ; en revanche, j’ai vu le film (oui oui, je sais, c’est pas pareil, mais je pige l’ambiance…). Beaucoup de lecteurs de Sillage ont fait référence à ce roman, et je le comprends. Effectivement, sans pousser à l’extrême le truc du gosse qui dès la naissance a un nez exceptionnel, on part dans le même délire de folie créatrice. Jade empêtrée dans son quotidien, dans ses relations foireuses, perd peu à peu pieds avec la réalité. Le roman fait état d’une relation malaisante, presque malsaine, au corps, mais aussi aux relations amoureuses. Il décrit parfaitement le dégoût pour les parfums synthétiques qui agressent ; il en émane des odeurs organiques, presque palpables. Et la folie, toujours la folie.

Je dois l’avouer, je n’avais pas apprécié plus que ça le dernier roman de Joanne Richoux que j’avais lu (Virgile & Bloom). C’est donc avec une légère appréhension que j’ai commencé Sillage. J’y suis tout de même allée les mains dans les poches, avec une vague idée de ce que j’allais y trouver. Et j’ai bien aimé. C’est avant tout un roman d’ambiance, un truc poisseux qui n’a pas la prétention d’être l’épique aventure d’une vie, seulement celle de cette jeune femme perdue dans la ville, dans sa vie, qui cherche désespérément un point d’ancrage. Et c’est réussi.

Pour info :
éditions PKJ, 304 pages, 14.90€

Publié dans Bouquinade, Litté de l'imaginaire (SF, Fantasy, Fantastique)

Les contes de Verania, T1 : Le Cœur de foudre (T.J. Klune)

Ami du jour, bonjour !

Après avoir découvert T.J. Klune dans La Maison au milieu de la mer céruléenne, j’ai eu très, mais alors très envie de rester dans ses univers acidulés, parfois absurdes, mais toujours tendres… J’aurais pu me faire Sous la porte qui chuchote, mais Alex (comme Alex bouquine en Prada) est passée par là, et — oups ! — je suis partie sur tout autre chose.

Sarakontkoi ?
Sam est l’apprenti du puissant sorcier Morgan des Ombres. Depuis son arrivée à Lockes, il est amoureux du chevalier et fiancé du prince, Ryan Foxheart. Lorsque le prince est enlevé par un dragon, c’est Sam, accompagné de ses amis Gary, la licorne gay sans corne, et Tiggy, le semi-géant un poil trop affectueux, qui doit partir à sa recherche. Bien entendu, Ryan est du voyage, et la poisse légendaire de Sam, qui attire toutes les créatures maléfiques du royaume, risque de ne pas les lâcher…

Tenpenskoi ?
Je l’avoue, en écoutant les premiers chapitres, je me suis dit : SOS too much ! L’auteur en fait DES CAISSES ! La licorne gay est extra-gay-vous-reprendrez-bien-des-paillettes-oh-my-god-je-suis-en-rute. Le prince est un fieffé connard. Ryan est l’adorable chevalier sans peur et sans reproche et Sam… bah Sam, malgré sa prestigieuse aura de magicien surpuissant, c’est qu’un ado puceau, amoureux mais quand même bien dans ses bottes.

Et puis on finit par s’attacher à cette petite troupe hétéroclite complètement dysfonctionnelle, et on éprouve pour les personnages une tendresse tout à fait inattendue. Le style est bourré de sarcasme, d’allusions sexuelles qui, vues dans les yeux innocents de Sam, passent crème. On y parle d’amitié, de destinée, c’est épique, grandiose et drôle, totalement décomplexé, là où La Maison au bord de la mer céruléenne avait un ton plus mélancolique. Au final, on se fiche un peu de la quête, tout ce qu’on veut, c’est cancaner avec Gary, papillonner avec Sam, faire des câlins à Tiggy et tomber amoureux du beau Ryan Foxheart. Bref, beaucoup de second degré et de détachement pour un roman 100% inclusif, ça fait un bien fou !

Pour info :
éditions Bookmark, collection MxM, trad. de Alexia Vaz, 600 pages, 23€ (mais je vous conseille tout de même la VO)

Publié dans Bouquinade, Litté de l'imaginaire (SF, Fantasy, Fantastique)

Babel : Or The Necessity Of Violence (R.F.Kuang)

Ami du jour, bonjour !

La chronique d’aujourd’hui n’a pas traîné : sitôt terminé, sitôt chroniqué. Ce roman, j’en ai beaucoup entendu parler sur des comptes Instagram que je suis, et j’avoue, en grande amoureuse des dicos et des langues, avoir été piquée par la curiosité. Qui plus est, il était entouré d’une telle aura, presque mystique, qu’il fallait bien que je voie de quoi il retourne…

Sarakontkoi ?
Robin, jeune sino-britannique, est sauvé de la maladie et arraché à sa Chine natale par un universitaire anglais taiseux mais curieusement familier. A Londres, il est éduqué comme un jeune homme de bonne société, et forcé d’étudier les langues mortes et vivantes. Il intègre ensuite Babel, le prestigieux institut des langues et de la traduction de l’université d’Oxford. Babel, dont la renommée est fondée sur l’utilisation d’une magie secrète utilisant le sens perdu entre un mot et sa traduction, gravés sur des barres en argent. Robin doit rapidement faire un choix : servir les puissants de ce monde dans l’ombre, ou bien se battre contre la domination mortelle de l’Empire britannique aux côtés d’une organisation secrète du nom de Hermès… ?

Tenpenskoi ?
La vache, tu ne peux pas t’en rendre compte, mais j’ai tellement galéré pour écrire ce résumé ! Babel est un récit complexe, un pamphlet contre la domination des cultures (quelles qu’elles soient), une ode à la diversité, un traité anticolonialiste, un cri qui résonne à travers les âges. Ouais, rien que ça !

Le système de magie (peut-on réellement réduire le pouvoir évoqué dans le roman à de la magie ?) est basé sur une réflexion simple et pourtant si évidente : traduire, c’est trahir. Parce qu’une langue est bien plus qu’un paquet de mots, de règles orthographiques et grammaticales. Une langue est une culture. Vouloir transposer un texte, un mot, dans une langue qui n’est pas la sienne nécessite de la part de son traducteur une connaissance infaillible de la culture d’origine et du destinataire de ladite traduction. Faut-il alors mettre un texte à la portée de celui qui le reçoit ? Ou bien le forcer à voir le texte à travers les yeux d’une autre culture ? Bref, tout un tas de pistes que j’ai trouvées fascinantes.

Fort heureusement, au vu de la complexité des idées exposées (bien que le roman soit très abordable), le nombre de personnages y est limité. Là où R.F. Kuang aurait pu se contenter d’une simple dichotomie du Bien contre le Mal, elle teinte les combats les plus nobles de motivations personnelles, de colère, de violence. Se pose la question universelle : peut-on changer le monde dans la paix ? Peut-on se battre pour des idéaux sans (faire) souffrir ? Mais lorsqu’enfin le dénouement se profile, on comprend que le monde écrit sa propre tragédie, à l’encre de ses souffrances, de ses croyances aveugles, sourd au réel sens du mot « traduction ».

Bref, un roman très fort, dont je regrette de voir la traduction atterrir chez un éditeur connu pour la piètre qualité de son travail sur les textes étrangers… Si tu lis l’anglais, vas-y, c’est accessible, et c’est ouf !

Pour info :
éditions Harper Voyager, 560 pages, 20.29€

Publié dans Bouquinade, Roman

Gazelle Punch (Nancy Guilbert)

Ami du jour, bonjour !

De temps en temps, je reçois des romans envoyés par Carole, ma très chère chargée de relation libraires chez Slalom. Et parfois, Carole me dit « celui-ci, j’aimerais que tu me donnes ton avis ». Ce fut le cas de Gazelle Punch.

Sarakontkoi ?
Violette accueille chaque été, dans son village ardéchois, des jeunes en difficulté. Cet été, ce n’est pas un ado, mais deux qu’elle accueille : Dempsey, rongé par sa colère et en échec scolaire, et Livia, adolescente fermée ayant vécu un drame familial. Deux ados, deux vies brisées… Deux ? Peut-être un peu plus…

Tenpenskoi ?
C’est un roman où résonnent plusieurs voix. Celle de Violette, forte tête qui s’efforce de donner une deuxième chance à des gosses que la vie n’épargne pas. Celle de Dempsey, persuadé d’être un échec, consumé par une rage telle qu’il ressent le besoin d’allumer ses propres incendies. Celle de Livia, hantée par l’image d’un père qui l’a détruite. Et celle d’un autre personnage, qui sera peut-être une lueur d’espoir au fond d’un puits béant. Des tragédies qui percutent d’autres tragédies.

Dans un style simple et efficace, Nancy Guilbert nous offre une histoire de rédemption, une histoire que j’ai trouvée parfois trop belle pour être vraie, mais qui a su me rappeler que tout ce beau était né de peurs et de violences… c’est très fortement contrasté. Les souvenirs de Livia notamment m’ont perturbée, parce que ce sont des violences que je ne comprends pas, mais qui existent. Plus d’une fois, Livia, enfermée dans son mutisme, m’a donné envie de la secouer. Plus d’une fois, je me suis dit que non, ça ne marchait pas toujours aussi bien, même si on en avait très envie. Plus d’une fois, je l’avoue, je me suis dit « comme par hasard ». Mais en lisant les dernier chapitres, en refermant le bouquin, ma gorge s’est nouée, et il se peut que j’aie lâché quelques larmichettes (« I’m not crying, you’re crying ! »). Oui, c’est trop beau, oui, c’est parfois un peu facile. Mais c’est aussi positif, et ça m’a fait grand bien. Une très chouette lecture donc.

Pour info :
éditions Slalom, 304 pages, 16.95€

Publié dans Bouquinade, Litté de l'imaginaire (SF, Fantasy, Fantastique)

Sang-de-Lune (Charlotte Bousquet)

Ami du jour, bonjour !

Il m’est venu, il y a quelques temps, comme une envie de Charlotte Bousquet. Ma cagnotte Vinted était chargée à bloc, et je me suis dit « mais quel mal y aurait-il à me prendre quelques occas’ qui me font bien envie ? » Je me suis donc retrouvée avec Des œillets pour Antigone, Là où tombent les anges, et le fameux Sang-de-Lune, que je vous présente aujourd’hui.

Sarakontkoi ?
Dans la cité souterraine d’Alta, les Fils du Soleil (les hommes) règnent en maîtres. Les Sang-de-Lune (les femmes) du fait de leur impureté et des ténèbres qu’elles portent en elles, sont reléguées au rang d’épouses, parfois d’esclaves dans leur propre maison. Gia apprend qu’elle a été promise à un homme violent et qu’elle devra bientôt quitter sa petite sœur. C’est pour la sauver d’un avenir sombre qu’elle décide de s’enfuir avec elle dans les tréfonds de la cité, vers les sauvages, les peuples libres, et les monstres qui rampent dans le noir…

Tenpenskoi ?
La quatrième de couverture fait état d’un roman lunaire, de ténèbres et de chimères. C’est tout à fait ça. Personnellement, je m’attendais à quelque chose de plus criant, de plus nerveux. Mais Gia est un personnage endoctriné qui doit se battre contre elle-même pour accepter la vérité : on lui a menti sur ce qu’elle est, sur le fondement même de la société dans laquelle elle évolue. Elle étouffe ses élans de révolte sous des couches de culpabilité. Coupable pour des crimes que ni elle, ni les autres femmes n’ont commis. Si nous, lecteurs, avons le recul nécessaire pour nous en apercevoir, ce n’est pas le cas de ces femmes dociles sous les assauts de leurs époux, cruelles les unes envers les autres, dévorées de ténèbres qui n’existent que dans leur imagination.

De fait, je lis un roman en demi-teinte. Le poing frappe moins fort que ce à quoi je m’attendais, la course est plus lente. Et pourtant chaque ligne fait douloureusement échos, sous couvert de littérature imaginaire au trait grossi, à la place qu’a longtemps occupée la femme (et qu’elle occupe encore dans certaines cultures). Un être vil, malfaisant, qui doit être maté, étouffé, mutilé. La punition par lapidation pour des fautes qui n’en sont pas, pour l’expiation d’un péché causé par la maltraitance des hommes est insupportable, et Charlotte Bousquet ne nous épargne rien. Ni la mort, ni la cruauté, ni les trahisons. C’est un roman court, lent et parfois presque léthargique, qui figure un éveil progressif et douloureux, jusqu’à une révélation inattendue qu’on aurait voulue libératrice mais qui laisse un goût amer dans la bouche… Ce que j’en ai pensé ? C’était intéressant, dérangeant, et j’ai eu comme un goût de pas assez, mais j’ai conscience que le développement d’une intrigue aurait gâché le propos…

Pour info :
éditions Gulf Stream, collection Electrogène, 320 pages, 17€

Publié dans Bouquinade, Litté de l'imaginaire (SF, Fantasy, Fantastique)

Les enfants d’Aliel, T1 : Le Grand Éveil (Sara Schneider)

Ami du jour, bonjour !

Une fois n’est pas coutume, je vous parle d’un auto-édité (ou presque), que j’ai lu parce qu’il a été vendu et revendu par Alexis de la chaîne Links Off. Je vous ai déjà dit que les auto-édités, c’est pas mon truc, mais VRAIMENT pas. Il faut bien une exception qui confirme la règle…

Sarakontkoi ?
Alors qu’un étrange mal semble empoisonner la terre et les esprits, Lilas découvre qu’elle est une enfant d’Aliel, une déesse ancestrale qui lui a transmis une partie de ses pouvoirs. Elle part avec son petit frère, en compagnie de Flynn, un chat télépathe et son gardien, à la recherche d’autres enfants d’Aliel, afin de combattre Orga avant que le Mal ne contamine tout le vivant…

Tenpenskoi ?
Sara Schneider construit un univers riche d’histoires et de coutumes. Le format de la quête fonctionne, parce qu’elle embarque son lecteur ; d’histoires en aventures, on apprend à s’attacher à Lilas, et à ceux qui gravitent autour d’elle. J’ai aimé qu’ils aient tous une part d’ombre, donc un terrain potentiellement fertile pour qu’Orga y plante les graines de sa haine. J’ai aimé qu’ils n’agissent pas tous en héros, que certains préfèrent continuer d’agir autour d’eux que de partir en quête du Mal absolu. Et puis il y a cette magie de la terre, de la nature qui nous donne juste envie d’aller nous promener en forêt.

Si le style est étonnamment plaisant et travaillé, j’ai tout de même relevé quelques lourdeurs, quelques redondances dont j’ai parlé à Sara, qui m’a confirmé qu’elle avait travaillé différemment sur les tomes suivants (que j’ai et que je compte bien lire). J’ai également noté quelques maladresse dans la description physique des personnages dont il est beaucoup question. Nous sommes tombées d’accord pour dire qu’il s’agissait probablement d’une différence générationnelle dans la représentation du corps, notamment féminin.

Je vous invite grandement, si vous êtes curieux et que vous aimez la fantasy, à vous pencher sur cette série, dont le dernier tome est sorti il y a peu (c’est une pentalogie). Si ce premier tome présente quelques maladresses, il est le balbutiement de ce qui promet d’être une série épique…

Pour info :
éditions Le Chien qui pense, 374 pages, 21€

Publié dans Bouquinade, Roman

Les sœurs Lakotas (Benoît Severac)

Ami du jour, bonjour !

Causons aujourd’hui d’un roman que j’ai vu passer une fois ou deux sur Instagram. Comme il m’intriguait, je me suis fendue d’un DM à la Community Manager, et je lui ai demandé s’il était possible de recevoir ce roman. Ni une, ni deux, une semaine plus tard, il était dans ma PAL !

Sarakontkoi ?
Alors que leur mère vient d’être incarcérée un an pour conduite en état d’ivresse, trois sœurs natives américaines lakotas se voient contraintes de fuir pour ne pas être séparées par les services sociaux pendant l’année d’absence de leur mère. Mais Bearfoot n’a que 16 ans, et aucun plan pour s’occuper de Santee, 10 ans, et Ray, 6 ans. Les rencontres qu’elles feront risquent bien de changer leur regard sur le monde…

Tenpenskoi ?
Le sujet de la culture amérindienne fait l’objet chez moi d’une sorte de fascination. Dans la littérature, ça s’est traduit par la découverte d’un texte fort, Ici n’est plus ici, de Tommy Orange, qui m’avait à l’époque bouleversée. Puis j’avais tenté le premier tome de la série de Jim Fergus, Mille femmes blanches, qui, dans un autre genre, peignait une fresque guerrière et sauvage, empreinte de mythes et de croyances. Et puis, il y a eu le merveilleux Celle qui venait des plaines, de Charlotte Bousquet, qui m’a arraché le cœur comme on a tenté d’arracher leur culture à de jeunes indigènes. Bref, tu l’auras compris, lorsque j’ai vu passer Les sœurs Lakotas, je n’ai pas hésité.

J’ai trouvé dans ce roman quelques petites choses bien sympas, et d’autres qui m’ont moins plu. Commençons par le négatif et finissons sur le meilleur. Bien que le roman se lise très très rapidement, j’ai ressenti comme un ton professoral, quelque chose qui tient du cours magistral sur l’histoire compliquée des cultures natives américaines et du traitement qui leur est réservé encore aujourd’hui. Benoît Severac fait souvent répéter à son héroïne à quel point la misère est présente au sein des réserves, combien il est difficile de faire prendre conscience des injustices qui entourent les peuples natifs américains. Tout ça dans la bouche d’une ado de 16 ans qui n’a elle-même pas réellement vécu ces injustices, et qui n’a fait que les observer.

Bien entendu, je garde en tête qu’il s’agit d’un roman pour jeune adolescent, d’ailleurs écrit avec l’aide d’une classe de 5e SEGPA. C’est l’un des gros points positifs : le roman s’inscrit dans la démarche de l’association Réparer le langage, je peux, qui organise avec le concours d’auteurs volontaires, des ateliers d’écriture au sein de classes de collèges afin de renouer leur lien avec la littérature. De là, je ne peux que prendre du recul sur le texte, et me dire que s’il s’agit d’un travail collectif entre un auteur et des collégiens, c’est franchement pas mal. D’autant que j’y ai trouvé beaucoup de positif, de mains tendues sur le chemin de ces frangines qui se sentent abandonnées par un système injuste. Et je me dis que si c’est ce qui ressort d’une histoire écrite par des collégiens en difficulté scolaire, sur lesquels nous avons (on ne va pas se mentir) beaucoup d’a priori, alors le monde n’est pas perdu. Qui plus est, le style est bien meilleur qu’une grande partie des romans que j’ai pu lire dernièrement, ce qui ne mange pas de pain. Bref, une sympathique lecture que je suis heureuse de pouvoir partager avec vous…

Pour info :
éditions Syros, co-écrit avec Nathalie Quentin et les collégiens de 5e SEGPA du collège Clémence Isaure à Toulouse, 256 pages, 17.95€

Publié dans Bouquinade, Policier / Thriller

Dans la tête de Gideon Green (Katie Henry)

Ami du jour, bonjour !

Je ne cesse de vous le dire, il y a parfois des lectures qui me tombent dessus sans crier gare, qui se retrouvent dans un tote bag donné par une copine, et qui, au lieu de finir sur l’infinité vertigineuse de ma PAL, s’imposent au détour d’une lecture commune. Des romans sur lesquels je n’aurais pas parié. Et pourtant…

Sarakontkoi ?
Un adolescent solitaire, grand amateur de vieux films noirs, se voit contraint d’intégrer le journal de son lycée lorsque son père le menace de le faire travailler dans son restaurant s’il ne fait pas l’effort de trouver une activité extra-scolaire. Peu versé dans les relations sociales, il est pourtant entraîné, aux côtés de son ex-meilleure amie journaliste en herbe, dans une sale affaire de petite criminalité en hausse, puis de meurtre…

Tenpenskoi ?
Voilà par exemple un roman qui ne m’intéressait pas vraiment. Mais la vie, mais le tote bag de services presse, mais une proposition de lecture de commune avec Marilyn et Charlotte. Et je dis merci à la vie, je chante la vie, je danse la vie… et je m’emballe. Plus sérieusement, c’est un roman qui a fait peu de bruit à sa sortie (le 23/03 pour être exacte), qui mérite pourtant qu’on s’y attarde.

Pour commencer, Gideon est un ado qu’on pourrait qualifier de neuro-atypique, si je ne me trompe pas (et je ne le pense pas, parce que Marilyn a eu le même ressenti). Trop franc dans ses interactions avec ses proches et ses camarades, plus à l’aise sous son fedora et son trench coat que sur les bancs du lycée, observateur très pointilleux, il aurait tout d’un ado-Monk (je ne cite pas Sherlock, rapport à la drogue, toussa toussa). Ses proches, à commencer par son père, ne le comprennent pas : snob, orgueilleux, blessant, il n’est à ses yeux qu’un ado difficile. J’ai pris beaucoup de plaisir à le voir s’ouvrir, à sa manière, mais surtout à voir les personnages qui gravitent autour de lui lui faire une place dans leur vie, à leur manière.

D’ailleurs, parlons-en de ces personnages secondaires. Le père, terrorisé à l’idée de parler de sa défunte épouse devant leur fils de peur de réveiller un traumatisme. L’ex-meilleure amie, désireuse de faire ses preuves, mais trop lâche pour prendre parti. La rédac’ chef du journal, abîmée par la vie, fatiguée de devoir compenser les marques physiques d’un accident de jeunesse par un excès d’enthousiasme et de positivité. L’enquête, en définitive, ne devient qu’un prétexte pour les mettre en danger, et les confronter à leurs propres démons. Le roman propose une petite originalité de narration lorsque Gideon, pour qui tout est plus facilement appréhensible à travers le filtre des films noirs qu’il aime tant, voit sa vie scriptée comme un scénario. Les dialogues sont crédibles, beaucoup de répliques auraient pu sortir de ma bouche ou de celle de ma mère sous le coup de la colère. C’est ce qui rend le roman touchant, au point de reléguer l’enquête au second plan, je l’avoue. Donc si tu cherche un pur polar, passe ton chemin. Si ton truc, c’est les relations humaines, l’évolution des personnages, tu vas adorer. Ce fut une excellente surprise pour ma part.

Pour info :
éditions PKJ, trad. de l’anglais par Aurelien d’Almeida, 384 pages, 18.90€