Publié dans BD, Bouquinade

Avez-vous lu les classiques de la littérature ? Vol. 1 (Pascale Frey/Soledad Bravi)

Ami du jour, bonjour !

Partons du côté d’un graphique humoristique mais aussi très instructif qui m’a été offert par ma frangine et me permet de me la péter et de prétendre que j’ai lu beaucoup de classiques, ce qui est faux et cette phrase est beaucoup trop longue.

Sarakontkoi ?
Dans un style léger et très moderne, Soledad Bravi et Pascale Freye découpent et résument pour nous, en quelques cases explicites et hilarantes, l’histoire des grands classiques de la littérature. De Gatsby à Autant en emporte le vent, en passant par À la recherche du temps perdu ou Au bonheur des dames, les classiques passent sous l’œil scrutateur des deux autrices.

Tenpenskoi ?
En plus d’être drôle, il faut avouer que ça désacralise beaucoup ces classiques qui nous effraient par leur niveau de langue, leur complexité, leur longueur. Franchement, en dehors de Proust, qui reste indigeste même une fois résumé, je me suis dit « oui, pourquoi pas ». Un tel ouvrage a deux utilités : primo, si tu ne souhaites pas lire les ouvrages en question, tu peux toujours savoir grosso merdo de quoi ça parle, et comment ils sont articulés, connaître les noms des protagonistes et ainsi ne pas avoir l’air con quand ton intello de collègue te sort une ref que tu n’as pas. Secundo, si comme moi tu es une petite nature et que les classiques te font une peur bleue, genre pire que The Blair Witch Project parce que là au moins tu sais à quoi t’en tenir, connaître l’histoire peut désacraliser l’œuvre et la rendre beaucoup plus accessible (les romans sont sortis au millénaire dernier les gens, à un moment, c’est fini la peur des spoilers).

J’estime donc qu’en plus d’une belle tranche de rire, j’ai aussi gagné une porte d’entrée très utile vers ces romans qui autrement auraient pris la poussière sur mes étagères et n’auraient servi qu’à me faire passer pour une intellectuelle que je ne suis pas. D’utilité publique donc !

Pour info :
éditions Rue de Sèvre, 168 pages, 15€

Publié dans Albums, Bouquinade

Il était une autre fois (Anne-Fleur Multon/Célia Housset)

Ami du jour, bonjour !

L’an dernier, comme chaque année, j’ai proposé au mois de juin une table des fiertés, sur laquelle je proposais aux enfants/ados/adultes de découvrir de la littérature queer. Parmi les propositions qui m’avaient été faites lorsque j’ai interrogé la communauté Instagram, il en est une qui a retenu mon attention… Et c’est ce dont je vous parle aujourd’hui.

Sarakontkoi ?
Une fois n’est pas coutume, comme il s’agit d’un recueil d’histoires, je vais utiliser le résumé éditeur, pour ne pas trop divulgacher…

Dans un décor d’hiver glacé, trois contes bien connus ont été revisités.
Il était un royaume, déposé près d’un lac et bordé d’une forêt…
Où Sandre n’était pas un garçon mais bien la libre Cendrillon.
Où Belle affrontait une Bête qui ne l’était pas et découvrait le consentement.
Où un petit garçon recevait pour Noël un étrange Casse-Noisette.
Il était temps qu’il soit une autre fois.

Tenpenskoi ?
Dès le départ, j’ai été intriguée par la démarche. Tu le sais si tu es ici depuis quelques années, j’aime les réécritures de contes, et c’est comme ça que j’ai appréhendé ce recueil. Comment réécrire des histoires surannées, donner un nouveau visage aux personnages surexploités dont le message initial a été balayé il y a belle lurette ? On change leur sexe, et on leur greffe de nouveaux messages, de nouveaux combats. Les contes sont le reflet des sociétés qui se les transmettent. Et le combat ici semble se tourner vers l’identité de genre, la différence et la tolérance.

On garde donc le matériau de base et on change le sexe/l’orientation sexuelle du/de la protagoniste. Ma première réflexion fut : faut-il être queer pour être différent ? Et puis je me suis dit que non, pas forcément, mais qu’ici c’était le sujet du recueil, point. Les textes comme les illustrations sont très chouettes et ouvrent les cœurs comme les esprits. Sandre veut être une princesse ? Il a le droit pardi ! Bref, c’était pétillant, coloré et plein de bon sens, on en reprendrait bien !

Pour info :
éditions On ne compte pas pour du beurre, 72 pages, 17€

Publié dans Bouquinade, Litté de l'imaginaire (SF, Fantasy, Fantastique)

N.E.O., la quadrilogie (Michel Bussi)

Ami du jour, bonjour !

S’il y avait bien un livre que je ne pensais/voulais pas lire, c’est bien celui-ci ! Parce que mes foutus préjugés, et les auteurs adultes qui viennent en jeunesse, ça va bien 5 minutes. Mais un petit lutin chez PKJ m’a affirmé que c’était très bon, et que je devait tenter l’aventure. Bon d’accord, j’essaie, mais c’est sans garantie !

Sarakontkoi ?
Paris, dans quelques décennies. Une catastrophe chimique a eu lieu 13 ans auparavant. Ne restent que des enfants de 13 ans qui n’ont pas été touchés par le nuage de gaz parce que dans le ventre de leur mère. Certains adultes ont survécu assez longtemps pour inculquer les bases de la survie à ces enfants. Justement, à Paris, deux groupes se sont formés : ceux du Tipi (la tour Eiffel), quasi illettrés, vivant au fil des saisons et de leurs cultures. Et ceux du Château (le Louvre), une poignée de privilégiés qui a vécu au rythme des leçons vidéo de Marie Lune, préparés à être les garants de la survie de notre culture. Lorsque Zyzo, qui n’a connu que le Tipi et sa tribu, s’aventure au Château pour espionner, il fait une étrange découverte…

Tenpenskoi ?
Allez, je casse le suspens : j’ai adoré ! Je ne l’ai pas lu mais écouté. Et comment te dire qu’écouter Leonardo DiCaprio (ou sa voix française, Damien Witecka) te lire un bouquin, c’est quelque chose ! Et puis il y a le texte de Michel Bussi qui, contre toutes (mes) attentes, s’est révélé être un excellent conteur. Et moi, je t’en ai déjà parlé, j’aime les conteurs. C’est fluide et solide, la base d’un texte qui t’embarque. Parce que tu fais confiance, l’auteur sait ce qu’il fait et tu as juste besoin de te laisser guider.

Les jeunes protagonistes sont tous incroyablement attachants, à commencer par Zyzomys et Alixe. J’ai un faible pour Saby l’effrontée et Lupo… pour l’étrange Chrysanthe et sa poupée. Bref, une superbe brochette de forts caractères. Au-delà de la survie, la force des liens qui unissent ces gosses est émouvante, certains trahissent d’autres se sacrifient, les jeux de pouvoir s’installent. Tous les ingrédients sont présents et clairement, on n’attend que le dénouement et les révélations qui entourent certains protagonistes (si si, on les sent venir les petites surprises).

Je m’arrête quelques secondes sur la version audio, incroyablement interprétée. Je pense que la lecture de Damien Witecka est pour beaucoup dans mon amour pour cette série, parce qu’il a su donner vie aux personnages. Bien lire, ce n’est pas donné à tout le monde, et là, je dis bravo à Lizzie, la plateforme qui a produit ce livre audio, ainsi qu’à Damien, of course !

Comme quoi, parfois, on est gagnant à ne pas faire la tête de mule !

Pour info :
éditions PKJ
Tome 1 : La chute du soleil de fer, 512 pages, 19.90€
Tome 2 : Les deux châteaux, 672 pages, 19.90€
Tome 3 : L’empire de la mort, 640 pages, 19.90€
Tome 4 : Les moulins de Pandore, 496 pages, 19.90€

Publié dans Bouquinade, Roman historique

L’Apprentie Cartomancienne (Aurélie Croizé)

Amis du jour, bonjour !

Il est temps pour moi de vous parler d’un roman qui me tient à cœur puisque j’ai eu le privilège de faire partie des bêta-lectrices de son autrice avant présentation aux éditeurs (et que j’ai donc connu ses personnages cloués au pilori de leur passion). C’était une merveilleuse rencontre, et un très chouette projet, que je m’en vais vous présenter sans délai !

Sarakontkoi ?
Dans le Paris napoléonien, la jeune Louise vit seule dans les rues, elle est diseuse de bonne aventure, pas qu’elle soit voyante, mais elle sait très bien observer. Lorsque Marie- Anne Lenormand la repère, elle la prend sous son aile. Tandis que sa mentore est arrêtée pour trahison, Louise doit utiliser ses cartes pour aider l’inspecteur Brandicourt à élucider un étrange meurtre.

Tenpenskoi ?
Mais que voilà un récit intelligent, bien écrit, amoureux de son sujet, porté par la plume humble et légère de son autrice ! Et je ne dis pas ça parce qu’elle m’est chère… vous connaissez ma réticence à lire des romans auto-édités ou avant édition ; eh bien ceux d’Aurélie, je les lis. Et je les aime. Parce que derrière la plume maîtrisée, il y a cette femme modeste et avide de savoir et de partage. Le souci apporté aux détails historiques est tel qu’elle fait souvent appel, dans ses projets à des professionnels (historiens, psychologues, etc.). Et ça, c’est un premier argument de choc.

J’ai aimé visiter la cour de Joséphine, les bas-fonds parisiens et les tripots, l’univers de la divination, que je connais très peu, et je découvre dans le roman édité des notes de bas de page sur le contexte historique et la culture à cette époque, sur les cartes, et même quelques doses d’humour ! Louise est douce, patiente intelligente, et j’aime beaucoup la relation de confiance qu’elle établit avec Brandicourt. La romance est chou (moins sulfureuse que dans les premiers jets, clin d’œil) sans être prédominante. Bref, c’est un roman tout en douceur, qui maîtrise son rythme et son sujet, que du bonheur ! On espère en voir plus (LOL, on va en voir plus), pas forcément dans une suite, mais sur d’autres thématiques, d’autres époques et pourquoi pas d’autres univers…

Pour info :
éditions Gulf Stream, collection Echos, 288 pages, 17€

Publié dans Bouquinade, Litté de l'imaginaire (SF, Fantasy, Fantastique)

Fourth Wing, tome 1 (Rebecca Yarros)

Amis du jour, bonjour !

Si vous suivez un peu les réseaux (j’allais dire « la blogosphère », mais LOL, plus personne ne tient de blog en dehors de quelques millennials !), vous avez forcément vu passer ce roman, au moins une fois ! Quel.le influenceur.se n’a pas essayé de vous le vendre dans sa V.O., n’a pas taquiné votre curiosité en vous annonçant sa sortie en français ? Eh bien chers lecteurs, je l’ai lu, mouton dévoué à la cause que je suis.

Sarakontkoi ?
Violet Sorrengail, atteinte d’une maladie chronique invisible (on s’en doute, ce n’est jamais nommé), se destinait à devenir scribe. Mais sa mère, Générale à la tête de l’Académie, grande Cavalière (chevaucheuse de dragons) elle-même, en a décidé autrement : elle aussi chevauchera un dragon. Dans ce quadrant de l’Académie, où les faibles sont éliminés par la difficulté des épreuves, leurs propres camarades ou les dragons eux-mêmes, Violet devra survivre, en gardant dans son viseur le fils du chef rebelle, lui aussi forcé d’intégrer l’Académie. Et il a des raisons de la détester : c’est la Générale Sorrengail qui a fait exécuter son père et tous les autres rebelles…

Tenpenskoi ?
Moi, on m’a vendu une fantasy avec de la romance, qui n’était pas une romantasy. Quelle est la différence ? En romantasy, la romance est un peu l’enjeu du truc, à la rigueur, l’arrière-plan, on s’en fout un peu. Là, c’est limite-limite… mais j’y reviendrai.

En termes de style, je n’ai rien à dire. Mais vraiment. Rien. Ce n’est ni bon, ni mauvais. Disons que vous ne sortirez pas ce bouquin de vos étagères parce qu’il est bien écrit, mais vous ne le poserez pas parce qu’il est mal écrit. En revanche, je ne sais pas à quoi m’attendre sur la traduction… En tout cas, l’intrigue est bien menée, ça se lit tout seul. J’ai trouvé intéressant de voir Violet évoluer et se maintenir au niveau par des subterfuges divers plutôt que par la force, qu’elle n’a pas. C’est une héroïne intelligente pas (trop) casse-bonbons, ce qui change de bien des protagonistes féminines en fantasy/romantasy (coucou Feyre). Le protagoniste masculin, Xaden, est fort intéressant, physiquement intelligent (mais pas que), il se dévoile comme un bon maroilles : ça pue au début, mais en fait, c’est vachement bon.

Pourquoi je parlais de romantasy tout à l’heure ? Violet et Xaden, son soi-disant ennemi, c’est grillé qu’ils vont se sauter dessus ! Leur souffle se coupe quand ils s’approchent, elle, elle a la chair de poule dès qu’elle le voit… et on a droit à deux scènes de sexe (consenti) monumentales (10 pages !) qui ont fait grimper la température dans ma culotte Dim 100% pur coton ! Beaucoup argueront donc que ce n’est pas de la romantasy, moi je trouve qu’on flirte dangereusement avec quand même.

Le glop : une héroïne intelligente et forte, des dragons trop cools (vraiment, ce son des personnages à part entière, leurs motivations et leur mode de fonctionnement sont intéressants), la formation d’une chouette bande de camarades, et un personnage atteint d’une maladie chronique invisible (syndrome d’Ehlers-Danlos visiblement, dont souffre l’autrice). Le pas glop : mais POURQUOI quand une nana est forte, c’est le mec qui doit la valoriser ? Xaden insiste beaucoup sur la force de Violet (contrairement à d’autres personnages masculins), il la pousse à dans ses retranchements, mais pourquoi faut-il que ce soit lui qui défende sa valeur et son courage ?

Bref, lecture très sympa (mon plaisir coupable, je l’avoue), mais d’après ce que j’ai entendu du tome 2, ça me donne peu envie de m’y replonger… c’est dommage !

Pour info :
éditions Stardust (trad. Karine Forestier), 400 pages, collection Romantasy (alors les rageux !), 21.50€

Publié dans Bouquinade, Utopie / Dystopie

Noblesse oblige (Maïwenn Alix)

Amis du jour, bonjour !

Il y a quelques temps, la fabuleuse Carole (qui nous dorlote, nous, libraires de Paris et de Province) m’a envoyé un texte prometteur et m’a demandé si j’étais d’accord pour lui faire un retour. Vous me connaissez, je ne dis jamais non quand on me demande de donner mon avis (la grosse relou).

Sarakontkoi ?
Imagine, la Révolution française a échoué, la monarchie, la noblesse et les privilèges sont restés établis. Dans un contexte très moderne, la France va, une saison encore, voir les fils de noble famille choisir leurs épouses devant les caméras de la télé-réalité Noblesse Oblige. Gabrielle Lacroix, dame de compagnie d’une riche famille, à qui la noblesse française a tout pris, décide d’accepter d’intégrer l’émission afin de donner aux révolutionnaires de quoi faire tomber la monarchie…

Tenpenskoi ?
Je vais être franche, sur les premiers chapitres, je me suis retrouvée dans La Sélection, de Kiera Cass , mais à la française, à la seule différence que si les USA étaient retournée à la monarchie, la France, elle, ne l’avait jamais quittée. Sur cette première partie, j’ai eu du mal à me dire que si le pays avait conservé ce régime politique fait de fausse bigoterie et de privilèges, jamais elle n’aurait pu évoluer technologiquement et ressembler autant à ce que nous connaissons aujourd’hui. Et cette pensée m’a accompagnée tout le long des premiers chapitres. À peine avais-je fait taire cette petite voix que le roman commençait à basculer vers une sorte de romance un peu étrange, pas vraiment affirmée. Enfin, alors que je me demandais on se dirigeait le texte, il a carrément pris un virage à 180°, pour me gifler d’une aller-retour bien senti.

On garde les frous-frous, les cancans et les faux-semblants propres à ce Bachelor archaïque, mais on y rajoute un brin de violence. Et quand je dis violence, je dis violence. Ça surprend quand on n’est pas averti (croyez-moi, j’ai fait partie des victimes). Le propos n’est pas beaucoup plus étoffé, mais on plonge plus dans une ambiance de thriller que dans la romance. Sur la dernière partie du roman, j’avoue, je me suis un peu bouffé les petites peaux autour des ongles (ma façon à moi de te dire que j’étais pas sereine). Et tu serres les fesse pour les personnages secondaires… à raison. Toutes les têtes peuvent tomber, et vu le ton du roman, la victoire de Gabrielle n’est absolument pas garantie.

On en pense quoi du coup ? Du très bon : le suspens, la construction de l’antagoniste, et la fin, quand même ouais, la fin. Mais aussi du moins bon : pour moi, le contexte historique était un peu facile (pas de Révolution donc la France, c’est comme aujourd’hui, mais avec un roi et des exécutions), les personnages secondaires très cools mais un peu sous-exploités, j’aurais pas dit non à quelques chapitres de plus. Et c’est con, mais c’est cette naïveté politique qui m’a empêché d’avoir le coup de cœur que beaucoup ont eu… Alors que purée, la fin quoi !

Pour info :
éditions Slalom, 400 pages, 18.95€

Publié dans Bouquinade, Litté de l'imaginaire (SF, Fantasy, Fantastique)

Mille Pertuis, tome 1 : La Sorcière sans nombil (Julia Thevenot)

Ami du jour, bonjour !

J’en cause, j’en cause (sur les réseaux, autour de moi) mais il serait peut-être que temps que je rédige cette chronique, nom d’une pipe en bois !

Sarakontkoi ?
Ortie a une quinzaine d’années. C’est une sorcière, et la sorcellerie, c’est une histoire de femmes. Très jeune, Ortie apprend qu’elle devra suivre son destin, son Nord, auquel elle est rattachée par le nombril. Seulement voilà, quand on est une enfant, qu’on joue avec les copains, ces histoires métaphoriques de Nord, de destin, de secret autour de la magie, ça ne veut pas dire grand-chose. Et Ortie commet la plus grosse erreur qu’une sorcière puisse commettre… Et passe les années qui suivent à tenter de la réparer.

Tenpenskoi ?
Quand j’ai reçu le bouquin de la part de Gallimard Jeunesse (parce que oui, c’est un service presse), ma première réaction a été « chouette couverture ! » En lisant la quatrième, je me suis gratté un peu le scalp. C’était chelou. Une sorte d’aura étrange se dégageait du roman. Et puis cette couverture, quoi ! Des Tic-tac, un stylo, des plantes, une cup menstruelle… aucun sens. J’ai commencé ma lecture, et j’ai calé. L’espace d’un instant, je me suis demandé ce qu’on m’avait envoyé. Mais j’étais fascinée, de cette fascination qui maintient nos yeux ouverts devant une scène bizarre au ciné. Et enfin, sans que je comprenne comment ni pourquoi, je me suis retrouvée, telle une mouche imprudente, prise dans la toile de Julia Thévenot.

Mille Pertuis, c’est une histoire de femmes, au sens le plus littéral et cru du terme. La sorcellerie est un monde de femme, et la magie vient de leur corps. Leur salive, leur sang… et donc leurs menstrues (oh, écoute, prends un dico !). C’est une magie viscérale, crue, organique, pas jolie. Mais tellement pratique, physique, tangible ! Ortie est un personnage touchant, dès son enfance. Sa petite sœur, l’impayable Ronce au régime alimentaire peu habituel (sauf si t’aimes la Javel), et la parfaite aînée Épine, fière et appliquée, la mère mystérieuse, sont géniales. Bref, je sens bien qu’on ne me dit pas tout, que comme Ortie, je navigue à vue. J’ai beau avoir 34 ans, mais j’ai l’impression de découvrir mon corps en même temps qu’elle !

C’est drôle, ça questionne, ça avance, ça s’aventure, ça bégaye, ça embraye, et ça finit trop vite. La suite n’arrivera jamais assez tôt !

Pour info :
Gallimard Jeunesse, 432 pages, 19.90€

Publié dans Bouquinade, Roman historique

L’Anneau de Claddagh, T1 : Seamrog (Béatrice Nicodème)

Ami du jour, bonjour !

J’ai aujourd’hui une pensée pour Maureen (Bazar de la Littérature), qui m’a accompagnée dans ma lecture et pour qui j’ai d’ailleurs sorti le roman de mes étagères.

Sarakontkoi ?
Irlande, Galway, 1846. Les plants de patates tombent malades pour la deuxième année consécutive et la famine fait des ravages. Keira, jeune fille discrète, travaille au service d’une famille aisée, protégée par l’esprit de sa grand-mère, lié à son anneau de Claddagh. Lors d’un dîner mondain durant lequel elle officie, elle fait la connaissance d’Arthur, fils d’un riche propriétaire anglais. Tout les sépare, mais le destin semble vouloir les rapprocher…

Tenpenskoi ?
La grande famine causée par la pénurie de pommes de terre, j’en avais déjà entendu causer. Ce qui est très chouette dans ce roman, c’est qu’on explore ce tragique événement avec une précision chirurgicale… presque trop froide. Rien ne nous est épargné de la cruauté de l’hiver et des maladie à ces propriétaires anglais, qui dérobaient et occupaient les terres irlandaises pour les exploiter. Bref, cette exactitude historique est presque trop rigoureuse.

La touche de merveilleux qu’apporte l’anneau de Claddagh (dans ma tête, ce sera toujours l’anneau de Buffy, sorry not sorry), auquel est lié l’esprit de la grand-mère de Keira, qui a donné sa vie pour que sa petite fille vive, est trop peu exploitée. Pourtant, des femmes qui cachent leurs talents pour ne pas être accusées de sorcellerie aux notions d’histoire Irlandaise, de l’amour sincère mais impossible que cachent Keira et Arthur aux manigances des riches écervelées des deux familles, le roman avait tout pour m’intriguer. Et si certains passages m’ont réellement poignardé le cœur, j’ai tourné la dernière page en me disait « mais attend, tout ce tome 1 en fait, c’est un début de roman ». Tu l’auras compris, je trouve tout ça très introductif. Ceci dit, les tomes 2 et 3 promettent un grand voyage et la recherche du bonheur à l’autre bout du monde, alors naturellement, je suis prête à renquiller ! Et il sont dans ma PAL, donc je n’ai aucune excuse…

Pour info :
éditions Gulf Stream, 250 pages, 16€

Publié dans Bouquinade, Roman

Guerrière (Cécile Alix)

Ami du jour, bonjour !

On commence à se connaître un peu maintenant (enfin, surtout toi), tu sais que les romans crève-cœur, c’est pas mon dada. Mon environnement m’affecte suffisamment pour qu’en plus je veuille m’infliger les drames du monde. Et puis, il y a ces romans que des amis/collègues/autres sèment sur mon chemin pour m’obliger à le regarder, ce monde. Et là, ça fait boum boum.

Sarakontkoi ?
Nekeli et Soulaï, son frère jumeau, mènent une existence paisible dans leur village. Le gouvernement leur a promis une école dont ils n’ont que la première pierre, mais peu leur importe, leur école, ils la font eux-mêmes. Et puis un jour, c’est l’horreur, un jour, c’est la terreur, la violence. Nekeli et Soulaï sont enlevés par les Rebelles, forcés de tuer leurs parents et emmenés dans des camps pour être formés et endoctrinés. Pour mener une guerre qu’ils n’ont pas choisie. Une guerre qui n’est pas la leur. Quand la vie perd son sens, à quoi Nekeli peut-elle se raccrocher… à quoi bon survivre ?

Tenpenskoi ?
S’il me fallait encore une preuve que Cécile Alix a sa place au Panthéon des autrices francophones de son temps, la voilà. Je ne précise pas « autrice jeunesse », bien que je ne la connaisse que dans ce registre. Mais c’est très réducteur. Pour reprendre les mots de Kristin Scott Thomas dans l’excellente série Fleabag : « C’est ghettoïsant, c’est une sous-section du succès, c’est le putain de prix de la table des enfants. » Pour en revenir à Cécile Alix, grande autrice disais-je, mais aussi merveilleux être humain, forte et courageuse.

Et de la force, il en faut pour porter un récit tel que Guerrière. Parce que derrière Nekeli, il y a l’histoire vraie de Térèse, Gervais, Yaoundé, Urmila, Rosalie, Faustin et de centaines d’autres enfants soldats. Des enfants, aujourd’hui jeunes gens, que Cécile a rencontrés, écoutés, retranscrits. Pour écrire l’horreur, la rendre appréhensible, et concrète, Cécile Alix a dû, d’après ses propres mots, « briser la phrase » et « trouver sa propre grammaire », dans un rythme saccadé, décousu, qui m’a tenue en haleine du début à la fin.

Comme toujours, elle vise juste, sans tomber dans les pleureries pleines de bon sentiment, et nous propose un texte universel, beau et cruel, qui fait serrer les poings et brûler les larmes. On approche de la fable, de celles qui donne une voix aux invisibles, à ces vies volées, à la chair des canons qui hurlent le vide de la haine et du pouvoir. Bref, c’est dur, c’est beau, c’est pas tout rose, mais dieu qu’on aime voir Nekeli déployer ses ailes ! Un grand merci à Carole de me proposer des texte dont elle sait qu’il me sortent de ma zone de confort (on se souvient de A(ni)mal, de la même autrice, mais aussi de Cette nuit-là, d’Aurélie Massé). J’ai aussi une pensée pour Maëlle, qui m’avait ouvert cette voie avec des textes comme Autour de Jupiter, de Gary Schmidt. Je n’ai donc qu’un conseil : poussez cette foutue porte, écartez gentiment vos craintes, et laissez-vous porter !

Pour info :
éditions Slalom, 272 pages, 16.95€

Publié dans Bouquinade, Roman

Sauveur & fils, saison 1 (Marie-Aude Murail)

Ami du jour, bonjour !

Laisse-moi te raconter une aventure pleine de rebondissements, de repentance et autres mea culpa, de doutes et de craintes, d’angoisses et, enfin, dans son dernier soupir, de plénitude (ok, je viens de divulgacher la fin de cette chronique).

Sarakontkoi ?
Sauveur Saint-Yves est psychologue clinicien. Il reçoit dans son cabinet toutes sortes de patients : des adultes persécutés aux parents désespérés, des adolescents en quête d’identité à ceux qui ne savent pas très bien comment ils sont arrivés sur le fauteuil de ce grand gaillard à la peau cacao, serein et bienveillant. Mais Sauveur, sous ses airs de gentil colosse, soigne ses propres cicatrices, et prend grand soin de cacher ses fêlures à son jeune fils, Lazare, pourtant désireux d’ouvrir le dialogue et de lever le voile sur leur passé…

Tenpenskoi ?
Je me suis décidée à ouvrir ce roman parce que, soyons honnête, je le vois passer tout le temps sur les réseaux. En dehors de ça, c’est écrit par Marie-Aude Murail, grande figure de la littérature jeunesse devant l’Éternel, et MAM, c’est sacré. Je devais découvrir ce roman, qui, si j’en croyais les retours que j’avais lus/entendus, devait m’apaiser, me redonner foi en l’humanité (oui oui, rien que ça !). J’ai donc subtilisé l’exemplaire que je conserve précieusement dans mes rayons à la librairie pour le bouquiner pendant mes heures de caisse (oui, le boulot de libraire, ce n’est pas QUE lire).

Ma première impression, je l’ai partagée en commentant une chronique sur Instagram. J’étais alors happée par le roman, mais réellement angoissée parce que je voyais le fossé s’élargir entre Sauveur et son fils, j’entendais la colère, le chagrin, la peur dans le discours des patients de Sauveur. La peine de ces adolescents m’a heurtée, peut-être plus que je ne m’y attendais. Donc, au lieu de me sentir à l’aise dans mon pilou-pilou tasse de thé et tout le tralala, j’ai commencé à sérieusement me sentir mal. C’est la réponse de Marie-Aude à ce commentaire qui m’a ouvert les yeux. Elle a écrit : « ça m’a toujours étonnée qu’on parle de doudou ou de feelgood book à propos de mes livres. J’aborde des tonnes de trucs qui n’ont rien de rose bonbon… mais je pense que j’ai une grande aptitude à remonter vers la lumière et à garder une vision tendre et humoristique de notre pauvre humanité. » À ce moment-là, j’ai compris à quel point ce que j’avais pu lire autour de Sauveur & Fils m’avait induite en erreur. J’étais partie d’un très mauvais pied, et j’avais oublié une de mes règles premières : faire confiance à l’auteur. J’ai donc appréhendé la seconde partie du roman de la manière la plus neutre possible, et je l’ai laissé me raconter son histoire.

Et Bibidi Babidi Boo, la magie a opéré. J’ai aimé la maladresse et la fragilité de Sauveur, j’ai (un peu) jugé les adolescents, sur qui j’avoue avoir posé un regard condescendant avant de me reprendre et de rappeler à mon bon souvenir que j’avais, moi aussi, pensé vivre la fin du monde plus d’une fois. J’ai cessé d’avoir peur pour Lazare, ce gosse intelligent, drôle, et franc dans ses rapports. J’ai aimé ses questions, ses façons de les poser. Et Marie-Aude Murail a, encore une fois, exercé sur moi sa magie. Elle a su, dans un style que je qualifierais de muraillesque, me faire accepter l’imperfection du monde, et même apaiser les angoisses qui avaient pu naître sur les premières pages. Comme les romans de Cécile Alix, graves dans leur sujet, Marie-Aude Murail m’a mis un coup de coude dans les côtes, en me disant : « eh, écarte les doigts, jette un œil autour de toi, c’est pas joli-joli, mais qu’est-ce que c’est beau, quand même, de vivre… » Et pour ça, un grand merci.

Pour info :
éditions l’école des loisirs, collection M+, 400 pages, 8.50€