Publié dans Bouquinade, Litté de l'imaginaire (SF, Fantasy, Fantastique)

L’École de Minuit (Maëlle Désard)

Ami du jour, bonjour !

Je répare aujourd’hui une impardonnable bévue, un effroyable oubli, une monumentale erreur (toujours plus) : je l’ai lu, je l’ai encensé, je l’ai fait gagné, mais l’ai-je chroniqué ? Nope. Je me rachète donc par ce billet, dont vous connaissez le contenu si vous me suivez sur les réseaux.

Sarakontkoi ?
Siméon, 15 ans, est un jeune hybride, mi-humain, mi-vampire, qui s’apprête à intégrer l’école de Minuit. Cette école un peu particulière accueille en fait dans le monde des Diurnes, les humains, des habitants de Minuit, le pays des créatures surnaturelles. Timide, mal à l’aise avec son corps, binoclard, Siméon n’a hérité de sa mère vampire que son régime alimentaire sanguin. Contre toute attente (surtout la sienne), Siméon parvient tout de même à se faire un petit groupe d’amis : une liche (Joël, fabriqué à base d’autres créatures mortes), un triton (Colin, un garçon-sirène) et une louve (Eir). Entre trafic de thaume (la substance magique qui fait vivre le monde de Minuit) et disparitions d’élèves, l’école paraît à Siméon de plus en plus louche… jusqu’à la disparition de sa grande sœur, qui le fait plonger à pieds joints dans une histoire qui pourrait bien le dépasser.

Tenpenskoi ?
C’est une vraie question ? J’ai A-DO-RÉ ! Le roman n’est pas exempt de défauts sur lesquels je ne vais passer que très rapidement (c’est mon billet, je fait ce que je veux) : quelques ellipses temporelles que j’ai trouvées maladroites (parce qu’un peu rapides), une ou deux conjugaisons hasardeuses, et (Maëlle, enfin !) 4 « je vous partage ». Rien d’impardonnable quoi.

Tout le reste : 20/10. Je manque d’objectivité ? Certes. Mais qu’est-ce que c’est fin ! Toujours le bon mot, toujours drôle, avec des expressions que même ta grand-mère, elle aurait des doutes dessus. Comme pour Esther, le roman est truffé de références pop, les personnages n’ont pas leur langue dans leur poche, et surtout, ils sont… improbables. Un vampire binoclard en surpoids ? Une liche dealeuse d’artéfacts magiques ? Un feu-follet agressif et grossier ? Mais vas-y, remets-en une couche. Tu peux ouvrir le roman à n’importe quelle page, tu ris ! Siméon, c’est le gamin mal dans sa peau du fond de la classe, celui qui veut qu’on l’oublie mais qui rêve de briller. C’est le fils surprotégé, dissimulé dans l’ombre d’une sœur formidable, qui doit se prouver sa propre valeur. Je m’y suis reconnue, et je suis certaine de d’autres y trouveront également cette ambiance de pause dej’ au self, entre une heure de perm et un cours de gym. Une rencontre improbable entre Malcolm et Buffy que, j’en suis certaine, tu ne peux qu’adorer !

Pour info :
éditions Rageot, 384 pages, 15.90€

Publié dans Bouquinade, Roman

Will & Will (John Green / David Levithan)

Ami du jour, bonjour !

Voilà un bouquin qui attend d’être chroniqué depuis janvier, mais toi et moi, on n’est plus à ça près. De fait, tu auras eu mon retour vidéo (si tu ne connais pas encore ma chaine YouTube, c’est la vidéo des lectures de janvier) avant le retour écrit. Ne cherche aucune logique, j’espère me rattraper bientôt !

Sarakontkoi ?
Quelle était la chance que deux Will Grayson habitent la même ville ? Par un merveilleux hasard, c’est le cas de Will, ado discret qui ne rêve que de se faire oublier et dont l’exubérant meilleur ami, Tiny Cooper, colossal ado homosexuel, est tout le contraire de lui. L’autre Will, lui, est un ado taiseux, constamment en colère, qui préfère entretenir une relation sur internet avec un certain Adam que de vivre sa vie. La rencontre fortuite entre ces deux Will risque bien de changer leurs vies…

Tenpenskoi ?
Lorsque j’ai dit que je lisais ce roman, on a crié tantôt au chef-d’œuvre, tantôt à l’arnaque. J’étais bien contente de me faire mon propre avis. De base, je trouvais le pitch intrigant. Je pensais qu’il allait y avoir une réelle interaction entre les deux Will. Or, après leur rencontre, on les voit rarement ensemble. Ils ont été un déclencheur, une sorte de gâchette dans la vie de l’autre, qui a mis le feu aux poudres. Il est question d’acceptation de soi (obésité, homosexualité) et d’ouverture aux autres. En dehors de ça, j’ai observé leur vie un peu pathétique, un peu pleurnicharde, et le seul personnage qui, à la fin, a vraiment valu le détour, c’est Tiny Cooper. Dommage pour un roman qui porte littéralement le prénom des deux Will. Mention spéciale tout de même à la scène finale qui m’a serré la gorge (dans le sens positif de la chose : j’ai été très émue).

En termes de style, y a pas de quoi se claquer le cul par terre comme dirait l’autre. Chaque auteur a écrit un Will, les différenciant par un détail typographique : le Will taiseux narre sans majuscule et met en page ses dialogues comme des scripts de théâtre. Au-delà de ça, c’était très correct (donc déjà meilleur que beaucoup de romans que j’ai lus dernièrement) sans pour autant me toucher plus que ça. Bref, une lecture agréable sur laquelle, tu peux le voir, je n’ai pas grand chose à dire, et qui ne restera pas gravée dans ma mémoire (en dehors du colossal Tiny Cooper).

Pour info :
Trad. de l’anglais par Nathalie Peronny
Grand format : éditions Gallimard Jeunesse, collection Scripto, 384 pages, 15€
Poche : éditions Gallimard Jeunesse, collection Pôle Fiction, 384 pages, 7.80€

Publié dans Bouquinade, Roman

Avant minuit (Julie Murphy)

Ami du jour, bonjour !

Un peu de bonne humeur et d’amour de soi aujourd’hui — oserais-je parler d’inclusivité ? — parce qu’on cause d’une héroïne qui fait péter les standards en même temps que la taille 38 !

Sarakontkoi ?
Cindy a perdu sa maman toute petite, puis son papa s’est remarié et est décédé à son tour. L’histoire, on la connaît, Cendrillon va racler les chaudrons et récurer la cuisine… que nenni, parce qu’Erica Tremaine –sa belle-mère et célèbre productrice d’un show genre Bachelor— et Drew et Anna, ses deux demi-sœurs, l’adorent. Lorsque Cindy propose d’intégrer le casting des prétendantes de Avant Minuit, ledit show, non pour rencontrer le merveilleux célibataire, mais pour l’utiliser comme vitrine pour ses créations (elle crée des chaussures), Erica a des doutes : Cindy est hors standards, elle est grosse et risque de ne récolter que moqueries et humiliations. Mais Cindy n’en démord pas : elle aussi a sa place sous les projecteurs…

Tenpenskoi ?
Je t’avais parlé il y a quelques temps de Attention Spoilers… on est dans le même schéma, clairement, les scènes de sexe explicites en moins (raison pour laquelle il a fini dans mon rayon). On parle d’une ouverture vers l’autre qui passe par une acceptation de soi. Et, loin d’être stigmatisant, le roman n’hésite pas à râler contre les marques (de luxe ou populaire d’ailleurs) qui, même lorsqu’elles se targuent de proposer des « grandes tailles », ne les ont que rarement en rayon, obligeant les consommateurs XL à se fringuer sur le net. Je peux te le dire, je l’ai connue moi, la petite brindille de chez Etam Lingerie qui vient te voir direct pour te dire que si ta taille n’est pas en rayon, elle doit avoir quelques grandes tailles en arrière boutique. Ca fait du bien de voir un personnage gros oser l’ouvrir pour dire que c’est injuste.

Et si on parle d’inclusivité, on n’oublie pas les personnages gays, ou bi, les non genrés (bien qu’en anglais, l’emploi du pronom they/them me fasse toujours me demander combien ils sont… avant de comprendre que c’est leur façon de dire iel). Et pour autant, ces personnages n’ont pas besoin de porter un drapeau ou de réellement revendiquer ce qu’ils sont. Ils sont eux, et ils sont là, et c’est cool.

Alors bien entendu, on n’échappe pas à la romance entre la curvy et le beau gosse. Mais on aime, on aime ! C’est un peu notre plaisir coupable… Et quel plaisir de voir une réécriture de Cendrillon où la marâtre assume pleinement son rôle de mère de substitution, et où les demi-sœurs sont de réels soutiens pour Cindy ! Petit bonus pour le remaniement des personnages de Gus et Jack, dont je ne parlerai pas plus ici, pour vous laisser le plaisir de la découverte. Ok, ça n’a plus grand chose à voir avec l’original, mais quand même, c’était une lecture sans prise de tête, qui m’a dit ce qu’elle avait à dire, et dans laquelle, pour le coup, il m’est arrivé de me retrouver. On attend le prochain relooking de conte !

Pour info :
éditions Hachette (traduction Nadège Gayon-Debonnet), collection Modern Princess, 512 pages, 17,95€

Publié dans Bouquinade, Roman

À un cheveu (Maëlle Desard)

Ami du jour, bonjour !

Je t’ai rebattu les oreilles avec cette autrice, je t’ai parlé et reparlé de ses romans, et, forcément, lorsque j’ai appris, par le plus grand des hasards, qu’elle publiait chez Slalom, j’ai sauté sur ma chargée de relations libraires favorite, et je l’ai suppliée de m’envoyer le texte en numérique (une envie pressante, ça n’attend pas). Toutes affaires cessantes, je me suis donc jetée sur le manuscrit, espérant recevoir le roman papier par la suite… Il est arrivé, c’est donc le moment pour moi de poster mon avis. Prépare-toi, c’est drôle, c’est percutant, et ça sort le 28 avril.

Sarakontkoi ?
C’est un nouveau départ pour Emma, 17 ans, qui vient d’emménager dans un nouvel appartement avec ses parents et son frère, d’un an son aîné. Très protecteur envers elle, il a déclenché une bagarre dans leur ancien lycée. La raison ? Emma est atteinte d’alopécie, une maladie congénitale à cause de laquelle elle perd peu à peu tous ses cheveux, jusqu’à devenir quasiment chauve et le centre de l’attention moqueuse de ses anciens camarades. Dans ce lycée, ce sera différent : dissimulé sous une perruque, son crâne ne sera plus la cible des mauvaises blagues, ni des regards scrutateurs, même si pour cela, Emma doit abandonner sa passion, la natation, et mentir chaque jour, en vivant dans la terreur que son secret ne soit révélé.

Tenpenskoi ?
Si un roman porte le nom de Maëlle, tu l’auras compris, je fonce sans réfléchir. Au-delà des personnages hors-normes à qui elle prête sa plume, son style désinvolte, désopilant et sarcastique cache toujours sous sa légèreté un message d’auto-acceptation. Et c’est ce que j’aime : au final, que tu acceptes ses personnages, elle s’en tape un peu, l’important, c’est toujours qu’ils s’acceptent eux-mêmes. On arrête donc de faire du pied au lecteur avec de jolis textes bien pensants, on sort son plus beau chapelet d’injures fleuries, et on fonce.

Maëlle parle ici de différence et d’acceptation, mais surtout d’un sujet qui la touche personnellement, ce qui rend le texte et cette espèce de résilience face à la fatalité très réels. Et elle ne s’arrête pas là : elle aborde des sujets comme les relations toxiques que l’on entretien parce qu’on s’y sent obligés pour ne pas perdre pieds ; l’exposition des ados aux réseaux sociaux, leurs bienfaits comme leurs risques ; et enfin, les liens qui unissent les membres d’une même famille, parfois complexes, forts, inavoués, désintéressés. C’est plein de bonnes ondes, mais ça dit ce que ça a à dire. Ce roman est d’utilité publique, il est urgent de le lire, petits et grands lecteurs, de le lire, et de partager votre lecture. Maëlle rend ses lettres de noblesse à une littérature ado/YA française contemporaine dont je n’attendais plus grand chose. Et rien qu’avec cet argument, toi qui connais la parcimonie avec laquelle je distribue les compliments, tu devrais déjà avoir sauté dans ta voiture pour aller te procurer ce livre chez ton libraire !

Pour info :
éditions Slalom, 317 pages, 14.95€

Publié dans BD, Bouquinade

Le bleu est une couleur chaude (Julie Maroh)

Amis du jour, bonjour !

Pendant mes jours de congés (le lundi et le mardi), je perds un peu la notion du temps, et de ce que je fais ou pas… Bref, toujours est-il que — en ayant assez de tergiverser sur la manière dont j’allais bien pouvoir payer mes impôts et faire mon versement annuel sur mon PEL — j’ai décidé de m’accorder 5 minutes, où je ne ferais pas un truc utile. Apprendre à perdre du temps. Et ma perte de temps favorite, c’est la lecture… Une BD que j’avais sur mes étagères depuis quelques semaines, que j’avais commencée bien avant la nomination de son adaptation cinématographique à Cannes, le jour de sa nomination à Angoulême.

le bleu est une couleur chaude

Sarakontkoi ?
Milieu des années 90. Clémentine est au lycée. Sa vie se déroule comme celle de toutes ses amies, jusqu’au jour où elle croise le regard d’une étrange fille aux cheveux bleus. Ses désirs commencent alors à changer, sans qu’elle ne les comprenne, et plus tard sans qu’elle ne les accepte. Sur un fond de tumultes sociaux et de manifestations (il est question du plan Juppé), sa vie bascule. Une passion que ni ses parents, ni ses amis ne semblent comprendre, avec une étrange étudiante aux cheveux bleus…

Tenpenskoi ?
La première chose qui m’a accrochée, c’est la finesse du graphisme. Avant même d’ouvrir le livre, la couverture a joué son rôle d’aimant, m’attirant irrésistiblement à ouvrir ce bouquin et pas un autre (pourtant, Dieu sait qu’il y en avait sur les tables du festival d’Angoulême en 2010)… et l’intérieur n’est pas en reste ! L’histoire est touchante, les personnages authentiques. Quelques facilités scénaristiques et une ellipse un peu trop importante à la fin à mon goût. Manque juste quelques pages, pas grand chose.

Mais c’est tellement peu par rapport à la sensibilité, à l’émotion que dégage le dessin, qui dessert l’histoire aussi bien — même mieux — que le texte. En fait, le dialogue est carrément relayé au second plan, et les extrait de journal sont magnifiques. J’ai aimé perdre du temps, pour une fois. Et malgré le titre, on ressent la brise fraîche de la douleur, de la terreur sociale, et de l’isolement… et tellement d’autres choses plus belles ! À lire…

Plus d’infos :
Glénat, 156 pages, 15,50€ chez votre libraire (pour les copains qui sont dans le coin, je vous le prête quand vous l’voul’voul, parce qu’il est trop bien !)