Publié dans Bouquinade, Roman

Se cacher pour l’hiver (Sarah St Vincent)

Ami du jour, bonjour !

Mes billets arrivent nettement moins vite que mes stories. Tu l’auras deviné, il est plus facile pour moi de dégainer mon téléphone et de te causer d’une lecture que je viens de terminer que de me poser devant mon clavier pour essayer de mettre au clair mes idées. Bref, voici donc enfin mon avis posé et réfléchi sur cette lecture.
Précision : le roman m’a été envoyé par Delcourt dans le cadre du club de lecture Picabo River Book Club, géré par Léa, qui fait un travail de fou pour qu’on puisse recevoir des livres issus de partenariats.

Sarakontkoi ?
Depuis l’accident de voiture qui a tué son époux et l’a salement amochée, Kathleen mène une vie recluse dans le parc naturel des Blue Ridge Mountains. Elle vit avec sa grand-mère et travaille dans un snack minable, vide la plupart du temps, en particulier en hiver, lorsque les touristes désertent la région. Son quotidien, baigné dans la torpeur des anti-douleurs, est bousculé lorsqu’arrive un étranger qui semble tout faire pour demeurer invisible. De discussion en jeux d’échecs, il ouvrira pour Kathleen les lourds bagages de son passé, et déchirera chez elle des plaies qu’elle pensait oubliées.

Tenpenskoi ?
Honnêtement, si tu as suivi mes avis en cours de lecture sur Insta, tu sais que le début m’a gênée. Quelques passages maladroits, que j’avais imputés à une traduction malheureuse, et une sale manie de l’autrice de donner trop ou pas assez de détails sur ses scènes. Bref, si j’en étais restée là, je me serais dit « mouais, c’est sympa comme lecture ». Mais j’ai continué, parce que le livre exerçait sur moi une fascination que je ne comprenais pas encore.

C’est au fur et à mesure que Kathleen sort de sa torpeur, qu’elle se révèle, que le roman commence à nous engloutir. On est loin des rythmes endiablés, mais Sarah St Vincent donne à son texte quelque chose d’envoûtant. Curiosité malsaine ou simple intérêt, avant qu’on ne s’en rende compte, le roman a refermé sur nous son piège, et nous pousse à travers les méandres de souvenirs brumeux et douloureux, qui révèlent enfin, sur la dernière partie, l’horreur d’un silence trop longtemps gardé.

Avec le recul, je comprends mieux la démarche, les maladresses. Et si c’est un roman sur lequel je ne me serais certainement pas arrêtée, je suis vraiment heureuse d’avoir croisé sa route. Parce qu’il évoque avec un détachement pourtant presque passionné un sujet grave qui pourrait vite devenir larmoyant. Il m’a coupé le souffle, me l’a redonné, et a serré ma gorge. Je n’en dis pas plus, parce que je pense que chaque lecteur doit faire son propre chemin. Et lorsque je ferme ce livre pour la dernière fois, les maladresses du début son oubliées, et je n’ai qu’une envie : me lever et marcher. Chapeau bas à Sarah St Vincent, avocate spécialisée dans les droits de l’Homme (oui oui, comme Marc Darcy), qui, en un roman, parvient magnifiquement à transmettre l’essence des histoires qu’elle croise.

Pour info :
éditions La Croisée (anciennement Delcourt Littérature), 264 pages, 21.50€

Publié dans Bouquinade, Roman, Roman historique

La Capucine (Marie Desplechin)

Ami du jour, bonjour !

Je t’en ai brièvement parlé sur les réseaux, cette lecture, je l’ai faite dans le cadre de la rencontre VLEEL (Varions les éditions en Live) avec Marie-Aude Murail et Marie Desplechin, une grande chance pour moi puisque je les considère, chacune à leur manière, comme des piliers de la littérature destinée à la jeunesse.

Sarakontkoi ?
On est au début du XXe, en région parisienne, à Bobigny précisément. Louise a 13 ans, et une grande connaissance de la terre qu’elle cultive pour Gaston, le propriétaire de l’exploitation maraichère en question. Au début du XXe, Bobigny est un peu le potager de Paris, et ses légumes sont exportés jusqu’en Russie. Et si Louise connaît si bien sa terre, si elle l’aime si fort, elle ne peut pourtant pas résister à l’appel de Paris, où elle pense sortir de sa condition miséreuse et échapper aux coups de Gaston…

Tenpenskoi ?
En voilà un roman qui hume bon le début du siècle, le terreau bien fabriqué et l’encens des séances de spiritisme. Ce qui est fascinant, c’est d’entendre l’autrice parler de son roman, nous expliquer qu’en fait, ce sont les cultivateurs et maraichers de Bobigny qui ont développé les méthodes de permaculture que l’on connaît aujourd’hui. Et lorsqu’au détour de l’entretien, elle lâche « moi, quand je rencontre les gosses dans les écoles, j’ai envie de leur dire de faire un métier utile, d’aller travailler la terre, parce qu’il n’y a rien de plus gratifiant ! », on comprend tout l’amour qu’elle y a mis, dans ce roman. Et l’amour de la terre, on le ressent à travers Louise, que la vue d’un bon crottin et de quelques épluchures ravit parce qu’ils nourriront son jardin, qui chérit les simples parce qu’elles protègent ses légumes.

Le roman s’intègre dans une trilogie, Les Filles du siècle, qui met en scène de jeunes adolescentes de 13 ans, fin du XIXe début du XXe. Chaque roman, à sa façon, dépeint les conditions de vie de ces jeunes filles, issues de milieux bien différents (des bourgeoises forcées au mariage aux gamines des rues en passant par les travailleuses silencieuses). Si le style reste agréable, il ne s’adapte pas moins au parler de l’époque, qui donne un aspect franchouillard sympathique aux personnages (et je dis ça sans mauvaise pensée, au contraire). On n’en est pas au féminisme échevelé, au poing brandi et aux seins nus, mais à des voix adolescentes qui cherchent leur chemin, questionnent leurs contemporains, leurs mœurs et surtout, décident de leur avenir.

Bref, c’est une chouette lecture parce qu’on y lit la passion, la détermination, les projets, l’espoir. Et c’est ce que j’aimerais transmettre à la nouvelle génération.

Pour info :
éditions L’École des loisirs, collection Médium, 219 pages, 15€

Publié dans Bouquinade, Roman

La Dernière Abeille (Bren MacDibble)

Ami du jour, bonjour !

On change un peu de registre, je te propose un joli roman, avec une jeune héroïne attachante, et qui porte un chouette message. C’est parti !

Sarakontkoi ?
Pivoine a 9 ans, presque 10. Avec son grand-père et sa grande sœur, elle vit dans une ferme fruitière. Elle rêve d’être une Abeille pour aller polliniser les fleurs sur les arbres. Parce que dans le monde de Pivoine, les abeilles ont presque disparu. Mais ses plans sont dérangés lorsque sa mère la force à la suivre en ville, pour travailler avec elle et « avoir un avenir et une vraie vie ». La ville enferme, la ville étouffe, et Pivoine ne pense qu’à une chose : retrouver sa ferme. Esméralda, la riche enfant gâtée, pourra-t-elle l’aider ?

Tenpenskoi ?
J’ai vu passer le roman sur les réseaux cet été, et je l’ai de suite mis dans un coin de ma tête. Outre le sujet essentiel qu’il aborde (l’écologie, et la mort des abeilles), le personnage de Pivoine avait l’air tout à fait délicieux. Et je ne me suis pas trompée ! Pivoine est une petite sauvageonne aux pieds nus et au caractère bien trempé, qui a mieux compris que bien des adultes ce qui est important dans la vie. Cette gamine, c’est une bourrasque printanière !

L’intelligence de ce roman, c’est de faire rencontrer à cette gamine qui est heureuse d’un rien une riche enfant que tout effraie. Le contraste entre Esméralda et Pivoine fonctionne à merveille ! Tandis que l’une ne pense qu’à quitter ses chaussures et aller courir dans l’herbe, la seconde a peur de tout et ne peut y poser un orteil. C’est l’échange entre les deux enfants qui rend le roman si riche. On y aborde d’ailleurs aussi le deuil, l’absence, et l’abandon.

Bref, un court roman, superbement orchestré et dosé, qui montre sans culpabiliser, et qui nous propose une autre façon de vivre. Je ne peux que vous le conseiller, quel que soit votre âge !

Pour info :
éditions Helium, 162 pages, 14.90€

Publié dans Bouquinade, Roman

Dry (Neal & Jarrod Shusterman)

Ami du jour, bonjour !

J’ai repoussé un peu la rédaction de cette chronique, des éléments de compréhension du roman m’ayant poussée à faire quelques recherches avant de pouvoir en parler correctement. Pour moi, il s’agissait simplement de parler politique et écologie (en très gros). Mais Dry a visiblement plusieurs niveaux de lecture qu’il est intéressant de garder en tête.

Sarakontkoi ?
USA, de nos jours. Une grave crise de l’eau touche la Californie, crise que les médias ont appelée Tap Out. Les barrages construits en amont des fleuves dans les états voisins ont été fermés. Mais cette fois, ça paraît sérieux. Alyssa et son frère Garret, dont les parents sont partis chercher de l’eau sur la côte, se retrouvent seuls, avec pour seul allié Kelton, leur voisin survivaliste un peu taré. Ensemble, ils prennent la décision de partir à la recherche des parents d’Alyssa, et traversent la désolation d’un état dévasté par la folie de ses habitants assoiffés.

Tenpenskoi ?
Mais c’est flippant ! La restriction d’eau est déjà effrayante les étés quand la mairie demande de ne pas remplir les piscines ni arroser les jardins, mais là c’est pire ! Plus d’eau pour boire, se laver, ni même préparer un simple biberon à son bébé. J’en ai eu la gorge sèche tout le long de ma lecture ! Des gestes du quotidien deviennent impossibles, et les jeunes protagonistes font face à la bestialité humaine. Tu as vu les deux folles se battre pour 3 rouleaux de PQ et un paquet de riz ? Imagine ce qu’il en serait pour de l’eau ! Du coup, forcément, ça a fait un peu échos aux premières semaines du confinement.

Le bouquin est criant de réalisme, et l’alternance des points de vue rend le récit tellement vivant ! Et de temps en temps s’intercale ce que les auteurs appellent un « arrêt sur image », une sorte de photographie prise à un instant T par un journaliste ou un passant sur un événement dû à la crise. Pour le coup, les auteurs jouent plus d’une fois avec nos nerfs jusqu’à un climax final de folie !

Je vous parlais de recherches personnelles parce que pour moi, le roman était surtout un cri d’alerte par rapport à notre situation écologique catastrophiques, aux sécheresses, à la désertification de certains milieux. Et franchement, ça marche pour moi. J’ai à peine osé me doucher tellement j’avais peur de gaspiller de l’eau. Mais en parlant avec mon amie Maëlle, qui m’a conseillé ce bouquin, j’ai entrevu un autre thème sous-jacent (merci Maëlle d’avoir mis le doigt dessus) : les californiens ici souffrent de la même gestion merdique des ressources en eau que les palestiniens. Le sujet est très complexe, mais pour simplifier, Israël a construit des barrages sur le Jourdain et creusé des puits qui limitent l’approvisionnement en eau en Palestine et Cisjordanie (on estime que la quantité d’eau par palestinien est 4 fois inférieur à celle d’un israélien). L’eau est d’ailleurs un élément central du conflit israélo-palestinien. C’est trèèèès résumé, mais je te mets un lien vers un article assez bien fait (pour le reste, ou si tu souhaites compléter, je te laisse la parole en commentaire et corrigerai mon billet le cas échéant). Bref, une remise en perspective d’un conflit dans un contexte occidental qui, avouons-le, nous le rend plus tangible. En gros, la question est : et si c’était toi ?

Bref, très efficace, bien écrit, je te conseille Dry. Un conseil cela dit : garde une bouteille à portée de main…

Pour info :
éditions Robert Laffont, collection R, 450 pages, 17.90€

Publié dans Bouquinade, Roman, Roman historique

Mille femmes blanches (Jim Fergus)

Ami du jour, bonjour !

On entame les chroniques des livres que j’ai lus il y a un petit moment, ceux dont j’ai bien souvent parlé rapidement sur les réseaux sans jamais prendre le temps de poster les billets… enfin, de les écrire, pour commencer. Ma tenue du blog, c’est un peu du up and down. Parfois je te ponds une rafale de billets, parfois je ne parviens pas à poster pendant des mois. Et puis, cette année, c’est un peu le yoyo émotionnel quand même. Bref, je te parle de ma lecture de Mille Femmes blanches.

Sarakontkoi ?
1874. May Dodd a décidé de couper les ponts avec sa riche famille pour vivre hors mariage avec un homme qu’elle aime, avec qui elle a deux enfants. Sa famille ne l’entend pas de cette oreille et la fait interner, pratique courante pour éviter le scandale dans les milieux aisés.
Dans le même temps, le Président Grant accepte un marché avec le chef cheyenne Little Wolf : échanger mille femmes blanches contre mille chevaux indiens, afin de mêler les sangs. Bien entendu, Grant recrute le premier contingent de femmes dans les prisons et hôpitaux psychiatrique. May voit là sa chance d’être de nouveau libre.

Tenpenskoi ?
Depuis ma lecture de Ici n’est plus ici, de Tommy Orange, j’ai eu une période où toute cette histoire de natifs américains m’intriguait beaucoup. J’ai retenu deux titres qui traitaient du sujet, L’Envol du moineau, de Amy Belding Brown, et celui-ci. Si les faits énoncés ne sont pas des faits historiques (Wikipedia dit qu’en effet, Little Wolf s’est rendu à Washington en 1973, et que « la teneur des propos échangés est inconnue »), ils sont ici le prétexte à la découverte de la culture indienne via les yeux d’une jeune femme.

Je ne vais pas te mentir, c’est la découverte à la dure, mais on a de la chance, notre héroïne a un fort caractère. Comme on voit la culture indienne à travers les yeux d’une blanche, forcément, leurs coutumes nous sont décrites comme barbares (je parle des séances de transe, de la polygamie, et des rapports hiérarchiques au sein de la tribu). Alors oui, je me suis offusquée bien souvent de l’étroitesse d’esprit des occidentaux, de ce qu’ils trouvaient barbare, ne comprenant pas qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise culture (lol), simplement des êtres humains qui voient le monde différemment. Mais disons que c’était en 1874, et que le monde n’était pas ce qu’il est aujourd’hui (est-il meilleur aujourd’hui ?).

Bref, un livre intéressant, mais pas le waouh auquel je m’attendais. Après, j’étais consciente qu’on serait loin de Pocahontas hein ! Mais il se répète parfois, et visiblement, le tome 2 est un peu une redite, donc je pense que je vais m’en tenir là. Je dois voir maintenant si je me prends L’Envol du moineau. Bref, une potentielle bonne lecture si ce qui gravite autour de la cuture native américaine t’intéresse.

Pour info :
éditions Pocket, 512 pages, 7.95€

Publié dans Bouquinade, Roman, Roman historique

Alma, T1 : Le vent se lève (Timothée de Fombelle)

Ami du jour, bonjour !

Enfin, je te présente ce roman que j’ai mis si longtemps à terminer (pas pour les raisons que l’on pourrait croire) ! Et pour le coup, comme je ne sais pas du tout quand vont sortir les tomes suivants, je vais déroger à ma règle et ne pas attendre d’avoir lu la trilogie pour t’en parler.

Sarakontkoi ?
1786. Alma vit paisiblement dans une vallée d’Afrique noire avec son père, sa mère et ses deux frères. Mais lorsque le plus jeune, nourri des histoires que lui raconte Alma sur le monde au-delà des montagnes, décide de s’enfuir, Alma part à sa recherche.
Joseph Mars est un tout jeune homme et embarque clandestinement à bord de la Douce Amélie, un navire négrier, afin de trouver un fabuleux trésor. Le destin des deux jeunes gens semble lié, et les poussera inexorablement l’un vers l’autre.

Tenpenskoi ?
Avant de donner mon avis, il faut que tu saches que j’ai une relation très particulière avec les romans de Timothée de Fombelle. C’est un auteur dont je trouve la plume exceptionnelle. Il a ce côté poétique sans le vouloir, sans en faire trop, qui me fascine et me berce. Alors, lorsque j’ai entendu parler de son prochain roman, Alma, je l’a attendu, attendu. Et forcément, plus l’attente se prolongeait, plus j’avais peur de ce roman. Entamer un Timothée de Fombelle, pour moi, c’est un peu comme réessayer ton jean préféré après des mois : il est familier, il est beau, tu sais qu’il te fait un cul d’enfer, mais tu as toujours cette peur, lorsqu’arrive le moment de le boutonner, qu’il ne ferme pas et qu’il ne t’aille plus. Voilà, c’est l’état dans lequel je me trouvais en ouvrant le livre.

Et puis — je me permets de réutiliser ma propre analogie — j’ai ouvert le roman. Et là, c’est un peu comme l’été sur la plage. Au début, t’as chaud, t’es pas bien. Tu transpires un peu, c’est étouffant. Alors arrive une délicieuse brise tiède, un souffle qui te caresse, te rafraîchit, qui sent bon le sable et les embruns. C’est ça. En commençant ma lecture, j’étais mal, je cherchais mes repères. Et puis la plume, et puis les mots, et puis le rythme, tout ça m’a murmuré « fais confiance, laisse-toi faire ». Alors j’ai fait confiance, et j’ai terminé.

J’ai vu beaucoup de critiques sur les réseaux qui trouvaient le livre trop lent, les différentes intrigues trop inégales, et le sujet traité de manière trop académique. Personnellement, ça n’a pas été mon cas. Je ne peux pas être aussi dithyrambique que d’autres, qui ont parlé d’une pure merveille. Je ne recommanderai pas ce roman à tous les lecteurs, parce qu’il faut être réceptif à la sensibilité parfois un peu perchée de l’auteur, à ses récit labyrinthiques dont lui seul possède la clef. Mais si tu lui fais suffisamment confiance, alors tu sentiras, toi aussi, cette douce brise d’été sur ton visage. Et si, comme moi, tu es hyper sensible et que la violence et l’injustice te rendent physiquement malade, rassure-toi, le monstrueux commerce qu’était la traite des Noirs n’est pas ici prétexte à des scènes trop violentes. C’est ce qui me faisait le plus peur. Mais tout est induit. Et puis bon, le livre en lui-même est magnifiquement agrémenté des dessins de François Place, qui avait déjà illustré Tobie Lolness. Et c’est un duo qui fonctionne. Sur ce, je te laisse juge de ta décision : lira, lira pas, c’est à toi de voir 🙂

Pour info :
éditions Gallimard Jeunesse, 400 pages, 18€

Publié dans Bouquinade, Litté de l'imaginaire (SF, Fantasy, Fantastique), Roman, Utopie / Dystopie

Eve of man (Giovanna et Tom Fletcher)

Ami du jour, bonjour !

En contemplant la liste des billets que je n’ai pas écrits, je commence à prendre peur, alors il va falloir que j’enclenche la deuxième… ou la onzième plutôt ! Et encore une fois, les billets que je repousse le plus sont ceux dans lesquels je vous parle des livres que j’ai le plus aimés. -_-

Sarakontkoi ?
Dans un monde où aucune fille n’a vu le jour depuis 50 ans, l’arrivée d’Eve est un miracle. Depuis sa plus tendre enfance, elle est entourée de soins, et de toutes les attentions possibles. Ce sont les Mères, des femmes âgées dont beaucoup ont connu l’ancien monde, qui s’occupent de son bien-être et de son éducation. Sa seule amie est un hologramme, Holly.
Derrière le visage de Holly se cache, entre autres, Bram, fils du grand patron de la société qui gère le confort et l’éducation d’Eve. Bram connaît tout d’Eve, il est sa meilleure amie depuis l’enfance. Le système semble parfait, sans faille et Eve pourrait bien être la solution à l’absence de naissances, et sauver l’espèce humaine. Mais Eve est, elle aussi, un être humain.

Tenpenskoi ?
Sincèrement, ce bouquin m’a achevée. Il m’a fait à peu près le même effet que Les Puissants (ouh, deux coups de cœur dans la même année…). En dehors du fait que le roman est rythmé, que les personnages sont bien écrits, et que le contexte est suffisamment plausible pour être effrayant, c’est un roman qui parlera probablement à beaucoup de jeunes femmes. Tout au long de ma lecture, je me suis demandé « la sauvegarde de l’espèce justifie-t-elle de priver de liberté un être humain ? » Le corps de cette jeune fille est-elle la propriété du peuple sous prétexte qu’elle est la dernière de son espèce, si l’on peut dire ?
Il est également question de l’éthique biologique, de l’enfantement à tout prix. De la douleur, du manque d’humanité. Faire un enfant, des enfants, à quel prix, et pourquoi ? Forcément, dans beaucoup de passages, j’ai reconnu mon propre parcours, et j’ai questionné mon propre désir d’enfants. Parce que, chaque fois, revient cette question : à quel prix ? Personnellement, j’ai un avis très tranché sur la question de la survie de l’espère humaine, avis que je ne partagerai pas ici, mais dont nous pouvons discuter par ailleurs si le sujet vous intéresse.
Je crois que le roman est un tome 1 (le reste de la trilogie est encore à paraître en français, mais le tome deux est dispo en VO), et on pourrait lui reprocher de concentrer l’action sur le dernier tiers, ce qui peut donner un effet précipité à cette dernière partie ; cela dit, remis dans son contexte de premier tome, je le trouve très réussi.
Bref, une lecture à la hauteur de mes attentes, que je vous recommande. Y’a pas à dire, Milan a le vent en poupe chez moi en ce moment !

Pour info :
Editions Milan, 448 pages, 17.90€

Publié dans Bouquinade, Roman

Ballade pour une baleine (Lynne Kelly)

Amis du jour, bonjour !

Je continue ma course aux billets, avec une lecture qui date quand même de cet été, mais qui vaut le coup d’être mentionnée. Je suis tombée dessus totalement par hasard en rageant mes nouveautés dans le rayon, et en lisant la quatrième de couv’, j’ai de suite été emballée par le sujet. Comme vous le savez peut-être, j’apprends la langue des signes, et tout ce qui touche à cette culture me fascine. Alors, naturellement, il a terminé sur mes étagères.

Sarakontkoi ?
Iris, 13 ans, est sourde de naissance. Sa mère, son père et son frère, en revanche, sont entendants. Ce n’est qu’avec ses grands-parents maternels, tous les deux sourds, qu’Iris se sent comprise. Seulement, depuis la mort de son grand-père, sa grand-mère n’est plus la même. Iris se sent complètement isolée et se réfugie dans le bricolage de vieilles radios, sa passion. Lorsqu’en cours, son professeur évoque une baleine incapable de communiquer avec ses congénères, Iris ressent le besoin irrésistible de lui faire savoir qu’elle n’est pas seule. Commence alors un long voyage… mais vers quoi ?

Tenpenskoi ?
Iris est franchement une gamine drôle à l’humour mordant, mais dont les frustrations s’expriment par le sarcasme. À travers elle, on ressent la solitude qui peut être celle de personnes sourdes, qui, si elles ont leur propre culture, riche et tout en mouvements, sont aussi isolées par l’ignorance de leur entourage. J’ai beaucoup ri, parce que les malentendus donnent souvent lieu à des scènes cocasses, mais j’ai aussi pleuré. Iris est touchante dans son entêtement, dans sa solitude, dans ses rêves et ses peurs.

Et ce roman fait d’autant plus échos à l’actu que la présence d’interprètes « gesticulant » en haut à gauche des téléviseurs pendant les allocutions présidentielles en début de COVID semblait en gêner beaucoup, qui pensaient que le sous-titrage était suffisant. Certaines personnes sourdes sont à l’aise avec la lecture, pour d’autres, c’est plus compliqué, et il en est de même avec la langue des signes : toutes ne signent pas. L’ignorance de la population au sujet de la culture sourde (et je parle de culture, pas de handicap, parce que vous ne diriez pas d’un anglais qu’il est handicapé juste parce qu’il ne parle pas votre langue) est flagrante, et déplorable. J’approuve toute initiative qui pourrait ouvrir un pont entre la culture entendante et la culture sourde. Et clairement, même s’il peut contenir quelques inexactitudes, ce roman en est un. Lisez-le.

Pour info :
éditions Milan, 320 pages, 14.90€

Publié dans Bouquinade, Roman

Everything, Everything (Nicola Yoon)

Ami du jour, bonjour !

Je m’en viens partager avec toi une lecture un peu tombée du ciel. Je cherchais sur Audible de quoi compléter mes conseils aux jeunes lecteurs. Des romans que je n’avais pas dans l’idée de lire, mais qui me sortiraient de cette PAL (pile à lire) qui n’en finit pas. J’avais rapidement entendu parler de Everything everything, et ça changeait radicalement du type de romans que je lisais dernièrement, alors j’ai dit Banco.

Sarakontkoi ?
La jeune Madeline souffre d’une maladie très rare : elle est une enfant-bulle, condamnée à vivre dans un espace totalement aseptisé à cause de son système immunitaire défaillant. Elle vit seule avec sa mère, qui est aussi son médecin, et sin infirmière, Carla, depuis la mort de son père et de son frère alors qu’elle n’était qu’un bébé. Lorsqu’un mystérieux voisin emménage avec sa famille, Madeline se découvre un intérêt soudain pour le monde extérieur, en particulier pour la vie de ce jeune homme dont les relations familiales semblent compliquées…

Tenpenskoi ?
Comme je l’ai dit plus haut, je sors un peu de mes lectures habituelles. Les histoires de maladie tout ça tout ça, c’est toujours très larmoyant, et j’avoue que j’ai suffisamment de quoi pleurnicher pour en rajouter une couche (oui, ça paraît horrible dit comme ça, mais c’est ce que je ressens). Fort heureusement, Madeline est une jeune fille intelligente et vive, qui ne se définit pas seulement par sa condition. Elle s’intéresse à beaucoup de choses, aux gens. Elle s’éveille à un monde qu’elle sait qu’elle ne pourra jamais visiter.

Parler de ce bouquin sans en dévoiler trop s’avère assez difficile, mais sachez qu’il s’agit plutôt d’une lecture feel good, fraîche et positive (malgré ce que traversent ses personnages) que d’un récit mièvre qui s’apitoie sur lui-même. Le roman ne prend pas nécessairement la direction que le lecteur attendrait. Au-delà de ça, le style est simple et fluide, ça se lit vite, et l’autrice installe un réel échange avec son lecteur. Non, vraiment, c’est une lecture sympa. Pas la lecture du siècle, mais franchement sympa.

Pour info :
Le Livre de Poche Jeunesse, 384 pages, 6.90€

Publié dans Bouquinade, Roman

Je ne meurs pas avec toi ce soir (Gilly Segal / Kimberly Jones)

Ami du jour, bonjour !

Une fois n’est pas coutume, je me plonge dans une lecture qui suit l’actu, si si. Parce que j’ai cessé de regarder / lire les actus, sous toutes leurs formes. En l’occurence, si j’ai eu envie de lire ce roman, c’est pas pur hasard, parce qu’il m’a intriguée. Et mon instinct ne s’est pas trompé.

Sarakontkoi ?
Lorsqu’une émeute éclate lors d’un match de foot inter-lycée, suite à une remarque raciste d’un gamin blanc, Campbell et Lena n’ont d’autre choix que de fuir ensemble. Campbell est blanche Lena est noire et toutes deux ont de gros a priori sur l’autre : Lena confond « blanc » et « riche » et Campbell fait l’amalgame entre « noir » et « dealer ». Lena n’a qu’une idée en tête : rejoindre son petit ami, même s’il faut pour cela traverser les manifestations spontanées qui se sont propagées dans le quartier. Plongées au cœur de l’enfer des émeutes, sauront-elles mettre de côté leurs préjugés ?

Tenpenskoi ?
Franchement, le sujet avait de quoi être casse-gueule, surtout en ce moment ; cela dit, l’intelligence de ce roman tient à son écriture à quatre mains, celles d’une autrice noire et d’une autrice blanche. Et les deux points de vue sont importants pour que le lecteur, quelle que soit sa couleur de peau, se sente inclus et impliqué. Lena est une jeune fille populaire, mais effrayée à l’idée de croiser un jour une patrouille de police, parce qu’elle sait que sa couleur de peau fera d’elle une suspecte systématique, quoi qu’il arrive. Campbell est blanche, donc elle ne connaît pas cette peur, mais elle connaît de graves problèmes financiers et familiaux.

Ce que j’ai aimé, c’est que le roman traite certes un sujet d’actualité, en mettant le doigt notamment sur le « racisme ordinaire », celui dont on ne se rend pas forcément compte. Mais il prend en compte les individualités de chacune de ses deux protagonistes. Aucun de leurs jugements n’est rabaissé ou critiqué. Les autrices se contentent de mettre le doigt dessus, et c’est au lecteur de faire son propre chemin, d’avoir ses propres prises de conscience. Le récit est très immersif, ce qui ne gâche rien. Et surtout, il n’en fait pas des tonnes.

Bref, ce fut une lecture instructive. Je ne saurais que le recommander à tout lecteur intéressé par le sujet.

Pour info :
éditions Milan, 248 pages, 14.90€