Publié dans Highway to FIV

Il y a aussi des jours où ça va

Salut les loulous !

Bon, aujourd’hui, c’est pas la joie. Après une piqûre de Decapeptyl, 10 de Ménopur dosé à 300Ul, une ponction, 7 ovocytes, 3 embryons (dont un seul a survécu), 40 ovules de Progestan, je peux officiellement annoncer… que je ne suis toujours pas enceinte. On dit qu’on s’habitue à tout, même à la douleur. C’est vrai.

Et cette fois-ci, au lieu de vous parler des étapes du traitement, que vous connaissez si vous avez suivi les tentatives précédentes, je vais vous parler de ce qu’il se passe dans la tête de quelqu’un comme moi. Peut-être comme d’autres. Et si vous lisez ce billet et que vous vous reconnaissez, ça veut dire que peut-être je ne suis pas si folle que ça.

Quand tu es dans notre situation, à Chéri et moi, la première chose que tu te dis, c’est qu’il y a des signes. Que la vie a un dessein pour toi. Que s’il arrive des trucs extraordinaires, ça veut peut-être dire que c’est la bonne, parce que tu en auras des anecdotes à raconter ! Par exemple, et je ne parle que de cette tentative : hier, au moment de passer à notre labo habituel pour faire la prise de sang, il était fermé. Grève. Drôle, il faut trouver un autre labo d’urgence, ça fera un truc à raconter. Ensuite, nous avons décidé avec Chéri d’ouvrir les résultats ensemble. Je dois donc attendre jusqu’à ce qu’il rentre à la maison pour ouvrir ce foutu mail que pourtant j’ai pourtant reçu il y a  des heures. Hier, son N+3 l’a chopé alors qu’il partait (en vitesse pour rentrer au plus vite à la maison) pour lui parler de trucs urgents… pendant une demi-heure. Ca nous a fait rire, une anecdote en plus. Je ne parle pas de mon PC qui refuse de s’allumer et du reste. En fait, on ne se les racontera qu’à nous, ces histoires.

À l’approche d’un résultat, je suis du genre névrosée. On ne dirait pas comme ça, mais je me mets à faire des paris avec moi-même : si j’atteins la porte avant la fin de la chanson, c’est que c’est bon. Si je passe au vert, c’est que c’est bon. Si j’arrive à la porte avant qu’elle se ferme, c’est que c’est bon. Et j’en passe.

Le plus difficile, c’est que tu vois les gens galérer autour de toi. Ils savent pas trop comment se comporter. Tes amies craignent de t’annoncer leur grossesse, de te parler de leur projet de 2e bébé, ta famille t’aime tellement qu’elle veut que tu ailles bien. Mais c’est ça le truc, tu ne vas PAS bien. Ma maman m’a dit l’autre jour un truc qui m’a marquée. Elle m’a dit « toi, tu n’as peut-être pas de bébé, mais moi, j’en ai un, et je le vois sombrer, et je sais pas quoi faire ». L’impuissance.

Et puis, il y a la colère. Oui, je suis en colère. Par exemple, je ne lis plus et ne regarde plus les infos, mais parfois ça filtre. Par chez nous, on a l’affaire Fiona, tu connais ? Une mère et son mec qui font croire que leur gamine a été enlevée, les marches blanches, les groupes de recherche, tout ça pour qu’on apprenne que peut-être ils étaient trop défoncés pour se souvenir d’où ils avaient enterré la gamine qu’ils avaient battue à mort. Et encore, si elle est morte. Bref. Bah cette meuf là, dont le procès est toujours en cours, retombe enceinte. Et toi, t’es là, avec tes putains de piqûres, les 3 internes qui crèchent entre tes cuisses une fois tous les 6 mois, et cette envie d’enfant qui te crève le bide. Merde.

Quand tu parles de ta situation, tout le monde connaît quelqu’un pour qui ça a miraculeusement marché. On oublie les 70% de cas dans lesquels les couples sont restés sans enfant. On te dit de garder espoir. On devrait te dire qu’il se peut que tu n’y arrives jamais, et qu’il faut peut-être t’ouvrir à d’autres projets. Les docteurs, ils font leurs 4 tentatives par patiente, ils s’en foutent que ça marche ou pas. Ils changent un peu le dosage. Te disent « il vaut mieux 5 beaux ovocytes que 15 petits ». Ils ont 200 dossiers à traiter par semaine, autant d’échographies, d’ordonnances, de crises de larmes. Ils se blindent. Toi, tu te sens juste seule. Alors oui, y’a des psys. Je veux pas qu’un psy m’explique la vie. Je veux que mon médecin me regarde dans les yeux et nous parle, à nous, M. et Mme Rastoix, de notre dossier. De notre cas… Ca me fout dans une rogne !

Avant, je disais que ma vie, c’était de la merde. Maintenant, j’ai compris que j’avais beaucoup de choses : Chéri, mes parents (même si parfois, ils sont maladroits), mes frangines (si bourrines ou têtes en l’air soient-elles), mes amis, qui font ce qu’ils peuvent. Mon chat. Je dois trouver autre chose que cet enfant. Trouver un autre but, parce que je ne veux pas que ma vie ait un goût d’inachevé, ou passer à côté d’elle parce que j’ai décidé qu’elle ne vaudrait la peine d’être vécue que si j’étais mère. En janvier on part à Berlin, que j’aime tant. Peut-être New-York, maintenant qu’on a un passeport. J’adopte des plantes que j’essaie de garder en vie, je compense (pas avec un animal, Madame Agatha ne le permet pas). Ma vie, c’est pas de la merde, mais il y a des merdes dans ma vie, c’est différent. Alors je m’accorde 5 minutes d’auto-appitoiement et je continue. Pace qu’il y a aussi des jours où ça va.

7 commentaires sur « Il y a aussi des jours où ça va »

  1. Je ne suis pas dans la même situation que toi, mais peut-être que le jour où j’aurai décidé que je veux des enfants et que j’y suis prête, je connaîtrai les mêmes merdes que toi.
    Dans tous les cas, ton texte m’a beaucoup touchée et émue au plus profond de moi. Je sens les larmes me monter aux yeux alors que je suis au bureau et que je ne peux pas pleurer. Parce que ce que tu dis est à la fois beau, vrai, triste, révoltant, injuste. Parce que c’est écrit avec les tripes et qu’on ressent tout ce que tu traverses.
    Je ne sais pas quoi dire, et je pense qu’il n’y aura jamais de mots et que parfois il faut juste se taire. Mais sache que tu m’as touchée en plein cœur. Il fallait que je te dise au moins ça.

  2. Merci pour ce bel article qui m’a également beaucoup touchée. Je suis désolée pour vous que cette FIV ait été merdique.
    Je me reconnais dans beaucoup d’aspects que tu décris, par exemple la colère (moi non plus je ne lis plus les infos) ou les paris avec soi-même (n’importe quoi, si la porte de l’ascenseur se ferme dans les 3 secondes…, si c’est une voiture blanche qui nous dépasse…, si n’importe quoi!!!). Aussi, on a un chat 😉
    Je lisais ton article en buvant mon café et mon chéri me demande ce que je lis, alors je le lui ai lu. Il m’a dit: « c’est très inspirant, peut-être qu’on devrait trouver un groupe de parole de gens dans la même situation que nous pour réfléchir à ce qu’on va faire si on n’a pas d’enfants ». Alors merci pour l’inspiration et merci pour le partage 💜

    1. Merci pour ton message tellement touchant 🙂 Je suis soulagée de voir que je ne suis pas la seule névrosée ! Bon courage à vous en tout cas. Et si tout le monde te dit de ne pas perdre espoir, il faut aussi garder en tête que ça peut effectivement ne jamais fonctionner. Et il ne faut pas passer à côté de ta vie, elle est trop précieuse 🙂 Bonne chance !

  3. Salut miss,

    Alors ce matin, aux aurores, j’avais commencé un « petit » laïus, suite à ton dernier post qui m’a un peu retourné le bide tellement je t’ai sentie mal. Etant passée par là avant toi, j’avais une petite idée du stade où tu en étais. Et puis là, tu viens de poster à nouveau et je me dis… ben tant pis, je vais finir d’écrire ce que je voulais t’écrire, car ça peut peut-être t’aider (vous aider chéridou et toi d’ailleurs). Alors voilà ce que j’ai écrit ce matin, 6h17, confortablement installée dans mon canapé rouge :

    « Alors j’avais plutôt prévu d’envoyer un message privé, mais je me dis pourquoi pas le mettre ici, ces mots pourront peut-être trouver écho chez d’autres personnes aussi (à toi de voir).
    Je suis ton blog depuis un moment (sur les bons conseils de ma soeur chérie) et par conséquent aussi vos « galères » PMA. La @cotcotcrochete a sûrement dû te dire que nous étions nous aussi dans le circuit, et c’est donc en tant que patiente, soeur de ton amie mais également médecin que je vais te parler aujourd’hui.
    Je comprends exactement ce que tu peux ressentir à la lecture de ton dernier article, pour avoir traversé des moments pareils. Et je ne vais pas te dire les choses habituelles : garde espoir, regarde une telle ou une telle ça a fini par marcher, faut arrêter de faire une fixation dessus sinon ça marche pas… bref, ces choses-là effectivement t’as dû les entendre mille fois.
    Moi le message que je veux te faire passer aujourd’hui c’est surtout : ne te perds pas en route, ne VOUS perdez pas en route. T’as la tête dans le guidon, tu enchaines les protocoles, t’es bourrée d’hormones, tu contrôles plus tes émotions… et du coup tu plonges. Ton moral plonge. Il faut s’obliger à ressortir la tête de l’eau (des fois ça veut dire faire une pause PMA, c’est ce qu’on a fait nous) et réfléchir sur le fond.
    Tu veux ce bébé à fond, c’est « viscéral ». Mais pourquoi en fait? Pour toi? Pour lui? Pour votre couple? Pour transmettre un patrimoine génétique? Pour transmettre des valeurs? Pour laisser une trace sur cette terre? Est-ce que c’est vraiment ce que tu veux toi ou est-ce que c’est la société qui t’impose ça, qui te fait croire que l’accomplissement de la vie c’est d’avoir des enfants?
    Une fois que tu sais pourquoi tu veux vraiment cet enfant, tu peux t’ouvrir ou non vers l’adoption.
    Et si tu en viens à la conclusion que ça devait être génétiquement le tien sinon rien, et ben une fois les 4 tentatives PMA passées, ce sera rien. Ou l’étranger. Et là encore une fois, il faut réfléchir sur le fond.
    Est-ce que je veux continuer à mettre cet enfant à venir comme but ultime dans ma vie? est-ce que je veux consacrer encore tout mon temps, mon énergie, mon argent dans le « quête » de cet enfant à tout prix? Le réponse peut être oui. Mais la réponse peut aussi être : non, ma vie ne se résume pas à avoir une descendance. J’ai un mari super, une famille super, des ami(e)s en or, un bon job, des hobbies passionnants, un blog génial, je peux m’accomplir dans la vie sans enfant… Et je peux transmettre des valeurs qui me tiennent à coeur à la jeunesse tout de même! Neveux et nièces, enfants d’amis, milieu scolaire…
    Bref, je sais pas si je suis très claire dans mes propos, mais pour résumer :
     » Mon Dieu (ou Maman/Papa, ou Cher cerveau), donne-moi la force d’accepter les choses que je ne peux changer, le courage de changer celles que je peux, et la sagesse d’en connaître la différence » »

    Là j’ai regardé l’heure : il était temps de partir au boulot !

    Donc j’ai interrompu mon texte et je me suis dit que je reprendrai cette après midi, car j’avais encore des choses à dire. Et en rentrant, j’ai lu ton nouveau post, et je me suis dit (je n’en doutais pas d’ailleurs) : elle chemine vite cette petite ! Donc je vais juste rajouter deux-trois choses.
    1/ Très terre à terre mais par expérience perso, le protocole Decapeptyl m’a mise au fond du trou, et pourtant tu le sais je suis d’une nature plutôt hyper optimiste et joyeuse ! Donc rassure-toi, ton corps va finir d’éliminer tout ce cocktail d’hormones et rien que ça, tu verras, ça ira mieux.
    2/ J’entends ta colère par rapport à l’histoire de la petite Fiona. Je comprends d’autant plus que dans mon métier, j’en vois à la pelle des enfants nés dans des conditions sociales compliquées, maltraités ou négligés, des grossesses non désirées, des IVG… ça peut rendre aigrie à force, mais ça fait partie des choses que tu ne peux pas changer, donc que tu dois accepter (une fois la protection de l’enfance prévenue bien sûr ! Petite touche d’humour;-)). La vie est ainsi faite, elle est injuste, mais si tu es en colère tout le temps et aigrie, tu finis par te bouffer la vie et c’est toi qui souffres encore une fois au final.
    3/ Et je vais finir par ça parce que c’est le plus important, donc j’insiste : ne vous perdez pas en route, individuellement mais aussi en tant que couple. Vivez. Maintenant.

    PS perso : je reste à dispo si jamais tu veux discuter plus amplement en privé sur messenger, par mail, par voie épistolaire. Je pense à toi (à vous) très fort. Maintenant pause, vacances, voyage, lecture et passe-miroir (et tout se passera bien…)

    1. Mille mercis, ça fait un bien fou de lire tout ça !
      Effectivement, l’idée de nous perdre m’a effrayée. Et surtout, je ne comprends plus qui je suis… Les questions que tu évoques, je me les suis posées. Pourquoi vouloir un enfant, et à quel prix ? La réponse qui me vient en tête est : j’ai plein de trucs enfermés dedans, et je sais qu’il y a des trucs cools (d’autres moins cools) et je sais que je peux transmettre. Au-delà de ça, Chéri, que j’aime très fort, et moi sommes deux personnes différentes. J’aimerais trouver un peu de nous mélangé dans un troisième truc (le chat ne compte pas…) parce que ça peut donner un truc chouette.
      La génétique ne paraît pas être un problème ni pour lui ni pour moi… Mais là, on a besoin, comme tu le dis, de sortir la tête du guidon, de laver notre corps (surtout le mien) et nos têtes.

      En tout cas, je suis heureuse d’avoir lu ton bi-message, c’est aussi la preuve que je ne suis peut-être pas si paumée 🙂 Et puis si La Passe-Miroir et Berlin nous attendent, ça devrait aller 🙂

      PS perso : merveilleuse idée que d’échanger, je me retournerai vers notre amie commune (‘fin toi c’est ta frangine…)

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