Publié dans Bouquinade, Roman

Ballade pour une baleine (Lynne Kelly)

Amis du jour, bonjour !

Je continue ma course aux billets, avec une lecture qui date quand même de cet été, mais qui vaut le coup d’être mentionnée. Je suis tombée dessus totalement par hasard en rageant mes nouveautés dans le rayon, et en lisant la quatrième de couv’, j’ai de suite été emballée par le sujet. Comme vous le savez peut-être, j’apprends la langue des signes, et tout ce qui touche à cette culture me fascine. Alors, naturellement, il a terminé sur mes étagères.

Sarakontkoi ?
Iris, 13 ans, est sourde de naissance. Sa mère, son père et son frère, en revanche, sont entendants. Ce n’est qu’avec ses grands-parents maternels, tous les deux sourds, qu’Iris se sent comprise. Seulement, depuis la mort de son grand-père, sa grand-mère n’est plus la même. Iris se sent complètement isolée et se réfugie dans le bricolage de vieilles radios, sa passion. Lorsqu’en cours, son professeur évoque une baleine incapable de communiquer avec ses congénères, Iris ressent le besoin irrésistible de lui faire savoir qu’elle n’est pas seule. Commence alors un long voyage… mais vers quoi ?

Tenpenskoi ?
Iris est franchement une gamine drôle à l’humour mordant, mais dont les frustrations s’expriment par le sarcasme. À travers elle, on ressent la solitude qui peut être celle de personnes sourdes, qui, si elles ont leur propre culture, riche et tout en mouvements, sont aussi isolées par l’ignorance de leur entourage. J’ai beaucoup ri, parce que les malentendus donnent souvent lieu à des scènes cocasses, mais j’ai aussi pleuré. Iris est touchante dans son entêtement, dans sa solitude, dans ses rêves et ses peurs.

Et ce roman fait d’autant plus échos à l’actu que la présence d’interprètes « gesticulant » en haut à gauche des téléviseurs pendant les allocutions présidentielles en début de COVID semblait en gêner beaucoup, qui pensaient que le sous-titrage était suffisant. Certaines personnes sourdes sont à l’aise avec la lecture, pour d’autres, c’est plus compliqué, et il en est de même avec la langue des signes : toutes ne signent pas. L’ignorance de la population au sujet de la culture sourde (et je parle de culture, pas de handicap, parce que vous ne diriez pas d’un anglais qu’il est handicapé juste parce qu’il ne parle pas votre langue) est flagrante, et déplorable. J’approuve toute initiative qui pourrait ouvrir un pont entre la culture entendante et la culture sourde. Et clairement, même s’il peut contenir quelques inexactitudes, ce roman en est un. Lisez-le.

Pour info :
éditions Milan, 320 pages, 14.90€

Publié dans Bouquinade, Roman

La Longue Marche des dindes (Kathleen Kaar)

Ami du jour, bonjour !

Il est temps de ressortir les madeleines, comme je l’avais fait lors de ma relecture du roman Le Passage, de Louis Sachar. D’ailleurs, c’est également pour le comité de présélection du prix littéraire du collège que j’avais lu le petit bijou que je m’apprête à vous présenter ! Et maintenant qu’est venu mon tour de prescrire (oui parce que, si tu n’as pas suivi, je suis libraire jeunesse maintenant), je relis les livres qui m’ont marquée pour les placer entre les mains des jeunes lecteurs… et de leurs parents.

Sarakontkoi ?
Fin du XIXe siècle, Missouri. Simon Green, un jeune homme de 15 ans que tout le monde qualifie de simplet, ne parvient pas à dépasser ce qui s’apparenterait aujourd’hui à un niveau CM2. Tous les enfants de sa classe ont fini par recevoir leur diplôme. Alors lorsque son institutrice, Miss Rogers, le lui remet en lui expliquant qu’il est temps pour lui d’entrer dans la vraie vie, Simon Green se demande ce qu’il va pouvoir faire. Avec l’aide de Miss Rogers, il décide d’acheter un troupeau de 1000 dindes, et de les convoyer jusqu’à Denver, où leur valeur est plus de 20 fois supérieure. Il sera accompagné pour cela de M. Peece, un alcoolique notoire, pas mauvais bougre, qui n’aspire qu’à se repentir. Commence alors la longue marche des dindes, semée d’embuches, mais surtout, de rencontres.

Tenpenskoi ?
Tu imagines bien que si j’ai pris la décision de le relire, c’est que ce roman m’a fait forte impression. L’histoire d’un jeune homme dont le degré d’intelligence est défini par son échec scolaire ; de ce jeune homme en qui quasiment personne ne croit (et notez que je dis bien quasiment) ; d’une intelligence insoupçonnée, dévaluée, celle du cœur, et d’une logique il est vrai parfois très particulière. Simon est un incompris. Mais il est aussi une revanche. Une revanche sur cette uniformité de l’intelligence que notre société essaie de nous imposer.

Mais pourquoi ce roman nous accroche-t-il tellement ? Je dirais qu’il y a trois éléments essentiels : tout d’abord, les personnages. Ils sont attachants, certes, mais surtout imparfaits, bourrés de nos défauts. Ils ont des problèmes de personnages du XIXe dans une Amérique moitié esclavagiste en pleine ruée vers l’Ouest. Mais quand même. Ensuite, le rythme. Le roman, tu t’en doutes, se lit comme un marathon plutôt qu’un record du 100 mètres. L’action est suffisamment soutenue pour que tu continues de lire, les personnages suffisamment bien écrits pour que tu t’identifies. Et puis, comme Simon et ses compagnons, tu as des temps de repos. Enfin, outre le fait que cette histoire soit inspirée de faits réels (à savoir le convoi de volailles à travers l’Amérique du Nord), elle t’attrape, toi, gamin qui n’aimes pas lire, qui n’aimes pas l’école, te regarde dans les yeux et tel Barack Obama te dit « Yes you can », oui, tu peux lire, tu peux vivre, à ta façon, parce que tu as ta propre intelligence, ni supérieure, et surtout ni inférieure à celle d’Albert Einstein. Tu vois le monde à travers tes propres yeux. Et c’est bien. C’est pour ça que j’aime ce livre.

Pour info :
École des loisirs, collection Medium Poche, 263 pages, 6.80€