Salut les loulous !
Allez, je vais faire ça vite, comme quand on arrache un pansement sur une jambe bien poilue. Je te recause FIV. Et si je ne l’ai pas fait avant, c’est que je retenais mon souffle. Vu le titre de l’article, tu penses bien que les nouvelles sont… ce qu’elles sont.
Donc, tentative n°2, toujours FIV n°1.
Je vous ai laissés au Décapeptyl (le truc qui stoppe les cycles). Le traitement a commencé fin janvier. Une bonne dose de Ménopur tous les soirs. Mélange à faire soi-même bien entendu, contrairement au Bemfola où le stylo était déjà prédosé et prêt à l’emploi. Là, non : tu as une mini-bouteille avec de la poudre, faut y injecter un solvant avec une première seringue, puis utiliser les petites seringues individuelles pour faire tes injections. Faut surtout pas te planter dans le dosage ! Pour être franche, j’ai fait appel à des infirmières, parce que la manipulation, c’est pas mon truc.
Le bide décoré d’une belle constellation d’impacts de piqûres (avec, en prime une jolie galaxie bleue au milieu — ça arrive quand tu piques une veine), Chéri et moi nous sommes rendus à la première écho de suivi. Et une paire de cuisses écartées pour une échographie endovaginale (celle où on passe par le vagin) plus tard — avec une dame hyper brute qui avait pas l’air de comprendre ce qu’elle faisait — on est sortis de la salle d’examen pour revenir 2 jours plus tard. Je ne sais pas si vous connaissez le CHU de Clermont-Ferrand, mais il est construit dans la longueur. Donc tous les jours, tu te tapes bien 1km de marche, rien que pour te rendre au CECOS. Bref.
Deux jours plus tard, nous voilà de retour. Le personnel, toujours aussi agréable, ne répond pas à notre « bonjour », pourtant enthousiaste. Re-écartage des cuisses, re-écho endovaginale. C’est presque bon, mais pas tout à fait quand même. Il faut revenir dans 2 jours. Et je vous le donne en mille, 2 jours plus tard, rebelote. Cette fois, c’est la bonne. Arrêt du traitement, déclanchement de l’ovulation le soir même à 23h30, ponction 2 jours plus tard.
Vendredi matin, l’empereur, sa femme et le petit prince… ouaip, on retourne au CHU, comme des winners. La ponction se déroule bien (l’anesthésie est douloureuse, mais la ponction, c’est cool). Chéri a fait sa part du boulot. 5 follicules ponctionnés. 4 ovocytes formés. L’ICSI fait que les 4 ovules seront fécondés à la main avec les winners des winners.
Coup de fil le dimanche matin, 8h. Le réveil vient de sonner, je ne m’attendais pas à un appel si tôt. 3 ovules étaient assez mûrs pour la fécondation. 2 embryons ont survécu. On va transférer J2 dans la matinée (J2, c’est le petit nom de l’embryon qui a 2 jours). On va laisser l’autre mûrir jusqu’à J5, et s’il survit, on le congèle. Je raccroche, fébrile. 10 secondes plus tard, appel de Maman. « Alors ? » — « Mais comment tu sais que j’ai eu le coup de fil ? » — « Une intuition »… ces mamans alors !
Bien entendu, on oublie de me dire que je ne dois pas faire pipi. Une copine, qui est passée par là, me l’avait dit pourtant. Mais tu penses que je m’en suis souvenue ? J’ai eu beau boire tous les pots à eau proposés en salle d’attente, rien n’est descendu. Et Dieu sait qu’on a poireauté. On a dû arriver vers 10h je crois. 5 autres couples étaient dans les tartine-blocks pour voir la biologiste. Notre tour est venu. « On va transférer le plus beau des 2, l’autre, on va le laisser se développer. Mais surtout, le plus difficile, ça va être de vivre normalement ces 2 prochaines semaines. »
Tu parles Charles… mais j’y reviendrai. 2h d’attente et 1 bon litre d’eau plus tard, je n’ai toujours pas envie de faire pipi, mais c’est à nous. On nous conduit dans une salle sombre, avec une petite vitre, comme un guichet quand tu vas prendre de l’essence. On me demande de décliner mon identité devant un interphone. La biologiste est dans la salle de l’autre côté du guichet, elle prépare J2. « Ouh, elle est pas bien pleine cette vessie, on vous a rien dit ? Les ondes passent mieux quand on a la vessie pleine, et on voit le transfert » — « Non, mais j’ai bu dans la salle d’attente » — « Ah, pas assez… tant pis, je vais appuyer un peu fort ». Et elle joint le geste à la parole. L’écho est abdominale cette fois. Elle me dit « vous voyez cette cacahouète, là ? » — « Non, pas vraiment » — « C’est là qu’on va le déposer. Regardez, on le voit, hop, c’est fait. On attend que le labo confirme que le cathéter est bien vide et c’est fini ». J’ai rien vu, Chéri non plus. La faute à cette foutue vessie. Mais il est là, et pendant 2 semaines, je vais devoir vivre avec.
Tout se passe bien la première semaine. Je n’y pense pas trop. Je prends mes vitamines, et je m’enfourne des ovules de progestérone dans le vagin matin et soir (et c’est pas la joie). Des vertiges apparaissent, je dors très mal. Mais je suis heureuse, si ça veut dire que J2 est encore là. Les symptômes s’intensifient, les journées se rallongent, j’ai l’impression que le jour de la prise de sang n’arrivera jamais. Le jeudi de la première semaine, bonne nouvelle : J5 est vivant ! On va le congeler. Tout n’aura pas été vain au moins !
Le vendredi matin, exactement 12 jours après le transfert, nous sommes fébriles. Je ne dors toujours pas, j’ai chaud les nuits malgré la fenêtre ouverte. J’ai des vertiges à me faire tomber les matins (genre 2 litres de vodka dans le sang). Et de l’exéma. Génial. Mais si c’est pour J2, tant pis. La prise de sang est faite. Je pense que c’est la matinée la plus longue de ma vie. J’actualise mes mails toutes les deux minutes. J’en pleurerais. Mais je suis au boulot, alors je me calme. La dernière fois, j’ai eu les résultats à 12h30. 12h30, c’est trop long pour moi !
À midi, je descends manger. Et là, tandis que je mets ma bouffe dans le micro-ondes, BAM, le mail est là. Sans réfléchir, je cours dehors, j’appelle Chéri pendant que j’essaie d’ouvrir les résultats. J’ai oublié le mot de passe pour mon espace perso GenBio. Quelle conne. Mes mains tremblent, je pleure de colère. À l’autre bout du fil, Chéri tente de me calmer. Je réinitialise le mot de passe. J’entre dans mon espace. Rien. Les résultats n’y sont pas. « Un temps de la latence pour la mise à jour », me dit Chéri. Mais ils m’ont envoyé ce foutu mail, les résultats doivent bien être quelque part ! Je réessaie, encore et encore. Enfin, le document s’ouvre. Je sais déjà comment je vais l’annoncer à Chéri : « prêt à être papa ? » Au lieu de ça, je vois un mot, un seul : Négatif. Je ne comprends pas sur le coup. C’est impossible. Je ne comprends pas du tout. Je donne la réponse à voix haute. Chéri n’en revient pas non plus. Il n’y a rien à dire de plus. On raccroche. J’ai des larmes coincées dans la gorge. Je suis vide. Je mange au milieu de mes collègues. Et je pars. M’enfermer dans les toilettes, là où je pourrais cesser de retenir mes larmes, qui sont en train de m’étouffer. Je suffoque. C’est fini. J’écris à Chéri « c’est peut-être un faux négatif ? » J’appelle l’infirmière du CECOS. « Oui, c’est négatif, arrêtez votre traitement »… elle ne sait pas quoi dire de plus. Je raccroche, et je pleure, à m’en faire exploser les poumons, les yeux.
C’est fini. Chéri aussi cherche ce faux négatif, la preuve que le tout le monde s’est planté, que ce n’est pas fini. Je passe l’après-midi murée dans mon silence. Je suis dispensée de réunion. J’ai le droit de partir un peu plus tôt, mon chef est cool. Le reste, c’est beaucoup de larmes. Une famille qui n’accepte pas la peine, qui a peur que je baisse les bras. Qui aimerait prendre tout le chagrin que j’ai dans mon cœur. Mais j’ai besoin de temps. De solitude. De Chéri. Et il reste J5. Jamais 2 sans 3 comme on dit. Proverbe à la con.