Publié dans Bouquinade, Litté de l'imaginaire (SF, Fantasy, Fantastique)

Suzanne Griotte et le parc aux limaces (Thibault Bérard/Clément Devaux)

Amis du jour, bonjour !

On en parle en définitive assez peu ici, mais il m’arrive de lire des romans pour les plus jeunes. Je n’y vais que rarement de moi-même, mais depuis que je reçois les publications de Gallimard Jeunesse (et quelques petites choses chez PKJ, mais chut), ça m’arrive de plus en plus souvent. Et puis parfois, ça fait mouche, ces histoires de limaces.

Sarakontkoi ?
Suzanne Griotte est vieille et méchante. Et comme toutes les vieilles-méchantes, elle déteste les enfants. Ça tombe bien, le diable lui propose un marché : contre l’âme d’Adèle Nectar, une gamine dont les seuls amis semblent être une bande de limaces, il lui redonnera son corps d’enfant. Adieu douleurs et solitude, rouler dans la farine la naïve Adèle devrait être un jeu d’enfant, non ?

Tenpenskoi ?
Je parle souvent des romans que je n’attendais pas. Typiquement, on y est. Je le reçois sans l’avoir demandé, c’est pas LA lecture qui me fait le plus envie, mais c’est court, j’ai pas le time, et c’est toujours un -1 dans ce que j’ose encore appeler ma PAL mais commence à faire concurrence à l’Empire State. Toutes les conditions sont réunies pour que je sois vraiment surprise. Et c’est le cas !

Ici, point de roman à couettes, comme j’aime à les appeler (ces romans qui dégoulinent de sirop et de bons sentiments genre « gna gna gna je suis un livre pour les enfant »). Les personnages de Suzanne et Adèle n’ont rien de très original : la vieille dame acariâtre et la petitoune innocente, c’est pas non plus la révolution au royaume des choux. Mais voilà, il y a les limaces, et ça, ça change tout. Les limaces, elles sont muettes, dénuées de tout sentiment, ce sont des pages blanches. Des pages blanches sur lesquelles écrivent Adèle et Suzanne, qui deviennent peu à peu meilleures copines, et se soignent l’une-l’autre.

J’ai trouvé la fin très jolie, sans être trop évidente, et oui, j’ai été fauchée par ce roman dont je n’attendais rien. Les illustrations ont, je l’avoue, un goût de nostalgie et me rappellent celles de Quentin Blake. Je le garde du coup précieusement en rayon et m’empresse de vous le conseiller pour un lectorat entre 7 et 9 ans, et pour vous, grands enfants qui avez un jour rêvé de construire un parc d’attraction pour limaces.

Pour info :
éditions Gallimard Jeunesse, 160 pages, 13.50€

Publié dans Bouquinade, Roman

Les Mystérieux Enfants de la nuit (Dan Gemeinhart)

Ami du jour, bonjour !

Je te l’ai probablement déjà dit, les livres que je préfère sont ceux que je n’attendais pas. Celui-ci, je l’ai lu en 2021, lorsque son éditrice française m’a envoyé le manuscrit en me demandant de lui rendre une fiche de lecture. Quand je l’ai lu, j’ignorais qu’il s’agissait d’un roman de Dan Gemeinhart, dont j’avais adoré L’Incroyable Voyage de Coyote Sunrise. C’est en rédigeant ma fiche que j’ai souri, et qu’une petite voix à susurré : « bien sûr… »

Sarakontkoi ?
Ravani Foster, 12 ans, vit dans la triste ville de Bourg-Boucherie, nommé d’après l’abattoir qu’elle abrite. La communication avec ses parents est rompue, il est maltraité par les petites brutes de son collège. Tout change lorsqu’arrive en ville une étrange fratrie aux parents peu présents, qui semble cacher un « secret terrible et magnifique »…

Tenpenskoi ?
Qu’il est bon de lire un roman qui valorise les enfants, sans avoir besoin de magie, de paillettes, ou de rires forcés ! Ces gamins sont d’une rare sincérité, mais surtout d’une gravité que peu de romans accordent à des personnages si jeunes (j’ai pensé naturellement à Adam, chez Gaiman et Pratchett, et aux orphelins chez Klune). Ici, il n’est pas question de problématiques futiles, de paraître ou de popularité. On y parle de solitude de l’âme, de choix, de vérités. D’ailleurs, c’est ainsi que Dan Gemeinhart fait référence à ses personnages : des âmes. Des âmes qui se cherchent, se trouvent, se répondent. La magie à laquelle font référence les enfants relève plutôt d’une intelligence émotionnelle, d’une intuition, ou d’habiletés. Le tout, porté par la simplicité et l’efficacité de la plume de son auteur, ne pourra toucher ton petit cœur de lecteur.

Le roman incite à chercher en nous l’étincelle qui nous rend spécial, à accepter d’être encore inachevé, en route vers ce que l’on est vraiment. C’est un réel parcours initiatique, une lecture déchirante parfois, apaisante souvent. Pour écrire ce billet, j’en ai d’ailleurs relu quelques passages, et devine quoi… j’ai pleuré. Encore. Je ne sais pas comment se débrouille Dan Gemeinhart pour faire mouche à chaque fois, mais ce type, il en a sous le clavier, laisse-moi te le dire. Bref, la typo du titre est un peu « meh », l’illustration est très enfantine, mais ne t’y fie pas, c’est une pure merveille.

Pour info :
éditions PKJ, trad. de Isabelle Troin, 480 pages (écrit gros), 18.90€

Publié dans Bouquinade, Roman

À quoi rêvent les étoiles ? (Manon Fargetton)

Ami du jour, bonjour !

Récemment j’ai découvert une autrice que visiblement tout le monde connaissait déjà : Manon Fargetton. Elle est notamment l’autrice de Dix jours avant la fin du monde chez Gallimard Jeunesse, et de Le Suivant sur la liste chez Rageot (je vous donne ces deux exemples parce que j’ai le 1er dans ma PAL et que j’aimerais bien lire le second). Ceci dit, j’en ai beaucoup entendu parler et c’est donc avec grand plaisir et beaucoup de curiosité que j’ai fait entrer À quoi rêvent les étoiles ? dans la catégorie « Choral of the bells » (roman chorale) du Cold Winter Challenge.

Sarakontkoi ?
Comme dans tout roman chorale qui se respecte, il y est question de plusieurs personnages dont les chemins finiront par se croiser. Titouan, 17 ans, décide de ne plus jamais sortir de sa chambre. Alix ne parvient plus à communiquer avec son père, Armand, lequel tente désespérément de s’en rapprocher plutôt que de reconstruire sa vie. Luce souffre d’une écrasante solitude depuis le décès de son époux. Et pour finir, Gabrielle ne parvient à s’attacher à personne.

Tenpenskoi ?
Je n’ai pas très envie d’en dire beaucoup plus, pour moi, chaque lecteur doit accueillir le roman à sa manière. On croise au fil de notre lecture des personnages très différents, dont le seul point commun est la solitude, que ce soit une solitude ressentie, forcée, ou choisie. Pour te parler du roman sur Insta, j’avais cité un passage du manga Le Chant des souliers rouges (dont nous reparlerons dans un prochain billet) : « changer la vie des autres, ce n’est pas à la portée du premier venu. Qu’est-ce que les gens qui y arrivent ont de si spécial ? » Le roman vous donne la réponse : ils essaient. Tenter sa chance, tendre une main, c’est toujours compliqué. Parce qu’on a peur du rejet, et d’être plus seul encore.

Ces cinq personnages ont tous un parcours de vie très différent, inspirant pour certains, balbutiant pour d’autres, mais leurs peurs, leurs espoirs et leurs barrières, je les connais, toi aussi. Et c’est ce qui a rendu ma lecture si prenante. J’ai passé un excellent moment en compagnie de Manon Fargetton, je n’attends qu’une chose : me replonger dans sa prose.

Pour info :
éditions Gallimard Jeunesse, 400 pages, 17€

Publié dans N'importe quoi

The sound of silence

Amis du jour, bonjour !

Petit billet d’humeur aujourd’hui, une fois n’est pas coutume. J’ai presque terminé Le Fléau, de Stephen King (enfin !). J’ai entamé Brexit Romance, de Clémentine Beauvais (et je suis désolée, mais Bookstagram, tu m’as trompée sur la marchandise… je n’aime pas du tout ! Mais je t’en parlerai plus longuement dans un billet dédié) et Dans la forêt, de Jean Hegland.

Mais rien à voir avec le schmilblick, aujourd’hui, je vous cause de la solitude et du silence.

Au cours de ma (courte) vie, je me suis vue grandir et évoluer (heureusement !). Avant d’aller vivre à Paris, hors de question pour moi de manger ou boire un café seule à la terrasse d’un resto. Et ne parlons pas de me faire un ciné en solitaire ! Tout a commencé les premières fois où je suis montée seule dans le bus, où mes confrères lycéens ne montaient qu’en groupuscules bruyants. La solitude posait sur moi son œil immense, et me désignait de son doigt implacable. « Tu es seule », ricanait-elle.

La solitude m’effrayait au point de suivre frénétiquement mes copines au collège pour ne pas marcher seule dans les couloirs. Désolée Véro, je sais que j’ai été un vrai pot de colle.

Et puis Paris. Pas le choix. Je ne connais personne. Personne ne veut déjeuner avec moi. Aller au ciné avec moi. Que faire ? Rester seule ? Me forcer à parler à des gens ? Pourquoi pas. Et je me suis fait des ami(e)s d’ailleurs. Mais surtout, arrêter d’attendre, de talonner le premier venu, de jouer les ombres vivantes. J’ai mangé seule à la terrasse bondée d’un petit resto italien à Saint-Michel. J’ai pris une carte UGC Illimité et je me suis tapé tout ce qu’il était possible de voir sur les toiles de la Défense et des Halles (en V.O. s’il vous plaît).

À présent, la solitude est une amie. Je comprends qu’on ne l’apprécie pas, elle est souvent incomprise. Mais moi, j’aime. J’aime me plonger dans un bouquin, seule. Je sens encore quelques regards inquiets : « mais, elle est toute seule ? » Et surtout, je sens la peur des autres. Ceux qui viennent violer ma solitude pour tromper la leur.

J’aime les gens. Mais si j’ai le nez plongé dans un bouquin, j’aime le silence. Et par silence, je n’entends pas l’absence de bruit. Je veux dire que j’aime qu’on ne me parle pas. Et si le silence s’installe entre vous et moi, ne soyez pas gêné, accueillez-le comme un ami, une pause, un moment à vous et à moi. Et ne me parlez pas. Si je veux parler, alors je baisserai mon livre. Dans le cas contraire, dites-vous que c’est comme si vous aviez décidé de faire irruption dans mes toilettes alors que j’ai encore le pantalon sur les chevilles.

Allez, poutous sur vous.

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