Publié dans Bouquinade, Roman

Se cacher pour l’hiver (Sarah St Vincent)

Ami du jour, bonjour !

Mes billets arrivent nettement moins vite que mes stories. Tu l’auras deviné, il est plus facile pour moi de dégainer mon téléphone et de te causer d’une lecture que je viens de terminer que de me poser devant mon clavier pour essayer de mettre au clair mes idées. Bref, voici donc enfin mon avis posé et réfléchi sur cette lecture.
Précision : le roman m’a été envoyé par Delcourt dans le cadre du club de lecture Picabo River Book Club, géré par Léa, qui fait un travail de fou pour qu’on puisse recevoir des livres issus de partenariats.

Sarakontkoi ?
Depuis l’accident de voiture qui a tué son époux et l’a salement amochée, Kathleen mène une vie recluse dans le parc naturel des Blue Ridge Mountains. Elle vit avec sa grand-mère et travaille dans un snack minable, vide la plupart du temps, en particulier en hiver, lorsque les touristes désertent la région. Son quotidien, baigné dans la torpeur des anti-douleurs, est bousculé lorsqu’arrive un étranger qui semble tout faire pour demeurer invisible. De discussion en jeux d’échecs, il ouvrira pour Kathleen les lourds bagages de son passé, et déchirera chez elle des plaies qu’elle pensait oubliées.

Tenpenskoi ?
Honnêtement, si tu as suivi mes avis en cours de lecture sur Insta, tu sais que le début m’a gênée. Quelques passages maladroits, que j’avais imputés à une traduction malheureuse, et une sale manie de l’autrice de donner trop ou pas assez de détails sur ses scènes. Bref, si j’en étais restée là, je me serais dit « mouais, c’est sympa comme lecture ». Mais j’ai continué, parce que le livre exerçait sur moi une fascination que je ne comprenais pas encore.

C’est au fur et à mesure que Kathleen sort de sa torpeur, qu’elle se révèle, que le roman commence à nous engloutir. On est loin des rythmes endiablés, mais Sarah St Vincent donne à son texte quelque chose d’envoûtant. Curiosité malsaine ou simple intérêt, avant qu’on ne s’en rende compte, le roman a refermé sur nous son piège, et nous pousse à travers les méandres de souvenirs brumeux et douloureux, qui révèlent enfin, sur la dernière partie, l’horreur d’un silence trop longtemps gardé.

Avec le recul, je comprends mieux la démarche, les maladresses. Et si c’est un roman sur lequel je ne me serais certainement pas arrêtée, je suis vraiment heureuse d’avoir croisé sa route. Parce qu’il évoque avec un détachement pourtant presque passionné un sujet grave qui pourrait vite devenir larmoyant. Il m’a coupé le souffle, me l’a redonné, et a serré ma gorge. Je n’en dis pas plus, parce que je pense que chaque lecteur doit faire son propre chemin. Et lorsque je ferme ce livre pour la dernière fois, les maladresses du début son oubliées, et je n’ai qu’une envie : me lever et marcher. Chapeau bas à Sarah St Vincent, avocate spécialisée dans les droits de l’Homme (oui oui, comme Marc Darcy), qui, en un roman, parvient magnifiquement à transmettre l’essence des histoires qu’elle croise.

Pour info :
éditions La Croisée (anciennement Delcourt Littérature), 264 pages, 21.50€