Amis du jour, bonjour !
Je suis toujours très curieuse dans mes lectures, même s’il est vrai que j’ai du mal à sortir de ce que je connais… à moins qu’on ne me jette dans les mains (en me le vendant très bien) un roman sur lequel je n’aurais pas posé les yeux. Ce fut le cas pour celui-ci, d’abord présenté par Lemon June sur sa chaîne Youtube, puis oublié, puis remis sur le devant de la scène par Madame Tapioca sur son compte Instagram.
Le Pitch :
Peu avant la Seconde Guerre mondiale, Robert et Gloria, deux âmes seules ayant fait face à de nombreux échecs et drames personnels, décident de concourir ensemble à un marathon de danse. Pour l’argent, dont ils manquent cruellement, mais aussi parce que parmi les richissimes et célèbres spectateur avides de drame social, un producteur pourrait bien les repérer et leur offrir un rôle à Hollywood. Alors pendant des heures, des jours, des mois, ils dansent sans relâche, bêtes de foire volontaires promis à un tragique destin…
Mon avis :
C’est un roman extrêmement court, diablement efficace dans son propos. Ces marathons de danse auxquels s’inscrivaient les plus pauvres, les plus désespérés ont réellement existé. Véritables événements, ils étaient l’équivalent nauséeux de nos télé-réalités, celles sur lesquels nous jetons un regard condescendant, heureux de voir ce que la misère humaine offre de plus avilissant. La différence, c’est que les participants de ces marathons pouvaient mourir. Imaginez : se reposer dix minutes toutes les deux heures. Dix minutes pour manger. Dix minutes pour dormir, pour se laver, se changer. Et retour sur la piste, quelque soit la maladresse du pas. Parce que non, il n’était pas nécessaire de savoir danser, il fallait simplement se déplacer… Les sprints étaient là pour booster l’ambiance et amuser la galerie.
Un traitement inhumain vécu de l’intérieur, majoritairement narré par Robert, qui nous raconte l’hébétude, la perte de repères, le manque d’air frais, sa partenaire qui ne souhaite qu’une chose : que sa vie s’arrête. Sa vie inutile, sa vie fragile, sa vie sans substance. Qu’elle s’arrête pour qu’elle puisse enfin se reposer. Voilà, c’est ça : le malheur des uns qui fait le divertissement des autres. Et l’hypocrisie d’une société qui ne peut supporter ce qu’elle juge politiquement incorrect (le désir féminin, la grossesse, le faux mariage) mais concède aux rois du pétrole de s’abreuver à la fontaine de la misère sociale. Ce roman, c’est tout ça, et ça résonne encore aujourd’hui. Dans l’ambiance et côté SF, en plus oppressant mais sur le même modèle narratif, je vous propose de découvrir Marche ou Crève, de Stephen King. Y sont traités des sujets similaires, avec, cette fois-ci, la mort assurée pour tous ceux qui s’arrêtent en chemin…
Pour info :
éditions Gallimard (1946), trad. de Marcel Duhamel, 211 pages
