Publié dans Bouquinade, Roman

Là où chantent les écrevisses (Delia Owens)

Ami du jour, bonjour !

Tentons de nous mettre à jour dans nos retour de lecture… surtout moi ! Et pour le coup, cette lecture (cette écoute pour être exacte) a attendu dans mes tiroirs un petit bout de temps, tout de même. Depuis ma merveilleuse lecture de Dans la forêt, je n’avais pas réellement relu de nature writing survivaliste, et celui-ci me faisait de l’œil depuis le rayon littérature de mon collègue. Qu’à cela ne tienne, merci mon abonnement Audible, j’ai sauté sur l’occasion !

Sarakontkoi ?
Successivement abandonnée par sa mère, ses frères et sœurs plus âgés, et enfin par son père alcoolique et violent, la jeune Kya, 10 ans, la « Fille des marais » comme l’appellent les habitant de la Barkley Cove (Caroline du Nord), n’a d’autre choix que de survivre par elle-même. Incollable sur la faune et la flore des marais, elle pêche et cueille, et vend le fruit de son travail en ville. Sa rencontre avec le jeune Tate, qui voit en elle autre chose que la sauvageonne analphabète, bouleverse sa vie… Lorsqu’une quinzaine d’années plus tard, un corps est retrouvé dans la boue du marais, c’est forcément sur elle que portent les soupçons.

Tenpenskoi ?
Un récit initiatique survivaliste ? Il n’en fallait pas plus pour m’intriguer, m’appeler, m’obséder, et pour finalement me faire craquer. Et j’en ai eu pour mon argent. Le roman a deux temporalités : une première, fin des années 70, où le corps du beau gosse, star locale, est retrouvé dans le marais, et où le lecteur suit l’enquête du shérif. Et la seconde dans les années 60, qui s’étend sur une dizaine d’années, où l’on voit Kya survivre, s’instruire, grandir dans une solitude quasi totale. Les connaissances qu’elle acquiert et emmagasine te donnent juste envie de dévorer des bouquins sur le biotope du marais. Kya y met un tel amour, une telle passion, surtout chez une gamine qui part de rien, c’est juste une pure merveille.

Le style de Delia Owens se fait tantôt poétique, presque lyrique, lorsque Kya observe la nature autour d’elle, et plus directe et factuel lorsqu’il s’agit d’humains, comme si Kya ne pouvait voir en ses semblables la beauté qu’elle observe dans son marais. Si le récit de l’enquête puis le procès — dont les passages s’intercalent avec l’enfance et l’adolescence de Kya — restent très anecdotique, l’évolution de la jeune femme qu’elle devient est fascinante. J’ai avalé ce roman comme on déguste un met étranger : avec un peu de méfiance au début, puis une gourmandise inattendue. J’ai particulièrement aimé la fin, que j’ai trouvée touchante à sa manière. Beaucoup m’ont demandé si je l’avais lu parce que Reese Witherspoon en avait parlé pour son club de lecture et avait adoré. Que nenni, je n’avais rien entendu à son sujet avant de l’ouvrir. Bref, une lecture que je recommanderai aux curieux, aux amoureux de nature writing et aux amateurs de chemin de vie.

Pour info :
éditions Points (traduit de l’anglais par Marc Amfreville), 480 pages, 8.50€

Publié dans Bouquinade, Roman

Dans la forêt (Jean Hegland)

Ami du jour, bonjour !

Notre week-end au Salon du Livre et de la Presse Jeunesse approche, je me sens tel un hamster qui rempli ses petites joues pour se préparer un bon pactol de graines : je calcule quelle somme il serait raisonnable de ne pas dépasser en achat de bouquins. (Oui, Maëlle, je sais, c’est pas comme si j’avais des contacts, mais tu sais bien que j’achète mes livres !) En même temps, je flâne sur Insta, et la gamine de 8 ans en moi saute partout en criant « ce livre a l’air trop bien ! Et lui ! Et lui ! ». Heureusement, j’ai un mari adorable : la somme que je mets dans mes bouquins est rarement un problème pour lui…

Ceci dit, aujourd’hui, il n’est nul question de littérature jeunesse stricto sensu (de quel droit un livre serait plus jeunesse qu’un autre ?) Parce qu’aujourd’hui, je te parle d’une déferlante.

dans_la_foret.jpg

Sarakontkoi ?
Rien ne va plus dans le monde. Plus d’essence, plus d’électricité. Des émeutes éclatent, des virus déciment les populations. Nell et Eva ont été élevées dans une maisonette au milieu des bois, bénéficiant de l’école à la maison. Leur mère a été emportée par un cancer fulgurant. Leur père est décédé. C’est donc seules qu’elles devront survivre, se nourrir et se défendre. Elles s’accrochent au passé, attendant une aide qui ne viendra pas…

Tenpenskoi ?
Si tu t’attends à des explosions nucléaires, à des émeutes sanglantes, à une panique générale, tu te plantes. Tout ça, c’est un bouhaha lointain qui atteint à peine deux jeunes femmes élevées loin des stigmates sociaux. Pourtant, la « vraie vie », elles crèvent d’envie de la rejoindre, l’une pour entrer à Harvard et l’autre pour intégrer une présitgieuse troupe de ballet.

Au chagrin de la perte et de l’absence succèdent la colère, puis le désespoir. Quelque chose est cassé. Et au début, on cherche à réparer. Et enfin, lorsqu’elles se sont lavées de tous ces artifices, l’instinct. La seule chose qui peut les sauver. On ne répare plus, on construit. Comment cultiver un jardin, calmer des nausées, soigner une infection, trouver et conserver la nourriture dont elles ont tant besoin. Quand nécessité fait loi, il n’est plus question de peur, de honte. Mais il est toujours question d’amour : celui de deux sœurs qui sont tout l’une pour l’autre, à travers les bons comme les mauvais jours.

J’ai lu dans un billet l’expression « roman d’ambiance ». Le genre de livre où ce n’est pas l’action, mais l’atmosphère et la réflexion qui prennent le dessus. Je pense qu’on peut dire que Dans la forêt est un roman d’ambiance par bien des aspects. Mais pas le truc chiant. Je ne te parle pas de lire Un balcon en forêt (désolée pour les amoureux du genre). Mais, si tu laisses réellement une chance à ce roman, tu pourrais t’en trouver libéré. En le refermant, j’ai eu envie de renouer — non pas avec mon corps ou ma tête — mais avec mon instinct. Mes fringues m’ont paru trop lourdes, mon job totalement futile (quand le travail est-il devenu une fin et non un moyen ?) Je ne peux pas te parler de coup de cœur. C’est un coup de poing. Sur la table. Dans ta figure. Lis-le.

Pour info :
Poche (celle que j’ai lue) : éditions Gallmeister, collection Totem, 308 pages, 9.90€
Grand format : éditions Gallmeister, collection Nature Writing, 304 pages, 23.50€