Publié dans Bouquinade

Le Consentement (Vanessa Springora)

Ami du jour, bonjour !

J’ai repoussé un peu l’écriture de ce billet, parce que le livre dont je vais te parler est assez difficile à classer, et ensuite, à aborder. Déjà parce que ce n’est pas une littérature sur laquelle j’ai l’habitude de m’arrêter. Ensuite parce que le sujet est extrêmement délicat…

consentement

Sarakontkoi ?
Dans ce texte, Vanessa Springora nous raconte comment, à 14 ans, elle est tombée amoureuse de l’écrivain Gabriel Matzneff, de 35 ans son aîné. Comment elle a vécu sous cette emprise. Comment elle s’est retrouvée seule face aux doutes qui sont nés après les débuts. Comment elle a rompu. Comment elle a dû réapprendre à vivre, et à aimer.

Tenpenskoi ?
Y a-t-il quoi que ce soit à penser de tout ça ? C’est une expérience extrêmement personnelle que nous raconte l’autrice. Personnelle, mais de la plus haute importante pour la Chose Publique. Parce que nous avons besoin de ces petits bouts d’histoires personnelles pour comprendre, appréhender, et corriger des comportements comme celui de M. Matzneff.

Pendant toute sa vie de jeune femme, Vanessa Springora a été vampirisée par un homme égocentrique et narcissique, qui n’apprécie son reflet que dans le sein juvénile des adolescentes, ces jeunes femmes non encore « hystériques et désabusées », comme il le dira à Pivot en 1990. Un homme qui lui aura volé son image et sa personne pour en faire un personnage de fiction de sa propre vie, qu’il peut manipuler. Qui l’aura déconstruite pour la reconstruire à l’image qu’il aime : la docilité, la servilité. Parce que c’est ce qu’il a fait : sous de jolies phrases et un style travaillé, Matzneff a longtemps, et impunément, fait publier ses journaux où il relatait ses aventures pédocriminelles, avec de jeunes lycéennes, mais aussi avec de très jeunes garçons lors de ses voyages « exotiques ».

Au cours d’un long combat contre elle-même, contre la société des gens lettrés qui, sous couvert de créativité et d’art, commettent des actes plus que répréhensibles, Vanessa Springora a pu enfin prendre la plume pour se libérer des chaînes qu’on avait forgées pour elle. Pour à son tour enfermer Matzneff dans un livre. Sans haine, sans colère, et en évitant les écueils du pathos bien souvent symptomatiques de ce genre de récit, elle relate ce qu’était son quotidien auprès de cet homme. Bref, je ne l’ai pas lâché, et pour le coup, le bouquin a fait mouche. Je ne saurais que le recommander.

Et pour mettre tout ça en relief, l’interview que Pivot avait faite de Matzneff => ici.

Pour info :
éditions Grasset, 216 pages, 18€