Publié dans Bouquinade, Roman

Bénis soient les enfants et les bêtes (Glendon Swarthout)

Amis du jour, bonjour !

Une fois n’est pas coutume, je me suis lancée dans un prix littéraire adulte visant à proposer à de jeunes libraires de recevoir des romans de la collection Totem (chez Gallmeister). Sur les cinq romans sélectionnés pour le prix, c’est par celui-ci que j’ai décidé de commencer, fortement influencée par mon collègue, qui l’avait lu et beaucoup aimé. Mais lui, il aime les trucs déprimants, alors au final, qu’est-ce que j’en ai pensé ?

Le Pitch :
Six ados sont envoyés par leurs parents dans un camp qui promet de les transformer en véritables cow-boys et de les mater en seulement deux mois d’été. Or, l’été touche à sa fin et ce petit groupe reste à l’écart des gros durs. Mais, après avoir été témoins d’un événement qui les marque profondément, ils se lancent dans un périple dont le dénouement est très incertain…

Mon avis :
Si je vous dis qu’on est sur un mix de Thelma et Louise et des Goonies, avec tout ce que ça comporte de situations plus ou moins drôles et de drames, je ne suis pas très loin de la vérité. C’est un court roman que j’ai tout de suite trouvé très touchant. Bien qu’il ne soit pas immédiatement abordable (il faut comprendre sa construction, la double narration), j’ai trouvé que l’économie de moyens était parfois source d’une étrange poésie.

J’aime ces romans épiques où les enfants s’autorisent à n’être que ça, leur tête farcie de craintes, de rêves et de défiance. La terrible tragédie qui se joue lorsque leurs parents descendent de leur piédestal, lorsqu’ils commencent à grandir et à conscientiser leurs choix, tout en étant parfois perdus dans la passion de leurs émotions. On en voit des clichés de romans où on essaie de nous faire comprendre à quel point l’important, c’est le voyage. Mais jamais cette assomption n’aura été aussi vraie que dans la vie de ces gosses, qui savent en partant qu’il y aura un avant et un après…

Bref, c’est fort et simple, et je suis ravie d’avoir découvert ce texte, sur lequel je ne me serais pas penchée sans ce prix.

Pour info :
éditions Gallmeister, coll. Totem, trad. de Gisèle Bernier, 176 pages, 8.70€

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Sauvage (Jamey Bradbury)

Ami du jour, bonjour !

On change de registre aujourd’hui, et on repart sur les grands espaces (tu te souviens, je t’avais parlé de ce besoin d’air frais, de balades en forêt, avant même le confinement). Et pour le coup, on fait pas semblant. C’est un roman que j’ai failli acheter l’an dernier, mais la libraire m’avait mise en garde sur le contenu, disons, peu conventionnel du bouquin. À la place, et histoire de rester chez Gallmeister, j’avais acheté Fay, de Larry Brown. Mais là, Audible l’ayant mis en avant, je me suis dit : « l’occasion, le larron, toussa toussa… » Me voilà donc partie vers les grands froids de l’Alaska !

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Sarakontkoi ?
Trace est une adolescente de 18 ans. Elle vit avec son père et son petit frère. Sa mère est décédée dans un accident de voiture il y a peu. Trace vit également avec des chiens de traineaux. Mais depuis la mort de sa mère et son exclusion de l’école, les chiens restent dans la cour, et il n’est plus question de sortir les traineaux, encore moins de participer à des courses. Trace a un secret, un secret qu’elle partageait avec sa mère. En buvant le sang d’un animal, elle peut voir à travers ses yeux, le comprendre. Sa mère lui a fait promettre de s’en tenir aux animaux, de ne pas faire couler le sang d’un humain. Mais une rencontre dans les bois bouleverse l’équilibre fragile que Trace tente de construire.

Tenpenskoi ?
J’ai déjà évoqué avec toi le roman d’ambiance. C’est exactement ce dont il s’agit ici. Le roman est fait d’aller-retours dans le temps, un savant tissage de souvenirs, de sensations, et de présent. Le personnage de Trace a développé un lien très particulier avec la forêt, avec la nature sauvage. La chasse, le grand air sont des besoins vitaux pour elle. Et s’il est vrai que le roman évoque un rapport au sang très particulier, il n’en est pas gore pour autant. Il n’est pas question de vampirisme ou de canibalisme. Simplement du sang en tant que vecteur de vie, de mémoire, d’instinct.

Au premier abord, le lecteur pourrait faire une grimace écœurée, et c’est probablement ce que vous avez fait à la lecture de cet article (si si, ne mentez pas !). Mais j’ai trouvé que c’était au contraire un très beau cri identitaire, quelque chose de profond, de plus profond que ce que nos cultures occidentales ont puritainement voulu souiller. Le caractère de Trace est sauvage comme celui de Buck, dans L’Appel de la forêt, a pu l’être. Toutes les péripéties du livre ne font que la reconduire vers chez elle, vers ce foyer où elle ne peut vivre que seule, et en harmonie avec son environnement, au-delà de toute considération sur l’humanité. Je ne relirai pas ce livre, parce que je n’en ai pas besoin. Je garde en moi la sensation qu’il a fait naître, et ça me suffit. Mais si tu te sens de taille à affronter les grands froids de l’Alaska, et surtout si tu penses pouvoir suffisamment ouvrir ton esprit, je te conseille Sauvage

Pour info :
édition Gallmeister, collection Totem, 336 pages, 10€

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My absolute darling (Gabriel Tallent)

Ami du jour, bonjour !

Aujourd’hui, je viens te parler d’une lecture pas facile. Un bouquin que j’ai pas vraiment aimé, mais qui m’a retourné les tripes. Je le reluquais depuis un petit bout de temps, mais j’avais toujours mieux à acheter, et puis lors d’une visite à ma copine Fanny, nous avons profité d’un aprèm flâneries à Limoges pour prendre un café dans une librairie-café. Très sympa comme endroit, mais aussi très sélect. Les livres paraissent choisis avec soin par le libraire. Je me suis donc dit que c’était le moment de plonger… dans une piscine sans eau…

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Sarakontkoi ?
Turtule a 14 ans, et le moins qu’on puisse dire, c’est que son enfance est loin de celles des jeunes de son âge. Élevée par un père abusif et étouffant, elle ne comprend pas le monde qui l’entoure. Elle voue une haine féroce à ceux qui essaient de l’aider, aussi forte que celle qu’elle se voue à elle-même. Jusqu’à ce qu’elle rencontre Jacob et Brett, dont les aventures n’ont de limite que celle de leur imagination nourrie à la fantasy et à la science-fiction. À leur contact, elle risque d’ouvrir les yeux sur sa condition…

Tenpenskoi ?
C’était difficile. Très difficile. Je ne sais même pas par où commencer. L’écriture est décousue, saccadée, elle avance, elle repart en arrière. Les personnages semblent en constant débat avec eux-mêmes, et vous pouvez lire beaucoup de dialogues qui ressemblent à « Bordel, Turtle, bordel. Bordel ». On sent le conflit intérieur, comme un ouragan (merci Stéphanie) qui emporte les pensées des protagonistes et rend le tout très hermétique pour le lecteur. Le malaise.

Je me suis infligé cette lecture comme Turtule s’inflige le comportement abusif de son père. J’ai souffert, j’ai détesté le père, si violent, si manipulateur. J’ai détesté Turtle, parce qu’elle se laissait faire, parce qu’elle avait envers elle et envers les femmes en général des mots très durs et injustes. J’ai détesté les personnages qui gravitent autour de Turtle et de son père, qui essaient d’intervenir, sans jamais vraiment s’impliquer, ou qui choisissent de fermer les yeux.

Mais j’ai adoré la fin, cette espèce d’expiation, de tentative de guérison. Un peu d’espoir, mais pas trop, la fin est ouverte, mais le processus est en route. Dans ce bouquin, on voit le pire des gens, mais aussi le meilleur. Les ressources qu’on a en nous, mais qu’on ne soupçonne pas, à moins d’en avoir un besoin vital.

Bref, j’ai détesté ce livre, j’ai maudit ce livre. Mais quelle lecture !

Pour info :
éditions Gallmeister, 464 pages, 24,40 EUR

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Fay (Larry Brown)

Ami du jour, bonjour !

Je te parlais il y a quelques temps des conseils de lecture de ma libraire face à mon envie de road trip, de voyages initiatiques et de grands espaces. Elle m’avait conseillé Celle qui venait des plaines, de Charlotte Bousquet (chez Gulf Stream) que j’avais adoré. Pour Fay, je voulais absolument quelque chose de chez Gallmeister, parce que je sais que, question grands espaces, nature sauvage des grands Nords américains, je ne suis jamais déçue. Je voulais aussi une sorte de voyage initiatique (je restais sur mon impression très positive de Dans la forêt, de Jean Hegland). Elle m’a proposé un voyage initiatique d’un tout autre genre…

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Sarakontkoi ?
Fay a 17 ans. Elle fuit. Elle fuit une vie de misère avec ses parents et ses frères et sœurs, une vie de labeur, d’illettrisme, de violence parfois, et d’impuissance. Mais Fay est jolie. Son sac à main à l’épaule, elle voyage en stop, rencontre des jeunes gens dont elle ne comprend pas toujours les intentions. Mais surtout, elle ignore le charme qu’elle exerce sur les hommes. Jusqu’à ce qu’une rencontre bouleverse sa vie.

Tenpenskoi ?
Honnêtement, je n’en ai aucune idée. J’ai beaucoup aimé suivre cette jeune fille dans toute son innocence et son ignorance, donc dans son initiation. Elle reste néanmoins très passive, le seul recours qu’elle ait face aux événements étant la fuite. Pour le reste, je crois qu’on peut dire qu’elle se laisse porter par les événements.

Je dirais donc que, plus que le personnage lui-même, ce sont les événements qui s’enchaînent et influent sur son parcours qui m’ont réellement captivée. L’écriture est lapidaire, très ancrée dans le présent (d’ailleurs tout le texte est au présent). On ne sait jamais ce qui va arriver, même si on le sent venir parce que chaque petite chose y est détaillée à outrance. C’est comme lire quelque chose qui arrive en temps réel.

Alors pourquoi ai-je dit que je ne savais pas si j’avais aimé ou pas ? Si je suis dithyrambique sur l’exercice d’écriture, le traitement des événements, je suis moins perméable à cet échantillon de culture et de pensée très américaine. Le côté je m’abreuve exclusivement de bière comme si c’était de l’eau, je jette mes cannettes par terre, j’ai une arme… même si je sais que c’est symptomatique des cultures occidentales, ce ne sont pas des choses que j’observe couramment autour de moi. Là, j’ai été gênée, parce que ces comportements sont naturels dans le livre, et ne le sont pas pour moi. Et je ne parviens pas à savoir si c’est intentionnel, ou si ça fait partie de la culture de Larry Brown.

Et puis, je dois avouer que sur la fin, ça tourne un peu en rond. Fay se retrouve dans les mêmes situations, encore et encore, et ce qui était captivant au début devient une routine. Là encore, intentionnel ou pas, je ne saurais pas le dire. La fin est ouverte, je te laisse la découvrir. J’ai aimé lire Fay, mais j’avoue que ce n’est pas un livre que je garderai dans ma bibliothèque.

Pour le prochain Gallmeister, ce sera un Pete Fromm, je dois avoir Indian Creek qui traine quelque part. Après Wicked bien entendu… À ce sujet, à l’occasion de la sortie de Wicked, le collectif Wicked en français ! organise un concours sur Facebook et Instagram. SI tu postes une photo de ton exemplaire, il y a 3 pochettes à livres à gagner ! Tirage au sort le 1er juillet !

Pour info :
éditions Gallmeister, collection Totem, 560 pages, 12€

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Dans la forêt (Jean Hegland)

Ami du jour, bonjour !

Notre week-end au Salon du Livre et de la Presse Jeunesse approche, je me sens tel un hamster qui rempli ses petites joues pour se préparer un bon pactol de graines : je calcule quelle somme il serait raisonnable de ne pas dépasser en achat de bouquins. (Oui, Maëlle, je sais, c’est pas comme si j’avais des contacts, mais tu sais bien que j’achète mes livres !) En même temps, je flâne sur Insta, et la gamine de 8 ans en moi saute partout en criant « ce livre a l’air trop bien ! Et lui ! Et lui ! ». Heureusement, j’ai un mari adorable : la somme que je mets dans mes bouquins est rarement un problème pour lui…

Ceci dit, aujourd’hui, il n’est nul question de littérature jeunesse stricto sensu (de quel droit un livre serait plus jeunesse qu’un autre ?) Parce qu’aujourd’hui, je te parle d’une déferlante.

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Sarakontkoi ?
Rien ne va plus dans le monde. Plus d’essence, plus d’électricité. Des émeutes éclatent, des virus déciment les populations. Nell et Eva ont été élevées dans une maisonette au milieu des bois, bénéficiant de l’école à la maison. Leur mère a été emportée par un cancer fulgurant. Leur père est décédé. C’est donc seules qu’elles devront survivre, se nourrir et se défendre. Elles s’accrochent au passé, attendant une aide qui ne viendra pas…

Tenpenskoi ?
Si tu t’attends à des explosions nucléaires, à des émeutes sanglantes, à une panique générale, tu te plantes. Tout ça, c’est un bouhaha lointain qui atteint à peine deux jeunes femmes élevées loin des stigmates sociaux. Pourtant, la « vraie vie », elles crèvent d’envie de la rejoindre, l’une pour entrer à Harvard et l’autre pour intégrer une présitgieuse troupe de ballet.

Au chagrin de la perte et de l’absence succèdent la colère, puis le désespoir. Quelque chose est cassé. Et au début, on cherche à réparer. Et enfin, lorsqu’elles se sont lavées de tous ces artifices, l’instinct. La seule chose qui peut les sauver. On ne répare plus, on construit. Comment cultiver un jardin, calmer des nausées, soigner une infection, trouver et conserver la nourriture dont elles ont tant besoin. Quand nécessité fait loi, il n’est plus question de peur, de honte. Mais il est toujours question d’amour : celui de deux sœurs qui sont tout l’une pour l’autre, à travers les bons comme les mauvais jours.

J’ai lu dans un billet l’expression « roman d’ambiance ». Le genre de livre où ce n’est pas l’action, mais l’atmosphère et la réflexion qui prennent le dessus. Je pense qu’on peut dire que Dans la forêt est un roman d’ambiance par bien des aspects. Mais pas le truc chiant. Je ne te parle pas de lire Un balcon en forêt (désolée pour les amoureux du genre). Mais, si tu laisses réellement une chance à ce roman, tu pourrais t’en trouver libéré. En le refermant, j’ai eu envie de renouer — non pas avec mon corps ou ma tête — mais avec mon instinct. Mes fringues m’ont paru trop lourdes, mon job totalement futile (quand le travail est-il devenu une fin et non un moyen ?) Je ne peux pas te parler de coup de cœur. C’est un coup de poing. Sur la table. Dans ta figure. Lis-le.

Pour info :
Poche (celle que j’ai lue) : éditions Gallmeister, collection Totem, 308 pages, 9.90€
Grand format : éditions Gallmeister, collection Nature Writing, 304 pages, 23.50€