Publié dans Bouquinade, Litté de l'imaginaire (SF, Fantasy, Fantastique)

Peau d’Âme, T1 : Les Lilas du roi (Aude Ziegelmeyer)

Amis du jour, bonjour !

Une réécriture de conte. Une couv’ à tomber (oui, je suis faible, y a quoi ?). Et… franchement… Voilà. On ne remerciera jamais assez les éditeurs de rendre leurs textes dispos sur NetGalley pour découvrir des romans comme celui-ci en amont de leur sortie. Même si je finis par acheter le bouquin.

Le Pitch :
Tu connais Peau d’âne, le conte ? Genre le père qui, après avoir perdu sa femme, veut épouser sa fille. Celle-ci est tellement désespéré qu’elle lui fait des demandes de plus en plus extravagantes, jusqu’à lui demander la peau de son âne, source de toutes les richesses du royaume parce qu’il fait caca de l’or. Une fois la bestiole écorchée, elle s’enfuit, déguisée en gueuse vêtue d’une peau de bête… Bah là, le papa veut effectivement épouser sa fille, mais cette dernière, bien qu’adorant son papounet, se rend vite compte de l’homme qu’il est en réalité…

Mon avis :
Les réécritures de contes, j’aime ça. Sauf que dernièrement, je n’en ai pas vraiment trouvé qui m’emballe de ouf. Alors là, on me propose un conte peu adapté, avec une bonne poignée de féminisme et un bel écrin. Je dis banco. Effectivement, le début est assez similaire au conte original, bien qu’y soient glissés quelques éléments géopolitiques (tout de suite, les grands mots…). Mais ça va au-delà de ça. Je ressens ce je ne sais quoi de gênant. Oui, oui, parler d’inceste, c’est gênant. Mais même avant ça. C’est dans les détails, dans cet or omniprésent qui brûle la rétine, dans ce silence chuchoté, dans ces interminables tresses trop lourdes que doivent porter les jeunes femmes. Bref, le lore se construit insidieusement.

Puis viennent les révélations, la peur d’abord et la colère ensuite, la rage qui dévore tout, au sens propre comme au figuré. Et là, le conte est écartelé, déchiqueté, mis en pièces, et cette princesse, qui devrait fuir, est envahie d’une rage dévorante. J’entends beaucoup parler du Fou, de son histoire, de sa relation à Blanche (notre princesse). Les gars, on se calme, il a trois scènes dans le roman. Et si, effectivement, sa relation avec Blanche est ambigüe, il est plus l’exhausteur de la folie de ce royaume fait de mensonges.

J’ai très peur d’en dire trop, je vais donc m’arrêter là. Mais sachez que c’est un roman violent (dans le ressenti et dans l’action), presque cathartique par moment, dont la seconde partie (qui sortira fin d’été normalement) sera selon moi le tome de l’apaisement et de la guérison, même s’il promet son lot d’action. Une lecture que je ne saurais que vous recommander ! D’ailleurs, ici, sitôt acheté, sitôt prêté…

Pour info :
éditions Gulf Stream, 424 pages, 23€

Publié dans Bouquinade, Litté de l'imaginaire (SF, Fantasy, Fantastique)

L’Année de grâce (Kim Liggett)

Amis du jour, bonjour !

C’est un nouveau carton plein pour la lecture du bookclub de février ! Pourtant, le roman du mois ne partait pas gagnant. J’en avais entendu des avis très mitigés, certains trouvaient que le roman n’allait pas assez loin ; pour d’autres, il avait changé leur vie. Pour d’autres encore, c’était une déception pure et simple. Pas évident donc d’aborder cette lecture de manière sereine…

Le Pitch
Dans le village ou vit Tierney, il est dit que les jeunes filles, en grandissant, développent une mauvaise magie, de celle qui tente les hommes. Afin d’en dissiper ses effets et de la laisser se dissoudre, elles sont, à l’âge de 16 ans, envoyées dans la forêt pendant une année entière. Une année dont personne ne parle. Une année dont toutes ne reviennent pas vivantes…

Mon avis
Je ne fais pas durer le suspens (et de toute façon si tu as suivi le live du bookclub ou mes stories, tu sais), j’ai beaucoup aimé. On se retrouve dans une ambiance type Le Village (le film où ils vivent dans un bled isolé dans la forêt où de soi-disant monstres les empêchent de partir). Il est difficile de réellement dater le contexte… dans un passé lointain ? Un post-apo ? On nous parle des terres de l’Amérique où l’on vit libre… En tout cas, clairement c’est poisseux. L’inimitié entre les femmes est encouragée par des hommes qui les jugent, les mettent en compétition, les font se surveiller.

Elle sont dépossédées de leur corps, de leur vie, et n’ont d’autre choix que de se méfier les unes des autres (au mieux), ou de se haïr (au pire). Le trait est grossi, mais cette situation est-elle si différente de celle que nous vivons aujourd’hui ? Quel média, quel discours, quelle œuvre nous pousse, nous, femmes, à nous respecter, à nous aimer, à nous entraider. Car, tel le miroir de la méchante reine, la société ne sait que nous dire que nous ne sommes pas la plus belle. La plus intelligente. Nous ne sommes jamais assez, jamais autant que. Et ce miroir de vérité devient un instrument de torture sorti du palais du fun à la foire du Trône.

Le roman est violent, il montre les dangers du besoin viscéral d’appartenir à un groupe, mais aussi le pouvoir que peut avoir ce groupe lorsqu’il décide de s’apaiser et de soutenir ses membres. Tierney vit un cauchemar, mais c’est ce cauchemar qui lui permet de découvrir sa force, de reprendre possession de son corps, de ses désirs et de ses sentiments. J’en ai entendu beaucoup critiquer la romance qui s’installe, la jugeant trop soft et vectrice de stéréotypes. Là où l’on peut effectivement voir une romance, j’ai vu une jeune fille briser ses craintes, les carcans dans lesquels son éducation l’avait enfermée, pour enfin s’écouter et accueillir son désir et sa corporalité.

La fin divise également, puisque manifestement, beaucoup y ont décelé un destin funeste. De nombreux éléments ne sont effectivement dévoilés qu’à demi-mots, si bien que l’interprétation personnelle de chaque lecteurice est valable. Personnellement, j’y vois plutôt l’espoir d’une société en voie de guérison, qui ne sait avancer qu’à petits pas, mais qui s’apprête à opérer une révolution silencieuse. Un acte de gentillesse est parfois anodin. Parfois, il ne l’est pas. Et la magie dans tout ça ? Parce que vous croyez à la magie vous… Bref, pas de grosse révolution, de parfait féminisme, rien n’est propre, rien n’est blanc… à lire.

Pour info :
grand format : éditions Casterman (trad. Nathalie Peronny), 448 pages, 19.90€
poche : éditions Gallimard Jeunesse, coll. Pôle fiction, 480 pages, 8.70€

Publié dans Bouquinade, Policier / Thriller, Roman historique

L’empoisonneuse des bas-fonds (Aurélie Croizé)

Amis du jour, bonjour !

Aujourd’hui, c’est jour de sortie, et pas n’importe laquelle : Aurélie Croizé revient pour notre plus grand plaisir avec la suite des aventures de la jeune Louise, cartomancienne et apprentie de la célèbre Marie-Anne Lenormand.

Le Pitch :
Louise est sur tous les fronts, elle peine à faire une place à Paul dans sa vie. Et ça ne s’arrange pas lorsque Clément, jeune journaliste, vient la trouver pour enquêter avec lui sur les meurtres de jeunes femmes de basse extraction, totalement étouffés par la police. Meurtres qui ne sont pas sans rappeler les méthodes d’une célèbre empoisonneuse morte il y a plus d’un siècle…

Mon avis :
Fait assez rare pour être souligné : je trouve ce tome 2 encore plus abouti que le premier. Entre les tirages de cartes détaillés, très bien expliqués et intégrés au texte, les personnages tantôt attachants, tantôt intrigants, et la minutie des recherches historiques, vous vous retrouverez totalement immergés dans le Paris des crinolines et des bals de charité.

L’enquête n’est pas en reste puisqu’elle nous entraîne dans les usines de la ville, les vieux théâtres où se réunissent en secret des combattants de la cause des femmes, et les repaires de contrebandiers. Retournement après retournement, Louise fait preuve de ressources, suit de fausses pistes et se trouve des alliés inattendus. C’est le genre de personnage très humain que j’adore suivre. Je ne parle même pas de l’irrévérencieuse Marie-Anne Lenormand, qui me fait toujours sourire, ni de l’adorable Paul (team Paul forever). Notons que la plume toujours impeccable d’Aurélie rend justice à la montagne de travail qu’elle a abattue pour ce roman, et nous avons un combo gagnant. Je ne peux donc que vous enjoindre à découvrir cet univers, qui, je l’espère, trouvera une belle conclusion dans un autre tome compagnon…

Pour info :
éditions Gulf Stream, collection Echos, 432 pages, 18.50€

Publié dans Bouquinade, Roman

Leçons de chimie (Bonnie Garmus)

Amis du jour, bonjour !

Je vous le dis souvent, il m’est extrêmement difficile de parler d’un livre qui a chamboulé mon univers. Mon esprit, tel un culbuto, oscille entre le besoin viscéral (passez-moi le cliché) de vous en parler, et l’angoisse de ne pas trouver les mots qui vous pousseront immanquablement à vous procurer ce livre. Enfin, tentons tout de même la chose.

Sarakontkoi ?
Dans un récit construit entre un passé qui se dévoile et un présent étouffant, le lecteur découvre la vie singulière d’Elizabeth Zott, chimiste de son état, dans ces années 50-60 qui ne prêtaient guère aux femmes qu’une place dans leur cuisine. D’injustices en victoires insignifiantes, Elizabeth parvient pourtant, à travers l’émission de cuisine dans laquelle elle a été catapultée, à enseigner aux femmes quelques notions de chimie, mais aussi l’étincelle de la rébellion.

Tenpenskoi ?
Dieu que ce résumé me paraît pauvre en comparaison du chef-d’œuvre que j’ai lu ! Je l’ai dit sur Instagram lorsque j’ai terminé ma lecture, je suis persuadée que ce roman peut changer des vies. Beaucoup de lecteurices à qui je le conseille me demandent s’il s’agit d’une histoire vraie. Je réponds « non », mais j’ai envie de dire qu’Elizabeth Zott a vécu en Katherine Goble, en Joan Clarke, en Marie Curie, en toutes ces femmes qui se sont un jour entendu dire où est leur place, ce à quoi elles doivent ressembler, ce qu’il convient ou pas de dire… En plus donc de me parler en tant que femme, Leçons de chimie (paru en grand format sous le titre La Brillante destinée d’Elizabeth Zott) est une leçon d’écriture à bien des égards.

Premièrement, les personnages. Bien que le roman soit majoritairement écrit du point de vue d’Elizabeth, il donne une voix à beaucoup d’autres, aux antagonistes comme aux adjuvants. Certains partis pris sont surprenants, et pourtant… que serait ce récit sans le chien Six-Trente, la toute jeune Mad, l’infâme directeur de laboratoire ? Les femmes se trahissent puis se comprennent, les hommes sont démunis mais accompagnent. Rien n’est blanc, rien n’est noir. Et ce casting nous sert un délicieux melting pot d’interactions tantôt inspirantes, tantôt révoltantes.

Ensuite, comment ne pas parler du style ? Factuel et neutre, laissant les lecteurices s’indigner ou s’attendrir, dessinant des sourires de connivence sur les lèvres de ceux qui sauront lire l’ironie d’une histoire qui s’écrit sans que sa protagoniste en soit vraiment consciente. J’ai eu dans le regard, grâce à la plume de Bonnie Garmus, la tendresse d’une mère qui regarde son enfant inconscient faire son chemin dans la vie, tantôt inquiète, tantôt fière.

Enfin, au-delà du style, Elizabeth Zott est un parangon de résilience. Tout ce qui peut arriver de pire à une jeune femme dans sa situation… eh bien tout arrive. La loi de Murphy les amis. Mais, froide et directe, peu encline à se laisser aller, Elizabeth continue d’avancer. On ne s’appesantit pas sur les non-dits, les drames, les injustices. Ça ne veut pas dire que rien n’a d’importance. Simplement qu’elle n’a pas le choix. Et lorsque ses forces l’abandonnent, ce sont tous ces merveilleux personnages qui la portent jusqu’au crépuscule de ses journées.

Je n’ai plus de mots pour tenter de vous convaincre de lire ce roman. Je vous laisse donc maîtres de votre décision. Mais moi, si j’étais vous, je le lirais.

Pour info :
éditions Pocket (trad. de Christelle Gaillard-Paris), 544 pages, 9.50€

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Mille Pertuis, tome 1 : La Sorcière sans nombil (Julia Thevenot)

Ami du jour, bonjour !

J’en cause, j’en cause (sur les réseaux, autour de moi) mais il serait peut-être que temps que je rédige cette chronique, nom d’une pipe en bois !

Sarakontkoi ?
Ortie a une quinzaine d’années. C’est une sorcière, et la sorcellerie, c’est une histoire de femmes. Très jeune, Ortie apprend qu’elle devra suivre son destin, son Nord, auquel elle est rattachée par le nombril. Seulement voilà, quand on est une enfant, qu’on joue avec les copains, ces histoires métaphoriques de Nord, de destin, de secret autour de la magie, ça ne veut pas dire grand-chose. Et Ortie commet la plus grosse erreur qu’une sorcière puisse commettre… Et passe les années qui suivent à tenter de la réparer.

Tenpenskoi ?
Quand j’ai reçu le bouquin de la part de Gallimard Jeunesse (parce que oui, c’est un service presse), ma première réaction a été « chouette couverture ! » En lisant la quatrième, je me suis gratté un peu le scalp. C’était chelou. Une sorte d’aura étrange se dégageait du roman. Et puis cette couverture, quoi ! Des Tic-tac, un stylo, des plantes, une cup menstruelle… aucun sens. J’ai commencé ma lecture, et j’ai calé. L’espace d’un instant, je me suis demandé ce qu’on m’avait envoyé. Mais j’étais fascinée, de cette fascination qui maintient nos yeux ouverts devant une scène bizarre au ciné. Et enfin, sans que je comprenne comment ni pourquoi, je me suis retrouvée, telle une mouche imprudente, prise dans la toile de Julia Thévenot.

Mille Pertuis, c’est une histoire de femmes, au sens le plus littéral et cru du terme. La sorcellerie est un monde de femme, et la magie vient de leur corps. Leur salive, leur sang… et donc leurs menstrues (oh, écoute, prends un dico !). C’est une magie viscérale, crue, organique, pas jolie. Mais tellement pratique, physique, tangible ! Ortie est un personnage touchant, dès son enfance. Sa petite sœur, l’impayable Ronce au régime alimentaire peu habituel (sauf si t’aimes la Javel), et la parfaite aînée Épine, fière et appliquée, la mère mystérieuse, sont géniales. Bref, je sens bien qu’on ne me dit pas tout, que comme Ortie, je navigue à vue. J’ai beau avoir 34 ans, mais j’ai l’impression de découvrir mon corps en même temps qu’elle !

C’est drôle, ça questionne, ça avance, ça s’aventure, ça bégaye, ça embraye, et ça finit trop vite. La suite n’arrivera jamais assez tôt !

Pour info :
Gallimard Jeunesse, 432 pages, 19.90€

La Magnifique (Anne-Laure Bondoux)

Ami du jour, bonjour !

J’ai reçu, il y a quelques temps, un colis de chez Univers Poche qui contenait pas mal de romans, dont un qui m’intriguait particulièrement parce que, sans en reconnaître le titre, j’étais persuadée de l’avoir déjà lu.

Sarakontkoi ?
Bella Rosa, fougueuse jeune fille d’une vingtaine d’années, est loin d’avoir la vie facile. Son père est un infirme porté sur la bouteille et violent, et comme si être une femme seule en plein Far West n’était pas suffisant, la nature l’a gratifiée d’une poitrine plus que généreuse. Lorsque les rumeurs d’une bataille approchent, c’est le signal qu’elle attendait. Elle charge son père sur son chariot, et part vendre sa camelote sur les routes, vers l’inconnu…

Tenpenskoi ?
Le fin mot de l’histoire, c’est que je l’avais effectivement déjà lu, ce roman, il y a plus de 10 ans à l’occasion d’une rencontre avec l’autrice. À l’époque, il portait un autre titre, Pépites, et était paru chez Bayard, donc en jeunesse.

On aime suivre Bella Rosa, qui décide de se forger sa propre destinée, de faire sa propre fortune, malgré les batons que la vie lui met dans les roues. J’aime qu’elle n’abandonne personne en route, ni son alcoolique de père, ni son infidèle de mari. Du caractère, elle en a pourtant. Mais autre époque, autres mœurs, et elle a du cœur notre flamboyante jeune femme ! Des gourous de secte aux banquiers crapuleux, des soldats graveleux aux regards scrutateurs des autres femmes, elle ne recule devant rien pour mener à bien son projet. Elle vit de vrais moments de bonheur, court mille dangers, mais toujours, elle avance. Peut-être qu’au fond, c’est ça, vivre. Juste avancer. Un roman court et efficace, sans fioriture.

Pour info :
éditions Pocket, 350 pages, 8€

Publié dans Bouquinade, Litté de l'imaginaire (SF, Fantasy, Fantastique)

Sang-de-Lune (Charlotte Bousquet)

Ami du jour, bonjour !

Il m’est venu, il y a quelques temps, comme une envie de Charlotte Bousquet. Ma cagnotte Vinted était chargée à bloc, et je me suis dit « mais quel mal y aurait-il à me prendre quelques occas’ qui me font bien envie ? » Je me suis donc retrouvée avec Des œillets pour Antigone, Là où tombent les anges, et le fameux Sang-de-Lune, que je vous présente aujourd’hui.

Sarakontkoi ?
Dans la cité souterraine d’Alta, les Fils du Soleil (les hommes) règnent en maîtres. Les Sang-de-Lune (les femmes) du fait de leur impureté et des ténèbres qu’elles portent en elles, sont reléguées au rang d’épouses, parfois d’esclaves dans leur propre maison. Gia apprend qu’elle a été promise à un homme violent et qu’elle devra bientôt quitter sa petite sœur. C’est pour la sauver d’un avenir sombre qu’elle décide de s’enfuir avec elle dans les tréfonds de la cité, vers les sauvages, les peuples libres, et les monstres qui rampent dans le noir…

Tenpenskoi ?
La quatrième de couverture fait état d’un roman lunaire, de ténèbres et de chimères. C’est tout à fait ça. Personnellement, je m’attendais à quelque chose de plus criant, de plus nerveux. Mais Gia est un personnage endoctriné qui doit se battre contre elle-même pour accepter la vérité : on lui a menti sur ce qu’elle est, sur le fondement même de la société dans laquelle elle évolue. Elle étouffe ses élans de révolte sous des couches de culpabilité. Coupable pour des crimes que ni elle, ni les autres femmes n’ont commis. Si nous, lecteurs, avons le recul nécessaire pour nous en apercevoir, ce n’est pas le cas de ces femmes dociles sous les assauts de leurs époux, cruelles les unes envers les autres, dévorées de ténèbres qui n’existent que dans leur imagination.

De fait, je lis un roman en demi-teinte. Le poing frappe moins fort que ce à quoi je m’attendais, la course est plus lente. Et pourtant chaque ligne fait douloureusement échos, sous couvert de littérature imaginaire au trait grossi, à la place qu’a longtemps occupée la femme (et qu’elle occupe encore dans certaines cultures). Un être vil, malfaisant, qui doit être maté, étouffé, mutilé. La punition par lapidation pour des fautes qui n’en sont pas, pour l’expiation d’un péché causé par la maltraitance des hommes est insupportable, et Charlotte Bousquet ne nous épargne rien. Ni la mort, ni la cruauté, ni les trahisons. C’est un roman court, lent et parfois presque léthargique, qui figure un éveil progressif et douloureux, jusqu’à une révélation inattendue qu’on aurait voulue libératrice mais qui laisse un goût amer dans la bouche… Ce que j’en ai pensé ? C’était intéressant, dérangeant, et j’ai eu comme un goût de pas assez, mais j’ai conscience que le développement d’une intrigue aurait gâché le propos…

Pour info :
éditions Gulf Stream, collection Electrogène, 320 pages, 17€

Publié dans Bouquinade, Litté de l'imaginaire (SF, Fantasy, Fantastique)

L’Orage qui vient (Louise Mey)

Ami du jour, bonjour !

Parfois, il y a des bouquins, tu ne te serais jamais retourné(e) dessus s’ils ne s’étaient pas imposés dans ta vie. Et pourtant, ils ont mis un sacré coup de pied dans ton joli postérieur ! Je pense notamment aux livres que l’on t’a offerts (coucou Comme un roman), prêtés en te faisant promettre de les lire (hello Dix petits nègres). Et puis, depuis que je suis libraire, il y a les services de presse…

Sarakontkoi ?
Mila, 15 ans, vit avec une poignée d’autres femmes et enfants au Hameau, un minuscule village perdu au cœur de la forêt. Depuis la Rétractation, puis la Reconstruction, hommes et femmes ont dû réapprendre à vivre simplement. Une fois par saison, quelques femmes se rendent en ville pour se procurer des biens essentiels qu’elles ne peuvent pas fabriquer elles-mêmes. Cette fois, elles n’en reviennent pas seules, et cela risque bien d’éveiller les secrets les mieux gardés du Hameau.

Tenpenskoi ?
Je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Je connais l’éditeur, La Ville Brûle, notamment grâce à ses albums (généralement) engagés, que je reçois régulièrement à leur sortie. Alors les écrits engagés, moi, ça me plaît, surtout s’ils ont un goût de post-apo. Cela dit, point trop n’en faut. Et surtout, il y a « engagé » et « engagé » ; l’engagement demande un certain doigté — oserais-je parler de subtilité ? — afin de rester digeste. Et j’arrête de tourner autour du pot, ici, l’assaisonnement est parfaitement dosé. C’est au travers de la vie de ces femmes, de leur organisation, de leur quotidien que l’on comprend tout l’engagement de l’autrice.

Un engagement féministe ? Je dirais humaniste. Responsable. Un brin minimaliste. Fataliste ? On aime l’ambiance dans laquelle baigne cette petite communauté… tout en ressentant une sorte d’urgence, de peur sourde, comme un sixième sens qui anticipe l’orage qui vient. Et puis il y a Mila. Mila qui sait, Mila qui protège, Mila qui atteint un potentiel qui l’effraie et qui effraie les femmes avec qui elle vit. Et enfin, l’acceptation de ce changement interne, de ces bouleversements extérieurs. Ce fut à la fois une lecture étouffante et libératrice, apaisante et éprouvante, révélatrice, servie par style épuré, et une narration au présent et à la première personne. En un mot comme en cent : efficace.

Pour info :
éditions La Ville brûle, 208 pages, 15€

Publié dans BD, Bouquinade

Peau d’homme (Hubert / Zanzim)

Ami du jour, bonjour !

Nous sommes sans aucun doute dans un petit cycle de lecture de bulles… Mais pour le coup, que du bon, alors pourquoi s’en priver ? Aujourd’hui, je vous parle d’un petit bijou que j’ai attendu dès l’annonce de sa sortie par Glénat sur Instagram. D’ailleurs, pour la petite anecdote, on est passés totalement à côté à la librairie (grrrrrr) et j’ai dû me le commander. Bien entendu, sortie de confinement toussa toussa, j’ai attendu ce qui m’a paru être une éternité ! Bref, elle est là, je l’ai lue, et pfouah !

Sarakontkoi ?
Italie, période Renaissance. La douce Bianca, fille d’un riche marchand, a été promise au jeune Giovani. Un pacte qui scelle un accord commercial plus que sentimental. Bianca n’a pas son mot à dire. Alors, pour l’aider à accepter, et surtout à connaître ce futur époux qu’elle vient de rencontrer, sa marraine offre à Bianca une peau d’homme qui lui permet, lorsqu’elle l’enfile, de déambuler sous les traits du jeune et beau Lorenzo. Si elle apprend effectivement à mieux connaître Giovani, elle découvrira bien plus que ce qu’elle était venue chercher.

Tenpenskoi ?
Mais. Quelle. Lecture ! Je vais avoir du mal à rester concise cette fois tant le contenu est riche ! On parle certes de la place de la femme, de son absence totale de liberté, de son combat, chacune le menant à sa façon, avec les armes dont elle dispose. Mais ça va tellement plus loin. On y parle de la place du genre (et par là je veux dire du sexe) dans la relation à l’autre, d’amour certes, mais aussi de respect, de liberté sexuelle, d’identité, de puritanisme religieux, de l’hypocrisie des bien-pensants… et Dieu que ça fait du bien ! Et quelle clairvoyance de la part d’Hubert, le scénariste, de nous proposer un réel changement de perspective (puisqu’il est physique) et d’aller au-delà du simple discours féministe. C’est une parole humaniste, libertaire et libératrice !

Et je ne te parle pas de l’intelligence du dessin, de la mise en scène (ou mise en case si je puis me permettre) ! De nouvelles idées à chaque page, qui servent le propos sans l’étouffer. La traduction par l’image de cette sensation de clostrophobie d’abord puis de libération, Le jeu des couleurs. C’est un ouvrage honnête, qui n’a pas peur de son message, qu’il dévoile sans pudeur, avec l’innocence de la jeune Bianca et de Lorenzo.

Au-delà du contenu idéologique, le livre est beau, sobre (bravo les maquettistes et la Fab chez Glénat). Il est grand et lourd. C’est un objet qui s’affirme, qui n’a pas peur d’être là et de dire ce qu’il a à dire. Bref, on pourra me dire « ouais, mais 27€ ». Probablement la somme que j’ai le mieux dépensée ces derniers mois. Parce que cette BD vaut. Chaque. Euro.

Pour info :
éditions Glénat, collection 1000 feuilles, 160 pages, 27€