Publié dans Bouquinade, Roman

Tom, petit Tom, tout petit homme, Tom (Barbara Constantine)

Amis du jour, bonjour !

Il y a quelques temps, je participais à un club de lecture, et Suzanne, qui était en charge de faire des propositions ce soir-là, a porté à mon attention un titre inattendu…

Le Pitch :
Tom a 11 ans et vit dans une caravane avec sa maman, qui l’a eu très jeune (à 13 ans). Tandis qu’elle court les petits boulots et les week-ends entre amis, Tom chaparde dans les potagers des voisins pour qu’ils aient de quoi se nourrir. Jusqu’au jour où il trouve dans l’un des potagers la vieille Madeleine qui s’est effondrée au sol la veille sans pouvoir se relever. En lui portant secours, Tom est loin de s’imaginer qu’il sauve bien plus d’une vie.

Mon avis :
Ceux qui sont là depuis un peu longtemps savent qu’un roman me fait toujours plus d’effet quand je ne l’attendais pas. Je peux être dithyrambique sur un bouquin juste parce que je me suis surprise à l’aimer, et ce même si ce n’est pas la perle du siècle. Prenez donc ce que je vous dis avec quelques pincettes (mais pas trop parce que ce livre est vraiment touchant).

Moi les histoires de laissés-pour-compte ou de paumés de la vie qui se trouvent, c’est mon kiff. C’est ce que les jeunes appellent aujourd’hui une found family, une famille d’adoption. Dans le genre, j’ai adoré Ensemble, c’est tout, et de manière générale les romans de T.J. Klune, le maître du rassemblement de gens paumés mais touchants. Alors forcément, un gosse très seul qui rencontre une mamy très seule, une maman maladroite qui décide de se donner une chance, et un vieux couple d’english attendri qui joue les lutins du cordonnier (mais si, le conte là !), bah ça marche à 100% sur moi !

On ajoute un style naïf, un peu comme dans Le Petit Nicolas en moins enfantin, la polyphonie qui donne le micro à tous les personnages, les blessures qui guérissent, les hasards qui font bien les choses, un brin de tragédie, et BAM, ça fait des Chocapic. Ok, la fin en fait peut-être un peu trop, mais ce n’est que la toute fin, et au pire, ça remet une compresse sur la couche de Biafine, mais j’ai aimé. C’était court et efficace, et ça m’a fait un bien fou. Donc merci Suzanne, parce qu’il est passé inaperçu dans tes propositions au club, mais il m’a fait grande impression !

Pour info :
éditions Le Livre de Poche, 224 pages, 7.90€

Publié dans Bouquinade, Roman

A(ni)mal (Cécile Alix)

Ami du jour, bonjour !

Je dois avouer que je suis toujours très curieuse de découvrir des romans plébiscités par des personnes qui ont toute ma confiance littéraire. Alors lorsque Carole (merveilleuse chargée de relations libraires et responsable commerciale chez Edi8, dont fait partie Slalom) m’a fortement conseillé A(ni)mal, je n’ai pas eu le choix, tu t’en doutes. Et pourtant, comme pour Cette nuit-là (que Carole m’avait également chaudement recommandé), ce n’était pas franchement pas gagné d’avance.

Sarakontkoi ?
La mère de Miran, 15 ans, lui confie quelques billets cachés sous un corset de ruban adhésif, et une consigne : oublie qui tu es, d’où tu viens. Et redeviens quelqu’un, ailleurs. Parce que Miran fuit son pays en guerre, les violences et la dictature. Il fuit pour rejoindre la France, ce pays dont son père lui a tant parlé, celui où il pourra redevenir un homme. Sur son chemin, l’humiliation, la faim, la soif, la terreur, la méfiance. Mais aussi l’espoir, le partage, et des mains tendues. Miran voyage les yeux baissés, mais la tête haute.

Tenpenskoi ?
Chaque fois que je parle de ce bouquin, j’ai la gorge qui se serre, et les yeux qui s’embuent. L’histoire de Miran, c’est aussi l’histoire de millions d’autres jeunes gens, parents, enfants, qui tentent de fuir la terreur, la mort et l’humiliation. Pas pour trouver le bonheur, on est bien loin de ces considérations, mais pour trouver un semblant de paix, dormir sans se réveiller sur les cadavres de ceux qui se sont battus pour la liberté ou la justice, et ne pas avoir à s’excuser d’exister. Le lecteur est Miran. Avec lui, il se cache et s’entasse dans des camions citernes pour traverser un désert brûlant. Il survit à la mer déchaînée dans un esquif digne du Radeau de la Méduse. Puis il est tour à tour dénoncé, accueilli, soigné, rejeté.

La lecture de ce roman te fait comprendre. Elle est pour tous les Miran du monde, qui luttent pour redevenir simplement humains, eux qui ne souhaitent qu’être suffisamment invisibles pour survivre. Qui ont cédé leur dignité pour gagner le droit d’exister. Loin d’être misérabiliste et tire-larmes, ce roman est plein d’espoir, de compassion, de résilience (puisque c’est le terme à la mode), c’est une ode à la liberté et au partage, et un regard chargé d’espoir vers demain. C’est un texte que je conseille à absolument tous, ados et adultes, qui souhaitent s’ouvrir à la question de l’émigration (et oui, je le pose dans ce sens-là, du côté de ceux qui fuient). Chapeau bas à Cécile Alix pour ce sans-faute.

Pour info :
éditions Slalom, 264 pages, 14.95€

Publié dans Bouquinade, Roman

L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea (Romain Puértolas)

Ami du jour, bonjour !

Aujourd’hui, je diminue la pile mentale des livres que je n’ai pas lus. Celui-ci m’a été offert par Chéri, et il est sorti de la poussière de mes étagères sur proposition de mon amie Laura. J’avoue avoir pensé à toi, Charlotte, qui as trouvé ta voie, comme Ajatashatru.

Cher lecteur, chère lectrice, je te propose de partir en voyage avec moi. Loin, mais tout près, entre ici et là. Alors ouvre bien grand ton esprit, vérifie ton parachute et suis-moi dans cette belle aventure.

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Sarakontkoi ?
Ajatashatru Lavash Patel, fakir Indien (un brin arnaqueur) de son état, arrive à Roissy, rien que pour acheter chez Ikea le tout dernier lit à clous spécial fakir. Sans rien d’autre sur lui qu’un faux billet de 100€, qu’il réserve à l’achat de son lit, il se voit contraint de passer la nuit clandestinement dans le magasin. Et quel meilleur endroit qu’une enseigne d’ameublement avec cafétéria ? Mais rien ne se passe comme prévu et Aja, caché dans une armoire victime de l’inventaire nocturne du magasin, s’apprête à vivre la plus improbable des aventures.

Tenpenskoi ?
Je l’avoue, en lisant les premières pages, j’ai trouvé cette espèce de comique de répétition qu’utilise l’auteur légèrement lourd. Et j’ai failli me fermer comme une huître. Mais qu’aurais-je manqué alors ? Il faut juste faire confiance à Romain, il sait visiblement ce qu’il fait.

Toi, tout le long du bouquin, avec ta tête d’adulte, tu te dis « mais n’importe quoi le gars ! » En fait, quand tu fermes le livre, tu as juste l’impression qu’un enfant — qui a mieux compris que toi ce qu’était la vie — vient de te faire un cours magistral. Et c’est ce qui rend ce récit si exceptionnel. Et si parfois tu secoues la tête, que tu luttes, avec ta logique de grand, le bouquin te regarde droit dans les yeux et te dit : « ah ouais ? Prouve-moi que c’est pas possible ! » Et tu peux juste pas.

Touchant, drôle, absurde, mais tellement vrai, il te raconte une histoire. Celle d’un rêve, d’un espoir, d’une destinée. Une de ces 1001 histoires du soir que Shéhérazade raconte à son roi perse. Et petit à petit, tu t’apaises et tu te laisses porter. Parce que le monde n’est pas compliqué. Il est simple comme un bonjour, comme un bout de quatre-quarts partagé à l’arrière d’un camion avec des réfugiés, comme un roman griffonné sur une chemise louée pas cher, comme une rencontre à Ikea. Il est simple comme un oui. À mettre entre toutes les mains.

Tu veux goûter ?
Ajatashatru s’imagina les Africains bondissant comme des félins hors de la nuit et montant dans tous ces camions en marche qui avaient jalonné leur chemin jusqu’ici. […] L’Indien venait de comprendre qu’il avait devant lui les vrais aventuriers du XXIe siècle. Ce n’étaient pas les navigateurs blancs, dans leurs bateaux à 100 000 euros, leurs courses à la voile, leurs tours du monde en solitaire dont tout le monde se foutait sauf leurs sponsors publicitaires. Eux n’avaient plus rien à découvrir.

Pour info :
Le Livre de Poche, 312 pages, 7.90€