Publié dans Madame Je-Sais-Tout, Sors ta science

« Belle maman, vous… tu… »

Ami du jour, bonjour !

Vendredi, j’ai eu la bonne surprise de recevoir via Facebook une idée d’article, parce que là, je sèche. Non, je ne suis pas une machine. Te parler d’un bouquin, c’est évident, mais pour ce qui est des autres articles, ça vient selon l’inspiration. Alors j’aime bien recevoir ce genre de petit mot. Là, c’est ma collègue Fred qui m’a envoyé le podcast à l’origine de ce billet. Sankyou bôcou.

Aujourd’hui, tu l’auras compris, on va causer tutoiement / vouvoiement. Et pour commencer, je vais arrêter tout de suite le débat qui n’existe que dans ma caboche : on peut dire vouvoiement ET voussoiement. Les deux ont une origine assez ancienne, voussoiement était le plus logique (bah ouais, on écrit vous, pas vouv), mais vouvoiement étant le plus euphonique (celui qui sonne le mieux).

Ca, c’est fait. Maintenant, pourquoi on voussoie (ouais, j’ai envie de dire voussoyer) ? Non parce qu’on n’est qu’un dans notre tête, même si ce n’est pas évident pour tout le monde. On considère que le voussoiement viendrait de l’Empire Romain, environ 300 après ce bon vieux J.C. Diocletien était alors au pouvoir, et a divisé l’Empire en deux : l’Empire d’Orient, et l’Empire d’Occident. À la tête de chaque morceau, il y avait un Auguste (titre honorifique d’empereur en quelques sortes) et un Cesar pour l’assister. Ainsi, lorsqu’un zozo prenait la parole, il parlait pour tout le monde, et se désignait donc par le pronom nous. On lui répondait en lui disant vous. Là, tu te dis : « oui, mais Louis XIV il faisait pareil, et il était tout seul ! » Certes, mais notre cher Louis avait une fascination pour la Rome antique, en témoigne l’esthétique des statues et les représentations artistiques. Bref.

C’est donc une des explications probables du voussoiement. Toujours est-il que sous la dynastie carolingienne, le voussoiement devient systématique, comme dans presque toutes les langues européennes (certaines résistent encore et toujours à l’envahisseur).

Après la Révolution, les conventions de l’ancien Régime sont complètement désavouées et rejetées. On efface la hiérarchie, le tutoiement est obligatoire, sous peine de finir guillotiné. La distance entre les « castes » sociales n’existe plus.

Napoléon restaure le voussoiement, envers la noblesse d’abord, puis la bourgeoisie. Et le voussoiement cède à nouveau la place en mai 1968, alors qu’à nouveau, on cherche à gommer les frontières sociales.

Tu l’auras compris, le voussoiement est vu comme une marque de respect, mais surtout comme une marque hiérarchique. Ainsi est-il d’usage, lorsque l’on rencontre quelqu’un, de le voussoyer. Personnellement, je trouve ça extrêmement hypocrite. Si je dis : « je vous emmerde », je ne suis pas plus respectueuse que lorsque je tutoie mon interlocuteur. Pour moi, l’intention mise derrière le voussoiement ou le tutoiement est bien plus importante que la forme de discours.

Le « tu » que je te donne est une marque de connivence, de complicité. Tu partages peut-être les mêmes centres d’intérêt que moi, tu lis ou pas les mêmes livres, tu es d’accord ou pas avec ce que je raconte. Mais surtout, je refuse toute hiérarchie. Ce que je veux, c’est un partage. « Mais, nous sommes plusieurs », me diras-tu, « c’est un voussoiement de pluralité ». Mais je m’adresse à toi. Toi qui a ta compréhension de cet article, et de tous les autres. Je fais appel à l’individu derrière la masse, derrière l’écran. Un intervenant dans une émission disait en gros « voussoyer, c’est reconnaître la pluralité de chacun, et mettre une distance qui représente la civilisation ». Moi je réponds : « tutoyer, c’est reconnaître que nous sommes uniques et que nous avons tous notre degré de compréhension et d’implication ». Si tu me demandes de te vouvoyer, c’est toi qui mets de la distance, et non du respect, entre toi et moi 🙂

Aussi demande-je toujours aux personnes dont je me sens proche immédiatement de me tutoyer.

À ce sujet, je te propose un article fort sympathique, si tu as deux minutes :
http://www.seizeheurestreize.com/commentaire-politique/vouvoyer-nest-pas-une-marque-de-respect-de-lindividu/

Et le lien vers le podcast France Culture :
https://www.franceculture.fr/player/export-reecouter?content=7cc1d710-5a23-4ca2-88d7-6924e6094976&fbclid=IwAR0w5nimmRGkfGbcznNMMnXvNXMYRY2vfnlOXXI_MHuTYJGJgzNi8CRSOkY

Désolée, ce billet était un peu long. Merci d’être arrivé jusqu’ici !

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Publié dans Bouquinade, Roman

Séléné (Barbara Wood)

Amis du jour, rebonjour !

Me revoilà pour présenter un coup de cœur de longue date. Le genre de bouquin qu’on a lu un jour, et on s’est dit « ah, vraiment, j’adore ». Et quand on nous demande, avec une pointe d’intérêt : « ah oui ? De quoi ça parle ? », eh bah on a l’air stupide. Parce que la vérité, c’est qu’on ne sait plus, que ce fameux livre a laissé chez nous comme un goût de ah-ouais-c’est-sympa, mais qu’on est bien incapable d’en donner le nom du personnage principal. En bref, il ne nous reste plus qu’à le relire. Et comme ma PàL (Pile à Lire) ne descendait pas, j’ai tout de même eu des scrupules à relire un livre que j’avais déjà lu. Mais qu’à cela ne tienne, après tout, c’est moi qui décide… Merci à ma moman de me l’avoir conseillé en premier lieu, il y a des années.

Sarakontkoi ?
Palmyre, Syrie. Sous le règne de l’empereur Tibère puis Claude. Séléné est une enfant choisie par les dieux. Née dans le secret chez Méra, une guérisseuse, elle se retrouve orpheline dès sa venue au monde. Son père a été assassiné, son frère jumeau et sa mère à peine sortie de couches emmenés. Elle grandit donc à Antioche sous l’œil vigilant de Méra, qui l’élève comme sa fille et lui transmet son savoir. Au début du roman, Séléné est une toute jeune fille de seize ans, à l’orée de sa vie de femme, timide et bègue. Jusqu’à ce qu’elle rencontre Andréas, le médecin, qui va partager avec elle ses propres pratiques. Mais les dieux ont parlé et Séléné doit quitter Antioche pour accomplir son destin. Séparée de l’homme à qui elle se destinait corps et âme, elle recherche son identité et le but de sa vie. De la Perse à Jérusalem en passant par Babylone, Séléné n’aura de cesse de rassembler les pratiques et savoirs médicaux, et de poursuivre le chemin que les dieux ont tracé pour elle.

Tenpenskoi ?
Une grande épopée, qui se lit extrêmement facilement. Le destin de Séléné est tout à fait fascinant, et elle nous emmène avec elle dans sa course et sa soif de savoir. Entre ses désirs, ses craintes, ses déceptions et ses sacrifices, elle n’en est pas moins le vaisseau qui nous emmène à la découverte de cultures et de pratiques maintenant oubliées, que l’on a plaisir à redécouvrir avec elle. Perso, j’y ai même trouvé un soupçon de romance à la Harlequin (mais pas trop, ça reste très léger) assez sympa.

Je salue au passage le début de chaque partie, qui présente une scène totalement décrochée du wagon précédent, et qui au bout de quelques pages se recentre sur Séléné. Le procédé est parfaitement maîtrisé, et recontextualise cette espèce de patchwork qui sans ça serait complètement décousu. Chapeau également pour l’exactitude des infos (en même temps, l’auteur était infirmière en neurochirurgie). Soit dit en passant, le joli livre toilé avec tranchefile de France Loisir ne fait pas oublier le bon nombre de coquilles présentes dans le texte (plus d’une dizaine). Je sais que l’erreur est humaine, mais c’est pas terrible terrible, toussa !

Pour info (et pour mon édition, parce qu’il y en a plusieurs) :
France loisirs (première édition chez Presses de la Cité), environ 533 pages, prix selon vendeur à ce jour…