Publié dans Bouquinade, Roman

Dry (Neal & Jarrod Shusterman)

Ami du jour, bonjour !

J’ai repoussé un peu la rédaction de cette chronique, des éléments de compréhension du roman m’ayant poussée à faire quelques recherches avant de pouvoir en parler correctement. Pour moi, il s’agissait simplement de parler politique et écologie (en très gros). Mais Dry a visiblement plusieurs niveaux de lecture qu’il est intéressant de garder en tête.

Sarakontkoi ?
USA, de nos jours. Une grave crise de l’eau touche la Californie, crise que les médias ont appelée Tap Out. Les barrages construits en amont des fleuves dans les états voisins ont été fermés. Mais cette fois, ça paraît sérieux. Alyssa et son frère Garret, dont les parents sont partis chercher de l’eau sur la côte, se retrouvent seuls, avec pour seul allié Kelton, leur voisin survivaliste un peu taré. Ensemble, ils prennent la décision de partir à la recherche des parents d’Alyssa, et traversent la désolation d’un état dévasté par la folie de ses habitants assoiffés.

Tenpenskoi ?
Mais c’est flippant ! La restriction d’eau est déjà effrayante les étés quand la mairie demande de ne pas remplir les piscines ni arroser les jardins, mais là c’est pire ! Plus d’eau pour boire, se laver, ni même préparer un simple biberon à son bébé. J’en ai eu la gorge sèche tout le long de ma lecture ! Des gestes du quotidien deviennent impossibles, et les jeunes protagonistes font face à la bestialité humaine. Tu as vu les deux folles se battre pour 3 rouleaux de PQ et un paquet de riz ? Imagine ce qu’il en serait pour de l’eau ! Du coup, forcément, ça a fait un peu échos aux premières semaines du confinement.

Le bouquin est criant de réalisme, et l’alternance des points de vue rend le récit tellement vivant ! Et de temps en temps s’intercale ce que les auteurs appellent un « arrêt sur image », une sorte de photographie prise à un instant T par un journaliste ou un passant sur un événement dû à la crise. Pour le coup, les auteurs jouent plus d’une fois avec nos nerfs jusqu’à un climax final de folie !

Je vous parlais de recherches personnelles parce que pour moi, le roman était surtout un cri d’alerte par rapport à notre situation écologique catastrophiques, aux sécheresses, à la désertification de certains milieux. Et franchement, ça marche pour moi. J’ai à peine osé me doucher tellement j’avais peur de gaspiller de l’eau. Mais en parlant avec mon amie Maëlle, qui m’a conseillé ce bouquin, j’ai entrevu un autre thème sous-jacent (merci Maëlle d’avoir mis le doigt dessus) : les californiens ici souffrent de la même gestion merdique des ressources en eau que les palestiniens. Le sujet est très complexe, mais pour simplifier, Israël a construit des barrages sur le Jourdain et creusé des puits qui limitent l’approvisionnement en eau en Palestine et Cisjordanie (on estime que la quantité d’eau par palestinien est 4 fois inférieur à celle d’un israélien). L’eau est d’ailleurs un élément central du conflit israélo-palestinien. C’est trèèèès résumé, mais je te mets un lien vers un article assez bien fait (pour le reste, ou si tu souhaites compléter, je te laisse la parole en commentaire et corrigerai mon billet le cas échéant). Bref, une remise en perspective d’un conflit dans un contexte occidental qui, avouons-le, nous le rend plus tangible. En gros, la question est : et si c’était toi ?

Bref, très efficace, bien écrit, je te conseille Dry. Un conseil cela dit : garde une bouteille à portée de main…

Pour info :
éditions Robert Laffont, collection R, 450 pages, 17.90€

Publié dans Bouquinade, Roman

Je ne meurs pas avec toi ce soir (Gilly Segal / Kimberly Jones)

Ami du jour, bonjour !

Une fois n’est pas coutume, je me plonge dans une lecture qui suit l’actu, si si. Parce que j’ai cessé de regarder / lire les actus, sous toutes leurs formes. En l’occurence, si j’ai eu envie de lire ce roman, c’est pas pur hasard, parce qu’il m’a intriguée. Et mon instinct ne s’est pas trompé.

Sarakontkoi ?
Lorsqu’une émeute éclate lors d’un match de foot inter-lycée, suite à une remarque raciste d’un gamin blanc, Campbell et Lena n’ont d’autre choix que de fuir ensemble. Campbell est blanche Lena est noire et toutes deux ont de gros a priori sur l’autre : Lena confond « blanc » et « riche » et Campbell fait l’amalgame entre « noir » et « dealer ». Lena n’a qu’une idée en tête : rejoindre son petit ami, même s’il faut pour cela traverser les manifestations spontanées qui se sont propagées dans le quartier. Plongées au cœur de l’enfer des émeutes, sauront-elles mettre de côté leurs préjugés ?

Tenpenskoi ?
Franchement, le sujet avait de quoi être casse-gueule, surtout en ce moment ; cela dit, l’intelligence de ce roman tient à son écriture à quatre mains, celles d’une autrice noire et d’une autrice blanche. Et les deux points de vue sont importants pour que le lecteur, quelle que soit sa couleur de peau, se sente inclus et impliqué. Lena est une jeune fille populaire, mais effrayée à l’idée de croiser un jour une patrouille de police, parce qu’elle sait que sa couleur de peau fera d’elle une suspecte systématique, quoi qu’il arrive. Campbell est blanche, donc elle ne connaît pas cette peur, mais elle connaît de graves problèmes financiers et familiaux.

Ce que j’ai aimé, c’est que le roman traite certes un sujet d’actualité, en mettant le doigt notamment sur le « racisme ordinaire », celui dont on ne se rend pas forcément compte. Mais il prend en compte les individualités de chacune de ses deux protagonistes. Aucun de leurs jugements n’est rabaissé ou critiqué. Les autrices se contentent de mettre le doigt dessus, et c’est au lecteur de faire son propre chemin, d’avoir ses propres prises de conscience. Le récit est très immersif, ce qui ne gâche rien. Et surtout, il n’en fait pas des tonnes.

Bref, ce fut une lecture instructive. Je ne saurais que le recommander à tout lecteur intéressé par le sujet.

Pour info :
éditions Milan, 248 pages, 14.90€