Publié dans BD, Bouquinade

L’Âge d’or, T1 & 2 (Cyril Pedrosa / Roxanne Moreil)

Ami du jour, bonjour !

Avec toutes les bulles que j’ai lues pendant le dernier week-end à 1000 (week-end durant lequel tu dois lire 1000 pages entre vendredi 19h et dimanche 23h59), tu t’étonnes peut-être de ne pas voir plus de chroniques BD par ici. Ou tu t’en fiches comme de ta dernière paire de chaussettes trouées (sauf si c’est ta paire de chaussettes dinos et là ça pue du bec). Bref, je digresse. « Gresse ». Voici donc la première d’une longue série, on va causer bande-dessinée. Et je commence fort !

Sarakontkoi ?
À la mort du vieux roi, c’est sa fille Tilda qui est désignée pour lui succéder. Mais sa mère, la reine, lui préfère un petit frère au caractère plus docile. Tilda est donc trahie par les seigneurs qui se rallient au jeune prince. Cependant, le destin de Tilda semble lié à un manuscrit mystique intitulé L’Âge d’or, qui renferme l’histoire de l’espèce humaine, son avenir, son essence. Et si ce manuscrit était simplement la plus pure vérité, celle qui rendrait sa liberté au peuple que Tilda essayait tellement de protéger ?

Tenpenskoi ?
Il faut savoir que la bande-dessinée n’est pas au cœur de ma culture littéraire. Si je passe de très bons moments à naviguer entre les planches, les cases et les bulles, je n’ai qu’une connaissance assez limitée du médium. C’est mon collègue Hervé qui, ayant tout à fait cerné le genre de lectures que j’aimais faire, m’a conseillé cette duologie (à l’époque, seul le T1 était disponible). Et il a eu raison ! Il faut que je vous parle des deux aspects de l’œuvre ici.

Pour commencer, le dessin de Cyril Pedrosa. Mon dieu que c’est beau ! Ces grandes fresques qui empruntent leurs courbes et couleurs à l’expressionnisme, avec un chara design (des traits de personnages) légèrement teinté des grands chefs-d’œuvre de Disney (type Le Bossu de Notre-Dame ou La Belle aux bois dormants). Fun fact, Pedrosa a bossé sur Le Bossu de Notre Dame d’ailleurs (je viens de vérifier après avoir fait ma comparaison, comme quoi). Le tout donne un résultat un peu onirique, souligné par la finesse du trait et ce fameux aspect expressionniste donc. Et alors, je ne parle même pas de l’originalité de la construction du récit à l’intérieur des cases ! Non, vraiment, un boulot de génie ! Du coup, ça me donne vraiment envie de voir un peu ce qu’il a fait d’autre.

Ensuite, je ne peux pas ne pas parler du scénario de Roxanne Moreil. Comme je l’ai souligné en parlant du graphisme et de l’ambiance visuelle, on se promène dans un récit qui s’apparente à la fable, presque à la légende. Sur la quatrième de couverture, il est question d’épopée médiévale, ce que j’approuve totalement. Mais c’est aussi une réflexion sur la société, ses strates, et ses rouages. La relation protecteur/protégé, dominant/dominé. On y verrait presque transparaître, en tout cas dans la lecture que j’en ai faite, une pointe d’anarchisme (au sens premier du terme, je ne vous parle pas de casser des baraques) et de naturalisme. Bref, une utopie, racontée dans un manuscrit sacré qui prône l’égalité de chaque être et offre à l’humain sa liberté, s’il est capable de sacrifier son désir de pouvoir et d’ascendant sur ses semblables. Une idée qui fait son chemin par les temps qui courent.

Ce fut une lecture riche et nécessaire, ne serait-ce que pour découvrir le trait envoûtant de Cyril Pedrosa. Tu l’auras compris, je recommande !

Pour info :
Tome 1 : éditions Dupuis, collection Aire Libre, 232 pages, 32€
Tome 2 : éditions Dupuis, collection Aire Libre, 232 pages, 32€

Publié dans Madame Je-Sais-Tout, Sors ta science

Sors ta science #12

Ami du jour, bonjour !

Point de mot du jour, ni de point lecture pour aujourd’hui. Ma collègue Fred revient de vacances, et là, entre deux chargements de pneus, elle me raconte ses soirées, ses voyages. Et v’là t’y pas qu’elle me cause d’un débat auquel elle a assisté lors d’une soirée entre amis. Le sujet : l’écriture inclusive.

Mais keskecé ?

Pour commencer, sache que je n’ai pas l’intention de te faire un cours magistral, je suis loin d’être une experte en la matière. Mais ça existe, et c’est important de le savoir, d’en parler.

Dans 1984, George Orwell avait très bien compris que le langage était la clef du pouvoir. Oui, tu peux être riche, intelligent, beau. Mais rien — et je dis bien rien — ne remplacera un bon talent d’orateur (cf. le swag de Tyrion Lanister, toi-même tu sais). Parce que les mots ont un pouvoir. Et le pouvoir, l’homme — que dis-je, l’immortel académicien — s’en est emparé il y a bien longtemps, notamment au XVIIe siècle en particulier, en masculinisant bon nombre de mots (des professions surtout). Là-dessus, j’arrête l’historique, j’aurais peur de m’avancer et de dire une bêtise. Mais si le sujet t’intéresse, tu peux lire Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin d’Éliane Viennot.

Bref, tout ça pour te dire qu’aujourd’hui, on essaie de rebattre les cartes, et de redonner à la femme une place dans la société. Là encore, je ne m’étends pas sur le féminisme et ses combats, je te laisse maître de tes opinions. Toujours est-il que l’écriture inclusive fait partie des armes que l’ont sort au nom de l’équité entre hommes et femmes. Et je m’en vais t’expliquer de quoi il s’agit.

Selon le site www.ecriture-inclusive.fr, il s’agit de « l’ensemble des attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes. » En gros, donner une place au féminin dans le mot et la phrase, même lorsque celui-ci se mêle au masculin. On te propose quelques solutions :

  1. Accorder en genre les noms de fonctions, grades, métiers et titres
    Exemples : « présidente », « directrice », »chroniqueuse », « professeure », « intervenante », etc.
  2. User du féminin et du masculin, par la double flexion, l’épicène ou le point milieu
    Exemples : « elles et ils font », « les membres », « les candidat·e·s à la Présidence de la République », etc.
  3. Ne plus mettre de majuscule de prestige à « Homme »
    Exemple : « droits humains » ou « droits de la personne humaine » plutôt que « droits de l’Homme »

Et pour la petite histoire, sache que les Allemands, comme d’hab, sont super en avance sur nous, parce que, eux, ils ont déjà intégré l’écriture inclusive, et sans bouder, oui Monsieur-dame ! Non contents de féminiser toutes les professions en ajoutant le suffixe -in, ils proposent également un pluriel mixte en insérant un -i- majuscule avant la marque du pluriel. Ainsi :

der Lehrer : le professeur
die Lehrerin : la professeure
die Lehrer : les professeurs (masculin)
die Lehrerinnen : les professeurs (féminin)
die LehrerInnen : les professeur.e.s

Comme dirait l’autre, ça ne mange pas de pain, et on sait de quoi on cause. À bon entendeur/-se, cher.e.s lecteurices…

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Publié dans La pensée qui panse, Madame Je-Sais-Tout

La pensée qui panse #10

Amis du jour, bonjour !

En ce jour de la Femme, j’aimerais vous parler… d’un homme. Et puisqu’il est ma pensée agréable, je la partage avec vous.

Cet homme, c’est pas le genre à se mettre en avant. C’est pas le genre à se revendiquer féministe. Pas le genre macho non plus.

Pas le genre à me jeter mes règles à la figure chaque fois que je m’énerve. Toujours opé pour jouer les chevaliers servants (sans s’en rendre compte, je pense), porter les charges de plus de 500g (genre mon sac à main). Le genre à regarder une comédie romantique sans broncher, à se taper l’intégrale de High School Musical du début à la fin. À déménager et aménager une pièce 20 fois sans se plaindre de la charge de travail. Celui qui peint et ponce dans le noir pour finir ma bibliothèque.

Celui qui ramasse tout ce que je jette par terre quand je suis énervée, sans jamais rien me reprocher.

Mais surtout celui qui me tend le rouleau quand il s’agit de peindre le salon, qui me laisse faire les bandes du placo parce qu’il sait qu’il est nul. Qui fait la vaisselle, la cuisine, pendant que je bricole. Qui se sent suffisamment homme pour ne pas jouer les hommes. Qui se repose sur moi autant que je me repose sur lui. Qui me laisse être une femme comme j’ai envie de l’être, féminine avec un peu de laisser aller des fois, impulsive, parfois drôle, parfois moins, la poitrine ouverte sur un cœur qui bat trop fort.

Parce qu’être une femme n’est pas être un homme avec une paire de seins, mais être ce que l’on veut être quand on a envie de l’être, avec ceux qui nous laissent libres.

Parce que tu es l’Homme de ta Femme et que je suis la Femme de mon Homme.

Ainsi, pour illustrer cet équilibre qui nous caractérise, je terminerai mon billet sur les sages mots de Camus (in Les Justes) :

« Ne marche pas devant moi, je ne suivrai peut-être pas. Ne marche pas derrière moi, je ne te guiderai peut-être pas. Marche juste à côté de moi et sois mon ami. »

Publié dans Bouquinade, Litté de l'imaginaire (SF, Fantasy, Fantastique)

Magnus Million et le dortoir des cauchemars (J.-P. Arrou-Vignod)

Ce bouquin, j’ai dû le lire en octobre dernier, et je ne sais pas pourquoi, j’étais certaine de l’avoir déjà chroniqué. Une lecture-boulot pour le salon de Francfort, pas désagréable cela dit…

Crédits couverture : Karim Friha © Gallimard Jeunesse

Magnus est un jeune garçon un peu particulier : jeune homme de 14 ans pas très courageux mais assez imposant, fils du richissime Richard Million (qui ignore totalement son propre fils depuis la mort de sa femme), il a bien du mal à se tenir éveillé. Pas qu’il soit paresseux, mais à la moindre émotion forte, il est pris… de crises de narcolepsie ! Et c’est un peu embêtant, surtout lorsqu’un gaz vert apparaît subitement dans la ville et donne vie aux pires cauchemars des dormeurs. Magnus, puni pour avoir semé le trouble, se retrouve consigné dans le dortoir qui abrite les brutes de l’école. Malgré lui, il va se retrouver mêlé à une lutte pour le pouvoir, ainsi qu’à une rébellion pour l’égalité… et découvrir qui était vraiment sa mère.

Le jeune Magnus est un personnage haut en couleur, carrément décalé. Courageux malgré lui, un peu dégingandé, fier comme pas deux, il pourrait être attachant. Son garde du corps improvisé, Mimsy Pocket, menue et vive, pourrait nous faire penser à une petite fée agaçante dont le bourdonnement des ailes tape sur les nerfs. Le complot est bien monté. Mais alors quoi ?

Un roman bien sympa, même s’il manque un je-ne-sais-quoi. Tous les ingrédients sont pourtant réunis pour faire prendre la mayo. Le problème, c’est qu’on ne va pas au bout de la chose. C’est un peu du déja vu, on a une école, un peu de lutte des classes, un peu de combat pour la justice, un peu d’un fils qui manque de son père, un peu de surnaturel. Même si tout ça est lié, on ne voit pas trop où ça nous mène et le message n’est pas très clair pour moi. Dommage. J’attends néanmoins votre avis perso, je peux me tromper.

Pour info :
Galimard Jeunesse, collection Grand Format Littérature, 368 pages, 17,50€ chez votre libraire
Présentation ici.