Publié dans Bouquinade, Roman

Créatures (Crissy Van Meter)

Ami du jour, bonjour !

Il est temps de te parler de ma lecture de Créatures, que j’ai reçu grâce à Léa et au Picabo River Book Club (oui, encore un). C’est grâce au club que j’ai découvert les éditions La Croisée, et c’est avec plaisir que je me suis replongée dans un de leurs romans, en lecture commune avec Béa, Séverine, Anaïs et Jean-Marc (que je remercie chaleureusement de m’avoir accueillie tardivement dans leur petit groupe). Je prends quelques minutes pour remercier Léa, grâce à qui je sors souvent de ma zone de confort, et j’explore de nouveaux horizons littéraires en m’ouvrant à des romans que je n’aurais pas lus de moi-même. Et je suis souvent surprise. C’est ça aussi, le partage.

Sarakontkoi ?
Il existe au large de Los Angeles, à une soixantaine de kilomètres de la côte, un archipel nommé Channel Islands. Au cœur de cet archipel, Winter Island, dont le soleil et la marijuana sont réputés pour être magiques. Evie a toujours vécu sur cette île, incapable de jamais s’en éloigner vraiment, élevée par un père dealer dont on ne saurait remettre en cause l’amour inconditionnel pour sa fille, et une mère qui ne voulait que fuir ce roc de malheur. C’est l’histoire d’une famille dysfonctionnelle, d’amours sans bornes, d’acceptation et de résignation, pour enfin faire la paix avec soi-même.

Tenpenskoi ?
Un roman d’ambiance qui hume les embruns, le poisson et la carcasse de baleine. L’histoire d’une fuite impossible, de cette famille que l’on a envie de juger parce que rien ne fonctionne, mais qu’on ne peut condamner tant l’amour qui les lie est fort. C’est à la fois les blessures d’aujourd’hui et les mœurs d’une autre époque, où un père vend sa production de marijuana avec sa fille, la traine de squatte en maison de riche touriste vidée. L’histoire d’une île aussi, personnage central de ce roman. Un roman qui gratte les croûtes, qui questionne les souvenirs, qui force à pardonner. Et à se pardonner.

Une plongée en eaux profondes dans les souvenirs donc, mais aussi dans les peurs, le fouillis d’émotions qui fait échos au bordel du récit, dans lequel on navigue à vue entre passé, présent, et futur pour toujours se retrouver sur les côtes rocheuses, offertes aux tempêtes, de Winter Island.

L’écriture est très immersive. Elle plonge le lecteur dans ces années 70 débridées, pleines de clopes, d’adultes précoces, où tout est sans mesure. Un huis-clos un peu poisseux parfois, une ambiance superbement travaillée, où le roman lui-même questionne sa protagoniste dans des passages écrits à la 2e personne du singulier. On ne peut ignorer une sorte d’écriture automatique parfois. Quelques longueurs vers le milieu, « comme le flux et le reflux des marées », ont souligné à raison mes co-lecteurs. Une expérience à faire. Et même si cette lecture ne me restera pas en tête, c’est sur le moment qu’elle a su me captiver, et c’est tout ce qu’il fallait…

Extrait choisi :
Notre marijuana est censée receler des pouvoirs magiques. Les rayons de notre soleil davantage encore. Le tout à un peu plus de soixante kilomètres d’une traversée spectaculaire depuis Los Angeles à bord d’un ferry transportant son lot de voitures et de renoncements. Il y a tout un tas de raisons de rester.

Pour info :
éidtions La Croisée, 212 pages, 20€

Publié dans Bouquinade, Roman

Se cacher pour l’hiver (Sarah St Vincent)

Ami du jour, bonjour !

Mes billets arrivent nettement moins vite que mes stories. Tu l’auras deviné, il est plus facile pour moi de dégainer mon téléphone et de te causer d’une lecture que je viens de terminer que de me poser devant mon clavier pour essayer de mettre au clair mes idées. Bref, voici donc enfin mon avis posé et réfléchi sur cette lecture.
Précision : le roman m’a été envoyé par Delcourt dans le cadre du club de lecture Picabo River Book Club, géré par Léa, qui fait un travail de fou pour qu’on puisse recevoir des livres issus de partenariats.

Sarakontkoi ?
Depuis l’accident de voiture qui a tué son époux et l’a salement amochée, Kathleen mène une vie recluse dans le parc naturel des Blue Ridge Mountains. Elle vit avec sa grand-mère et travaille dans un snack minable, vide la plupart du temps, en particulier en hiver, lorsque les touristes désertent la région. Son quotidien, baigné dans la torpeur des anti-douleurs, est bousculé lorsqu’arrive un étranger qui semble tout faire pour demeurer invisible. De discussion en jeux d’échecs, il ouvrira pour Kathleen les lourds bagages de son passé, et déchirera chez elle des plaies qu’elle pensait oubliées.

Tenpenskoi ?
Honnêtement, si tu as suivi mes avis en cours de lecture sur Insta, tu sais que le début m’a gênée. Quelques passages maladroits, que j’avais imputés à une traduction malheureuse, et une sale manie de l’autrice de donner trop ou pas assez de détails sur ses scènes. Bref, si j’en étais restée là, je me serais dit « mouais, c’est sympa comme lecture ». Mais j’ai continué, parce que le livre exerçait sur moi une fascination que je ne comprenais pas encore.

C’est au fur et à mesure que Kathleen sort de sa torpeur, qu’elle se révèle, que le roman commence à nous engloutir. On est loin des rythmes endiablés, mais Sarah St Vincent donne à son texte quelque chose d’envoûtant. Curiosité malsaine ou simple intérêt, avant qu’on ne s’en rende compte, le roman a refermé sur nous son piège, et nous pousse à travers les méandres de souvenirs brumeux et douloureux, qui révèlent enfin, sur la dernière partie, l’horreur d’un silence trop longtemps gardé.

Avec le recul, je comprends mieux la démarche, les maladresses. Et si c’est un roman sur lequel je ne me serais certainement pas arrêtée, je suis vraiment heureuse d’avoir croisé sa route. Parce qu’il évoque avec un détachement pourtant presque passionné un sujet grave qui pourrait vite devenir larmoyant. Il m’a coupé le souffle, me l’a redonné, et a serré ma gorge. Je n’en dis pas plus, parce que je pense que chaque lecteur doit faire son propre chemin. Et lorsque je ferme ce livre pour la dernière fois, les maladresses du début son oubliées, et je n’ai qu’une envie : me lever et marcher. Chapeau bas à Sarah St Vincent, avocate spécialisée dans les droits de l’Homme (oui oui, comme Marc Darcy), qui, en un roman, parvient magnifiquement à transmettre l’essence des histoires qu’elle croise.

Pour info :
éditions La Croisée (anciennement Delcourt Littérature), 264 pages, 21.50€