Publié dans Bouquinade, Roman

Sauveur & fils, saison 1 (Marie-Aude Murail)

Ami du jour, bonjour !

Laisse-moi te raconter une aventure pleine de rebondissements, de repentance et autres mea culpa, de doutes et de craintes, d’angoisses et, enfin, dans son dernier soupir, de plénitude (ok, je viens de divulgacher la fin de cette chronique).

Sarakontkoi ?
Sauveur Saint-Yves est psychologue clinicien. Il reçoit dans son cabinet toutes sortes de patients : des adultes persécutés aux parents désespérés, des adolescents en quête d’identité à ceux qui ne savent pas très bien comment ils sont arrivés sur le fauteuil de ce grand gaillard à la peau cacao, serein et bienveillant. Mais Sauveur, sous ses airs de gentil colosse, soigne ses propres cicatrices, et prend grand soin de cacher ses fêlures à son jeune fils, Lazare, pourtant désireux d’ouvrir le dialogue et de lever le voile sur leur passé…

Tenpenskoi ?
Je me suis décidée à ouvrir ce roman parce que, soyons honnête, je le vois passer tout le temps sur les réseaux. En dehors de ça, c’est écrit par Marie-Aude Murail, grande figure de la littérature jeunesse devant l’Éternel, et MAM, c’est sacré. Je devais découvrir ce roman, qui, si j’en croyais les retours que j’avais lus/entendus, devait m’apaiser, me redonner foi en l’humanité (oui oui, rien que ça !). J’ai donc subtilisé l’exemplaire que je conserve précieusement dans mes rayons à la librairie pour le bouquiner pendant mes heures de caisse (oui, le boulot de libraire, ce n’est pas QUE lire).

Ma première impression, je l’ai partagée en commentant une chronique sur Instagram. J’étais alors happée par le roman, mais réellement angoissée parce que je voyais le fossé s’élargir entre Sauveur et son fils, j’entendais la colère, le chagrin, la peur dans le discours des patients de Sauveur. La peine de ces adolescents m’a heurtée, peut-être plus que je ne m’y attendais. Donc, au lieu de me sentir à l’aise dans mon pilou-pilou tasse de thé et tout le tralala, j’ai commencé à sérieusement me sentir mal. C’est la réponse de Marie-Aude à ce commentaire qui m’a ouvert les yeux. Elle a écrit : « ça m’a toujours étonnée qu’on parle de doudou ou de feelgood book à propos de mes livres. J’aborde des tonnes de trucs qui n’ont rien de rose bonbon… mais je pense que j’ai une grande aptitude à remonter vers la lumière et à garder une vision tendre et humoristique de notre pauvre humanité. » À ce moment-là, j’ai compris à quel point ce que j’avais pu lire autour de Sauveur & Fils m’avait induite en erreur. J’étais partie d’un très mauvais pied, et j’avais oublié une de mes règles premières : faire confiance à l’auteur. J’ai donc appréhendé la seconde partie du roman de la manière la plus neutre possible, et je l’ai laissé me raconter son histoire.

Et Bibidi Babidi Boo, la magie a opéré. J’ai aimé la maladresse et la fragilité de Sauveur, j’ai (un peu) jugé les adolescents, sur qui j’avoue avoir posé un regard condescendant avant de me reprendre et de rappeler à mon bon souvenir que j’avais, moi aussi, pensé vivre la fin du monde plus d’une fois. J’ai cessé d’avoir peur pour Lazare, ce gosse intelligent, drôle, et franc dans ses rapports. J’ai aimé ses questions, ses façons de les poser. Et Marie-Aude Murail a, encore une fois, exercé sur moi sa magie. Elle a su, dans un style que je qualifierais de muraillesque, me faire accepter l’imperfection du monde, et même apaiser les angoisses qui avaient pu naître sur les premières pages. Comme les romans de Cécile Alix, graves dans leur sujet, Marie-Aude Murail m’a mis un coup de coude dans les côtes, en me disant : « eh, écarte les doigts, jette un œil autour de toi, c’est pas joli-joli, mais qu’est-ce que c’est beau, quand même, de vivre… » Et pour ça, un grand merci.

Pour info :
éditions l’école des loisirs, collection M+, 400 pages, 8.50€

Publié dans Bouquinade, Roman

Broadway Limited, T1 : Un dîner avec Cary Grant (Malika Ferdjoukh)

Ami du jour, bonjour !

Je t’en ai parlé de ce bouquin, beaucoup beaucoup ! Quand je l’ai reçu pour Noël il y a 1 an, quand j’ai commencé à le lire, et toutes les fois où je t’ai parlé de mes lectures en cours. J’ai mis un peu de temps à le terminer, comme c’est le cas pour toutes mes lectures de chevet (mais si, tu sais, celles qui te voient piquer du nez sur ton oreiller, que ton cher et tendre te retire des mains pour y glisser un marque-page avant d’éteindre ta veilleuse…). Bref, ENFIN, je te parle de Broadway Limited.

Sarakontkoi ?
1948. Jocelyn, un jeune étudiant français de 17 ans, arrive à New-York pour y faire ses études. À son arrivée à la pension pour jeunes filles Giboulées, la logeuse lui explique qu’il y a eu malentendu, et qu’elle ne peut accueillir de jeune homme. Devant le désespoir de l’infortuné, elle accepte de lui louer un studio contre sa promesse de se montrer discret et d’accepter de jouer du piano pour les filles. Jocelyn fait alors la connaissance de Manhattan, Hadley, Page, Chic et les autres ; il sera notre porte d’entrée dans l’intimité de ces filles dont la vivacité et l’esprit n’ont d’égal que leur rêve de gloire sur Broadway…

Tenpenskoi ?
Comme tu le sais si tu as suivi tous mes blablas, j’ai découvert ce roman grâce à Lemon June, qui y trouvait un côté douillet. Ce n’est pas faux du tout. Pour moi qui suis adoratrice de comédies musicales devant l’Éternel, c’était du pain béni. Avec ce côté irrévérencieux et inattendu provoqué par l’arrivé d’un jeune homme naïf dans une pension pour jeune fille, le roman avait tout pour me plaire.

Et ça marche. Le style simple mais élégant de Malika Ferdjoukh opère, on a plaisir à parcourir ces pages, à rencontrer cette multitude de personnages surprenants. Les histoires personnelles de chacun sont dévoilées au fur et à mesure, et si parfois nous, lecteurs, sommes aussi confus que le jeune Jocelyn, c’est tout de même avec délice que nous avançons sur les trottoirs enneigés de New-York. Ces jeunes femmes, pleines de ressources, d’espoirs, parfois sujettes à de vifs élans émotionnels ne pourront que vous toucher en plein cœur.

Un léger hic qui empêchera ce livre d’être un réel coup de cœur pour moi : j’ai été perdue quelques fois. La caractérisation des personnages, notamment féminins, se fait au fur et à mesure du livre. J’avoue les avoir confondus à plusieurs reprises et j’en viens à penser que j’aurais dû tenir de petites fiches « personnage ». Sur la fin, alors que l’histoire de trois d’entre elles est réellement développée, je me sentais plus à l’aise. Je me dis qu’il est possible que mon état de fatigue pendant ces moments de lecture soit le vrai coupable plutôt que le roman lui-même, mais tout de même, ça m’a laissé comme une sensation de petit caillou dans ma chaussure.

Ca ne m’empêche pas de vous en recommander la lecture !

Pour info :
éditions École des loisirs, collection Médium +, 608 pages, 10.80€

Publié dans Bouquinade, Roman, Roman historique

La Capucine (Marie Desplechin)

Ami du jour, bonjour !

Je t’en ai brièvement parlé sur les réseaux, cette lecture, je l’ai faite dans le cadre de la rencontre VLEEL (Varions les éditions en Live) avec Marie-Aude Murail et Marie Desplechin, une grande chance pour moi puisque je les considère, chacune à leur manière, comme des piliers de la littérature destinée à la jeunesse.

Sarakontkoi ?
On est au début du XXe, en région parisienne, à Bobigny précisément. Louise a 13 ans, et une grande connaissance de la terre qu’elle cultive pour Gaston, le propriétaire de l’exploitation maraichère en question. Au début du XXe, Bobigny est un peu le potager de Paris, et ses légumes sont exportés jusqu’en Russie. Et si Louise connaît si bien sa terre, si elle l’aime si fort, elle ne peut pourtant pas résister à l’appel de Paris, où elle pense sortir de sa condition miséreuse et échapper aux coups de Gaston…

Tenpenskoi ?
En voilà un roman qui hume bon le début du siècle, le terreau bien fabriqué et l’encens des séances de spiritisme. Ce qui est fascinant, c’est d’entendre l’autrice parler de son roman, nous expliquer qu’en fait, ce sont les cultivateurs et maraichers de Bobigny qui ont développé les méthodes de permaculture que l’on connaît aujourd’hui. Et lorsqu’au détour de l’entretien, elle lâche « moi, quand je rencontre les gosses dans les écoles, j’ai envie de leur dire de faire un métier utile, d’aller travailler la terre, parce qu’il n’y a rien de plus gratifiant ! », on comprend tout l’amour qu’elle y a mis, dans ce roman. Et l’amour de la terre, on le ressent à travers Louise, que la vue d’un bon crottin et de quelques épluchures ravit parce qu’ils nourriront son jardin, qui chérit les simples parce qu’elles protègent ses légumes.

Le roman s’intègre dans une trilogie, Les Filles du siècle, qui met en scène de jeunes adolescentes de 13 ans, fin du XIXe début du XXe. Chaque roman, à sa façon, dépeint les conditions de vie de ces jeunes filles, issues de milieux bien différents (des bourgeoises forcées au mariage aux gamines des rues en passant par les travailleuses silencieuses). Si le style reste agréable, il ne s’adapte pas moins au parler de l’époque, qui donne un aspect franchouillard sympathique aux personnages (et je dis ça sans mauvaise pensée, au contraire). On n’en est pas au féminisme échevelé, au poing brandi et aux seins nus, mais à des voix adolescentes qui cherchent leur chemin, questionnent leurs contemporains, leurs mœurs et surtout, décident de leur avenir.

Bref, c’est une chouette lecture parce qu’on y lit la passion, la détermination, les projets, l’espoir. Et c’est ce que j’aimerais transmettre à la nouvelle génération.

Pour info :
éditions L’École des loisirs, collection Médium, 219 pages, 15€