Ami du jour, bonjour !
Tu l’as vu passer partout à sa sortie en France chez De Saxus, moi aussi. Mais gros engouement. Mais De Saxus. Donc, j’ai décidé de ne pas m’en préoccuper. Et puis la vie. Et puis mes crédits audio (ça ne mange pas de pain, ça ne mange pas de temps). Et PAF, je découvre T. J. Klune.
Sarakontkoi ?
Linus Baker est l’archétype du gars sans histoire(s). Quarantenaire bedonnant dont la seule aventure est de rouspéter sur son chat qui chasse les écureuils de sa commère de voisine, il travaille pour le Ministère de la Jeunesse Magique. Ainsi, il se rend dans les orphelinats qui hébergent des jeunes aux dons particuliers, souvent abandonnés et isolés de la société, afin de rendre des rapports sur le fonctionnement desdits orphelinats. Lorsque les Cadres Extrêmement Supérieurs le choisissent pour une mission toute particulière, Linus ignore que sa vie est sur le point de basculer…
Tenpenskoi ?
Tu vas finir par te rendre compte que j’ai énormément de préjugés sur les livres que je croise en fonction de ce que j’en entends, ou de leur éditeur, et j’en passe. Celui-ci m’avait été décrit par la blogosphère comme un roman doudou tranche de vie (tout ce que j’adore, lol, sarcasme, smiley qui vomit). Mais dernièrement, il a fait son retour dans mon rayon, et je le vois moins passer ; par conséquent, ayant un crédit audio à perdre, je me suis dit « allez ma fille, pourquoi pas ».
Et puis voilà quoi (le truc qui ne veut strictement rien dire). Qu’est-ce que j’en ai à faire, moi, trentenaire rêveuse, d’un vieux garçon gay à l’estomac prononcé et sans aucune fantasy ? C’est là toute la magie de T. J. Klune : il m’a convaincue. Convaincue de l’universalité de son propos, de sa bienveillance envers ses personnages. Il m’a presque convaincue que le monde n’était pas totalement perdu, tant qu’il abritait des personnes comme Linus, ou encore comme Arthur Parnassus. Tant qu’il y aura des enfants qui rêvent sans peur. Tant qu’il y aura des désirs simples. Chacun des six gamins qui habitent l’orphelinat est unique, désireux d’être aimé, accepté. Victimes d’une réputation qui les précède, de la peur des autres, ils ne cessent pourtant de se projeter dans ce monde qui ne semble pas vouloir d’eux.
Si j’avais eu le bouquin sous la main, j’aurais corné tellement de pages, souligné tellement de passages… C’est un roman à la fois léger et violent, lent et brusque, un vent marin qui envahit tes poumons. Il est aussi doux qu’un après-midi de printemps sous un cerisier en fleurs, aussi amer qu’un pamplemousse sans sucre. Franchement, j’ignore s’il aurait eu autant d’impact sans le style de son auteur. Beaucoup d’humour, de sarcasme, d’ironie, un sens certain de la formulation, de la digression. Il a fait crier les non-dits, chanter les secrets. Il a déposé comme une caresse sa main caleuse sur notre épaule de lecteur en nous disant : « vas-y, kiffe, c’est pour moi. » Grand prince.
Pour info :
éditions De Saxus, trad. de Cécile Tasson, 473 pages, 18.90€

