Publié dans BD, Bouquinade

Blanc autour (Wilfrid Lupano / Stéphane Fert)

Ami du jour, bonjour !

Pour ne pas changer aujourd’hui, on reste dans le graphique — beaucoup plus rapide à lire, surtout quand, comme moi, on lit 4 romans en même temps, et qu’on met 3 plombes à tout terminer. C’est une bande-dessinée que j’ai beaucoup vu passer sur les réseaux, j’en ai beaucoup entendu parler avant sa sortie, et surtout, le sujet m’intéressait. Ami, aujourd’hui, je te parle de Blanc autour.

Sarakontkoi ?
Blanc autour relate l’histoire vraie d’une jeune institutrice, Prudence Crandall, qui, en 1832 (soit un demi-siècle avant l’abolition de l’esclavage), a décidé de fermer son école aux jeunes filles blanches de bonne famille pour ne l’ouvrir qu’aux jeunes filles noires. Dans cette petite ville du Connecticut, on en voit pas ce projet d’un bon œil. Les riches influents font voter des lois plus racistes les unes que les autres, tandis que les pauvres hères utilisent l’intimidation par la force. Mais la graine abolitionniste est plantée…

Tenpenskoi ?
J’ai réagi à chaud sur Instagram en refermant le livre. Comme je l’ai expliqué alors, le racisme (comme toute autre forme d’intolérance) m’horripile. Pire : je ne le comprends pas. La haine et la peur que suscite ce qui est différent de nous me plonge dans une profonde colère. Alors la moindre lecture, le moindre film ou reportage m’est quasiment insupportable. Parfois, quand il le faut, il le faut, alors j’ai donné sa chance à Blanc autour.

Comme je l’ai dit, c’est le genre de lecture nécessaire, pour comprendre les combats, pour adoucir les peurs, pour tenter de parler le même langage. L’histoire de cette femme courageuse, qui a subi les violences, qui a tenté d’agir, est inspirante. L’histoire de ces jeunes filles qui se sont dressées contre les barrières que l’on dressait sur leur route… bref, rien à dire sur le fond. L’histoire est portée par la douceur et la rondeur du dessin de Stéphane Fert, qui contraste avec la monstruosité de ses personnages. La mise en couleur, qui fait parfois disparaître les différences de couleur par jeu d’ombres, est d’une subtile intelligence.

Mais tu l’auras compris, il y a un « mais ». J’ai trouvé la bande-dessinée trop introductive, parfois fainéante dans le dérouler du scénario. Je ne doute pas qu’elle a été pensée de cette manière. Mais les personnages ne sont que des fonctions, on ignore leur passé, leur fond. Certains se contentent d’incarner des idées, celles du prédicateur Nat Turner, celle du pouvoir intérieur des femmes (qui vient se mêler et parfois emmêler le propos principal). J’en aurais voulu plus. Plus de profondeur et d’humanité. Même le scénario saute du coq à l’âne sans réelle transition, passant de point clef en point clef de l’histoire de cette école hors du commun. On ne nous présente clairement les jeunes femmes qu’en fin de livre, dans de gros pavés documentaires qui retracent rapidement leur vie. J’aurais préféré une bande-dessinée qui introduit ces éléments dans son texte, quitte à ce qu’elle soit plus longue ; beaucoup de passages sont très contemplatifs et auraient aisément pu être remplacés par des éléments concrets de contexte. Bref, je suis restée sur ma faim. Mais c’est aussi grâce à ce genre d’ouvrages que des lecteurs creusent le sujet, en faisant des recherches, en lisant d’autres textes. Un ouvrage introductif donc, comme je le disais plus tôt, à la cause abolitionniste. À toi, lecteur, de faire ton propre chemin suite à cette lecture…

Pour info :
éditions Dargaud, 144 pages, 19,99€

Publié dans BD, Bouquinade

Malgré tout (Jordi Lafebre)

Ami du jour, bonjour !

Il est temps que je te parle de cette lecture graphique, étant donné que je l’ai lu il y a maintenant plusieurs semaines. Je l’avais vue passer sur les réseaux quelques temps avant sa sortie, et déjà, j’étais intriguée. Et puis il est arrivé à la librairie, et là, je suis tombée quasi amoureuse de cette histoire un peu atypique, mais surtout du trait de Jordi Lafebre.

Sarakontkoi ?
Tout commence par la fin. C’est l’histoire d’un amour pas comme les autres, dont la flamme fut timidement et platoniquement entretenue au fil des années, sans rien en attendre. Mais au crépuscule de leur vie, Zeno, l’éternel célibataire, et Ana, femme de caractère, mère et épouse aimante, décident de se donner une chance. C’est ainsi que commence Malgré tout, par une seconde chance. Puis on remonte les années, pour arriver là où tout a commencé.

Tenpenskoi ?
Honnêtement, malgré tous les avis dithyrambiques que j’avais lus et mon excellente première impression, j’avoue avoir hésité à me le prendre. Les romances, je trouve, sont de plus en plus réduites à de simples flirts interdits, et on en oublie les amours légendaires, celles qui brûlent, celles qui chantent. Et les amours simples, celles qui nous accompagnent, nous font du bien. Je n’avais aucune envie de nager dans la guimauve feel good, ni dans d’inextricables culpabilités.

Malgré tout, c’est bien plus que ça. C’est une histoire d’affection, de respect mutuel, de recherche de soi ; il faut, pour lire cette bande-dessinée, comprendre qu’il existe plusieurs sortes d’amour, qu’aucun ne surpasse les autres. Certaines amour nécessitent qu’on soit prêt à les accueillir. Mais comment partir sans blesser ? Comment choisir ? Comment chambouler le connu et plonger dans ce que l’inconnu a de plus beau ?

Vous l’aurez compris, l’histoire en elle-même est adorable, et m’a procuré comme un sentiment de paix. L’originalité de la narration a rebours est géniale. Mais rien n’est aussi merveilleux dans ce bouquin que le dessin de Jordi Lafebre. C’est dire, j’ai failli tomber amoureuse de Zeno ! Lafebre a su réellement donner vie aux visages, il a empli les yeux de douceur, parfois de douleur, d’amour ou de bonheur. Ce n’est pas pour rien que l’image qui circule le plus est celle des retrouvailles de Zeno et Ana (je ne divulgâche rien, c’est dans les premières pages) ! On lit tellement de choses dans ces deux regards (je vous proposerai un petit diaporama en fin de billet). Le trait est si fin… Et ces couleurs ! Toujours justes, toujours douces. Bref, si j’ai aimé l’histoire de Zeno et Ana, plus encore, je suis tombée en pâmoison devant le travail de Jordi Lafebre. À lire absolument !

Pour info :
éditions Dargaud, 160 pages, 22.50€

Publié dans BD, Bouquinade

Thérapie de groupe (Manu Larcenet)

Ami du jour, bonjour !

Causons peu, causons bien, causons BD. Je te l’ai dit, je me suis fait, avant le confinement, une petite razzia du côté de nos amis les livres à phylactères (et si tu vois pas de quoi ça s’agit, je te propose un petit tour par ici). Je vais donc continuer de publier régulièrement sur le sujet. Et celui du jour m’est tombé dans les mains à la suite de de La Grande Librairie consacré à mon héros, Daniel Pennac. Le rapport entre Pennac et la BD (en dehors, merci ceux qui suivent, du petit trésor dont nous avons parlé il y a quelques semaines) ? C’est l’invité de l’émission, Manu Larcenet, qui est venu parler de son travail.

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Sarakontkoi ?
Manu Larcenet aime se mettre en scène dans ses BD. Enfin, lui et sa bipolarité. Ici, tout part d’une interview avec un journaliste à la radio, et de la question qu’il lui pose : quelle est votre prochaine idée ? De là part toute une réflexion, à la limite de la folie, sur l’inspiration, la naissance des idées, et surtout, la poursuite de l’idée du siècle…

Tenpenskoi ?
Bien qu’il m’arrive de ne pas être sensible à l’humour, et en particulier à l’humour noir, en BD, j’avoue que j’ai été captivée par la réflexion. En dehors du traitement complètement loufoque et borderline du sujet, Manu Larcenet nous expose un point crucial : la création demande du travail, des heures de réflexion, de doute, des pages blanches arrachées. Si certains peuvent vous pondre un livre par an, un tableau par jour, une symphonie par semaine, tant mieux pour eux. Mais la majorité de ces génies que l’on acclame s’arrache les cheveux, pleure sur son nouveau document Word intitulé Nouveau document Word, dont la page est aussi vierge qu’une nonne tout juste ordonnée.

Mélangez cet enfer créatif avec les troubles bipolaires dont l’auteur souffrait, et ça donne un sacré bazar ! De délires psychédéliques en désespoir profond, Manu Larcenet nous emporte dans un processus créatif très éloigné des paillettes illusoires du showbiz littéraire, là où le créateur, l’artiste, vend son âme à son œuvre et oscille entre génie et folie. C’est drôle, et c’est vrai. J’ai aimé.

Pour info :
éditions Dargaud, 56 pages, 15€

Publié dans BD, Bouquinade

Un amour exemplaire (Daniel Pennac / Florence Cestac)

Ami du jour, bonjour !

Nouvelle lecture, et une fois n’est pas coutume, il s’agit d’une bande dessinée. Et pas n’importe laquelle ! Un scénario de Pennac (pour lequel vous connaissez mon amour) ! Figurez-vous que je n’aurais jamais su que cette BD existait si la médiathèque de mon quartier — dont je n’ouvre jamais les newsletters, mais là, si — ne m’avait pas envoyé un rappel pour m’inscrire à une rencontre avec — attention — M. Pennac himself ! Peu m’importait la raison pour laquelle il passait dans notre patelin, il était impératif que je participe à cette rencontre. Il s’avère qu’il s’agissait d’un échange avec des collégiens autour de ladite BD et du spectacle qui en a été tiré. Joué par un couple d’acteurs au top, accompagné de Pennac, et Cestac…

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Sarakontkoi ?
Pennac nous raconte l’histoire d’un couple atypique qu’il a connu dans son enfance, un vieux couple sans enfant. L’époux, un aristo déshérité amoureux des livres, a tout abandonné pour la couturière qui confectionnait la robe que sa mère devait porter à son mariage. Ils ont vécu toutes sortes d’aventures avant de faire leur nid dans la maisonnette d’un gardien de domaine. C’est là que le jeune Daniel a fait leur connaissance tout gamin.

Tenpenskoi ?
Sincèrement, j’ai beaucoup de mal à discerner la BD de la pièce, que je suis allée voir du coup. Cette BD est écrite du point de vue d’un enfant, le jeune Daniel Pennac, qui voue un amour inconditionnel à ses voisins, les Bosignac. Entre intrigues de village (est-ce que Bosignac triche aux cartes ?) et histoires extraordinaires (Mme Bosignac enlevée par son père après son mariage et j’en passe), ce livre, plein de tendresse, trace le portrait du bonheur. Pas le tout beau, pas le parfait, mais le vrai.

Et comme d’habitude, quand c’est Pennac qui raconte, dans la BD comme sur scène, c’est doux, c’est frais, et ça donne à réfléchir. Le spectacle se détache de la BD, selon les mots de l’auteur, en ce que le point de vue n’est plus celui du gamin qui vit cette histoire, mais celui des Bosignac, qui regardent avec une tendresse cet enfant s’attacher à eux, eux qui n’ont pas pu donner la vie. C’est un mélange de scènes entrecoupées de narration, relevées par le dessin, en direct s’il vous plaît (à la manière d’une lecture dessinée pour ceux qui connaissent) de Florence Cestac. Et en cela, les deux œuvres sont complémentaires. Du coup, lisez la BD, parce que c’est drôle, touchant et très vrai. Et puis, si d’aventure il passait par chez vous, allez voir le spectacle, parce qu’il vaut le détour !

Pour info :
éditions Dargaud, 64 pages, 15€