Publié dans Bouquinade, Roman, Roman historique

Blackwater T1 à 6 (Michael McDowell)

Ami du jour, bonjour !

Quand Monsieur Toussaint Louverture sort un bouquin, je suis là. Mais quand ils sortent une série, format feuilleton, dans des écrins soignés, forcément, je saute dessus, et je fais aveuglément confiance… quitte à entraîner dans ma chute les collègues (oui oui, ils l’ont tous lu) et la famille !

Sarakontkoi ?
Perdido, Alabama, avril 1919. Les rivières Perdido et Blackwater ont submergé le village. Alors qu’Oscar Caskey fait un tour de reconnaissance en barque, il aperçoit dans l’hôtel de la ville une jeune femme seule, bloquée dans sa chambre par la montée des eaux. C’est ainsi qu’Elinor Damert fait irruption dans la vie du clan Caskey, qu’elle va totalement bouleverser… au désespoir de la matriarche, Mary Love Caskey.

Tenpenskoi ?
En voilà un texte magique comme on en fait peu ! Ce n’est pas le meilleur texte jamais écrit, mais il exerce sur ses lecteurs une sorte de fascination. On traverse la première moitié du XXe siècle auprès du clan Caskey, de l’étrange Elinor (best personnage ever !) au fil des guerres, des crises, des années d’abondance. Le clan est en perpétuelle évolution, de nouveaux personnages arrivent, d’autres partent. Ils sont un microcosme qu’on aime étudier. La saga (parce que pour une fois, il s’agit d’une saga) est ponctuée de touches de fantastique qu’on ne parvient jamais vraiment à expliquer, mais qui entourent chacun des tomes d’une sorte d’aura de mystère.

Le style est d’une fluidité telle qu’on ne voit passer ni les années, ni les tomes. Si tu cherches un peu d’action, passe ton chemin. Mais si tu veux voir des personnages évoluer, s’épanouir ou pourrir ; si tu aimes les histoires dans l’Histoire ; si toi aussi tu veux traverser ces 50 ans les pieds dans la boue rouge de la Perdido, alors n’attends plus. Et quel travail sur les livres ! Sur les couvertures, l’embossage, le fer à dorer, tout est parfait. Pedro Oyarbide fait un travail formidable d’illustration, et si vous observez de près ces petits chefs-d’œuvre, vous y verrez tout le romans déroulé en quelques gravures. Prodigieux !

Bref, c’est beau, c’est bon, quoi dire de plus que : si vous n’avez pas encore testé, qu’attendez-vous pour plonger dans les eaux rouges de la Perdido ?

Pour info :
éditions Monsieur Toussaint Louverture, traduit de l’anglais par Yoko Lacour et Hélène Charrier
T1 : La Crue, 256 pages, 8.40€
T2 : La Digue, 244 pages, 8.40€
T3 : La Maison, 240 pages, 8.40€
T4 : La Guerre, 255 pages, 8.40€
T5 : La Fortune, 255 pages, 8.40€
T6 : La Pluie, 255 pages, 8.40€

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Un chant de Noël : Une histoire de fantômes (J.-L. Munuera)

Ami du jour, bonjour !

Fait assez rare, je vais te parler bande-dessinée (j’en lis définitivement trop peu). Je continue ma découverte d’un scénariste/illustrateur que j’ai découvert grâce à mon collègue, et dont j’ai immédiatement adoré le style et la plume (tu le sais si tu as jeté un œil à ma chronique sur Les Campbell).

Sarakontkoi ?
Le conte, tu le connais déjà : un vieil homme acariâtre et avare reçoit, la veille de Noël, la visite de trois esprits (passé, présent et futur), qui lui montrent qu’il doit changer s’il ne veut pas finir sa vie seul. Ici, c’est la même, sauf que Scrooge est une femme, et qu’elle apprend une leçon… disons… différente.

Tenpenskoi ?
Premier constat : c’est beau. Je pourrais me perdre dans la fluidité visuelle de Munuera pendant des heures ! Le gars a bossé pour des studios d’animation (coucou Eldorado) et ça se sent. En tant que lectrice de BD néophyte, je reçois son dessin en pleine face, et je sais que, malgré le travail, ça paraît facile ; c’est le signe du vrai talent. Les couleurs, la création des personnages, les rues de Londres, tout est superbe.

S’agissant du propos, la première chose qui saute aux yeux, c’est « ah, une femme ». Parce que remplacer la moitié des personnages masculins par leur penchant féminin semble être à la mode (hello le MCU), je me suis dit « encore du femwashing« . Que dalle. Le mec a tout compris. Compris que ce qu’une femme veut voir dans les médias, ce ne sont pas d’autres gonzesses méga fortes, mais d’autres nanas qui galèrent, qui ne comprennent pas ce que la société attend d’elles et qui décident de tracer leur propre chemin. Alors oui, ça fait pas très joli, ça demande de sacrifier l’estime de ses pairs, ces même pairs qui créent des règles sans vous en donner les clefs. Scrooge se bat avec ses armes, retourne contre Dieu son appel à la pitié, rendant sa responsabilité à chacun. Et c’est dans un dernier désir de défendre ses idéaux qu’elle décide d’agir. Pas par peur de la solitude ou de Dieu, mais par défiance, et par conviction. Une très belle réécriture du roman de Dickens, que je conseille à chacun.

Pour info :
éditions Dargaud, 80 pages, 17€

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L’Appel de la forêt (Jack London)

Ami du jour, bonjour !

Il y a quelques temps, nous sommes allés au cinéma, Chéri, mes parents et moi, pour se mater L’Appel de la forêt. J’étais pas franchement chaude parce que Jack London me fait un peu peur, je pensais que ça serait contemplatif… Mais l’amour de maman pour Harrison Ford l’a emporté. Ce que Mère veut… Et j’ai adoré le film en fait ! À tel point que je voulais presque adopter un chien, alors que je déteste les chiens ! Du coup, vu la taille du bouquin, je me suis dit « qu’à cela ne tienne, je vais me l’écouter, c’est pas bien long » (merci Audible).

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Sarakontkoi ?
Buck est un chien de salon. Bien charpenté, aimé de ses maîtres, fier de sa position… or, dans le grand Nord, les chercheurs d’or paieraient cher pour un chien comme lui, assez fort pour tirer les lourds traîneaux dans la neige. Il se fait kidnapper (ou dognapper ?) et est embarqué malgré lui dans la plus grande aventure de sa vie ; de travail rude en maître violent, en passant par de paisibles marchands, Buck apprendra à renouer avec ses racines, avec son instinct, et entendra un appel qui vient du plus profond de lui. L’appel de la forêt.

Tenpenskoi ?
Je ne sais pas si avoir vu les images magnifiques du film y a fait (c’est probablement le cas), mais ce livre m’a fait l’effet un courant d’air revigorant. Je vous le disais dans un de mes derniers billets, en ce moment, j’aime ce qui me parle de grands espaces, de nature, d’instinct. Et là, on est pile poil dedans. London adopte le point de vue d’un animal, qui pense, réagit. Qui observe. On est sans arrêt en mouvement avec Buck, tantôt sur les routes enneigées du courrier, tantôt dans les forêts des cimes. Bref, on ne s’ennuie pas. J’ai d’ailleurs suggéré ce livre à un jeune collégien qui l’avait sur la liste que lui avait donnée sa prof. Lui qui n’aimait pas lire, il s’est laissé emporter, c’est dire !

L’édition que j’ai prise (la version audio d’Audible, qui proposait gratuitement des classiques sur une courte période) comporte également un épilogue de London, expliquant sa démarche. Il s’y défend face au président Roosevelt et John Burroughs, naturaliste de son état, qui l’accusent d’être un « maquilleur de la nature » prêtant aux animaux un instinct mais surtout une intelligence que Rossevelt et Burroughs nient. Toute sa réflexion sur le fait que les animaux raisonnent est extrêmement intéressante. C’est ce genre de considération, parmi beaucoup d’autres, qui a probablement mené à l’évolution du statut juridique, inscrit au Code Civil, que nous accordons depuis le 17 février 2015 à nos compagnons : l’animal est officiellement reconnu comme « un être vivant doué de sensibilité » et non plus comme un « bien meuble ». Du coup, quand on comprend la portée du roman, on y voit autre chose, et je pense le relire un jour avec le filtre de cette réflexion en tête. Bref, à lire, à relire, c’est court, c’est génial, ça cause de nos compagnons à poils… et allez voir le film, il vaut le coup !

Pour info :
Le livre de poche jeunesse, 192 pages, 4,95€

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Jane Eyre (Charlotte Brontë)

Ami du jour, bonjour !

Le froid commence à tomber sur nos plaines auvergnates, la bruine du matin se dépose sur nos joues fraîches et j’hésite à sortir mes moufles… pas pratique pour lire en marchant. Je me vois déjà, handicapée par cet énorme mono-doigt, essayant laborieusement de tourner les pages de mon livre. Nan, je vais opter pour mes mitoufles.

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Sarakontkoi ?
Peut-être que tu es passé(e) à côté des (télé)films, des adaptations, des retraductions de ce chef-d’œuvre de la littérature anglaise. Si c’est le cas, je te la fais courte : Jane Eyre est une jeune orpheline élevée par sa tante, qui la hait. De fait, elle finit par envoyer sa nièce d’une dizaine d’années dans un orphelinat-pensionnat. Elle y étudie puis y enseigne, jusqu’au jour où elle se trouve une place de préceptrice à Thornfield. Son élève, Adèle, est la jeune pupille du maître des lieux, M. Rochester. Jane dépasse bien vite la rudesse du personnage pour trouver en lui un esprit vif et intelligent. Mais Rochester semble cacher quelque lourd secret derrière les murs épais de Thornfield.

Tenpenskoi ?
À l’origine de mon envie de lire ce bouquin, il y a mon amie Aurélia. C’est elle qui m’a donné son exemplaire en anglais du chef-d’œuvre de Charlotte Brontë. J’avais fait connaissance avec la famille Brontë lors de ma lecture de Les Hauts de Hurlevent (écrit par sa sœur Emily). Si le premier avait suscité en moi des émotions très fortes, celui-ci a été plus clément pour mon petit cœur. Je n’ai pas été moins touchée, je n’ai pas moins aimé. Mais Charlotte a écrit un roman sans aucun doute plus optimiste que celui de sa sœur.

Jane est un personnage qu’on ne peut s’empêcher d’admirer. Elle est imparfaite, impulsive. Et si elle est chétive et qu’elle se décrit comme laide, elle n’en est pas moins un personnage très fort. Je regardais la vidéo de Lemon June, et je lui donne raison : Jane est une vraie féministe, même si elle ne le revendique pas. À aucun moment, je n’ai ressenti ce « je suis une femme, je défends mes droits ». Mais elle agit selon sa conscience, acceptant ou refusant des avances, le mariage, une condition. Elle n’est jamais une femme seule. Elle est toujours simplement un être humain qui cherche sa voie. On peut lui rappeler son sexe et sa condition, elle ne s’arrête jamais à ces discours.

Ce que j’aime également, c’est que si physiquement, elle n’est pas belle, les descriptions de son esprit vif, l’amour et l’affection qu’elle fait naître chez les autres, la rendent désirable aux yeux du lecteur.

Bref, merci Aurélia d’avoir mis ce livre entre mes mains. Merci Lemon de m’avoir donné la pichenette qu’il me fallait pour me plonger dans cette lecture.

Pour info (et parmi tant d’autres éditions) :
éditions Folio, collection Folio Classique, 848 pages, 6€

 

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L’Assommoir (Émile Zola)

Ami du jour, bonjour !

Si tu me connais un peu, tu sais que moi, la littérature classique, ce n’est vraiment pas ma tasse de thé. Tu sais aussi que j’expérimente quelques lectures, de ci, de là, en commençant par les classiques anglais, qui ont un côté plus… romanesque. Jane Austen, les sœurs Bontë, Oscar Wilde (bon, qui est irlandais en vrai).

Mais pour tenter de nouvelles expériences, rien de tel qu’un passionné qui vous propose de vous accompagner dans votre découverte. Cette Youtubeuse aux citrons, vous la connaissez, alors, bon j’arrête de vous la présenter. Ou de parler d’elle. Mais ça va être compliqué. Lemon June a donc lancé le #challengezozo. Moi, je lis déjà 1 million de livres en même temps. Mais plutôt que de travailler avec Youtube dans les oreilles, bah, j’ai opté pour un livre audio. Et, franchement… c’est le pied !

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Sarakontkoi ?
Paris, fin XIXe. Gervaise Macquart est une toute jeune femme. Elle a déjà deux enfants d’un dénommé Auguste Lantier qui la quitte du jour au lendemain, la laissant seule à Paris avec les deux marmots. Gervaise finit par céder aux avances de Coupeau, jeune zingueur, et l’épouse. Mais suite à un accident, leur vie bascule. Gervaise subvient seule aux besoins du ménage, essuyant les humiliations, les coups durs, la violence, les ravages de l’alcool. Jusqu’à l’issue fatale à laquelle, d’après Zola, sa condition la destinait.

Tenpenskoi ?
Ouah, je l’ai fait ! Et je suis trop fière ! Il faut être averti : Zola, c’est pas de la tarte. Et je l’ai dit plusieurs fois au cours de ma « lecture », je ne sais pas si j’aurais pu le lire. L’écouter, c’est différent. Zola construit ses romans d’un millier de petits détails, ce qui fait que le livre, très dense, est en fait constitué d’une quizaine de scènes majeures décrites à outrance, replacées dans un contexte soigneusement dépeint. Zola se revendique naturaliste.

Pour bien comprendre la portée de L’Assommoir, il faut comprendre le mouvement naturaliste. En effet, Zola fut de ceux qui ont voulu pousser plus loin le réalisme en lui appliquant la méthode expérimentale des sciences humaines : observer l’évolution d’un sujet mis dans une situation donnée par l’auteur. L’auteur se fait alors « scientifique », observateur. Par exemple : l’auteur prend un sujet (l’alcoolisme), émet une hypothèse (l’alcoolisme est héréditaire et/ou dû au milieu social) et place ses personnages dans cette condition.

Et c’est exactement ce que fait Zola. Bien que je ne partage pas totalement son point de vue sur l’influence de l’hérédité et du milieu sur la misère et l’alcoolisme, je ne peux que saluer son travail. Il n’épargne rien à ses personnages : la violence, la misère, la faim, la honte. Tout est cru, réel, sans filtre. Et comme dans la vie, ça ne finit pas forcément bien. Ce qui m’a choquée, c’est l’opposition entre les messages (trop) positifs du self-made man qu’on nous sert aujourd’hui, et celle, fataliste, que nous sert Zola. Pour moi, le tout-beau-et-mielleux, c’est un peu too much. Mais dire qu’on ne peut pas se battre contre son milieu, je tique aussi.

Ceci dit, pour conclure, j’ai été bouleversée par ce bouquin, qui me donnait pourtant envie de ronfler. Et si, comme moi, vous avez peur (n’est-ce pas maman), écoutez-le ! En cuisinant, en faisant les papiers… et vous découvrirez un autre monde. Merci Lemon, merci à tous les participants, et à ceux qui prendront le train en route, de partager cette aventure 🙂

Pour info :
Le livre de poche, Les Classiques de Poche, 566 pages, 4€