Publié dans BD, Bouquinade

Les Vermeilles (Camille Jourdy)

Ami du jour, bonjour !

Voilà un article inattendu qui vient se glisser entre… entre rien du tout, comment te dire que comme je ne finis aucun bouquin en ce moment (ou que je traîne à le faire) bah a p’us billets ! Mais un billet surprise parce que ce livre m’a sauté dans les mains avec l’aide de ma collègue du rayon BD. Lecture imprévue donc, mais lecture fort sympathique.

Sarakontkoi ?
Jo n’a aucune envie de passer un bon moment en forêt avec son père, sa nouvelle femme et ses filles. Personne ne la regrettera de toute façon. Alors elle s’éloigne et croise de drôles de petits personnages qui la conduiront à un village bien étrange. Là, elle rencontre Nouk, l’enfant chat, Maurice et Véro, les renards, et bien d’autres. Tous sont en route pour aller délivrer leurs amis du terrible empereur chat, dont on fête justement l’anniversaire. Ni une ni deux, Jo décide de leur prêter main forte…

Tenpenskoi ?
Tu trouves que mon résumé est un peu tiré par les cheveux ? C’est normal. Si tu as lu Alice au pays des merveilles, tu comprendras de quoi je parle. On est d’ailleurs clairement sur une sorte d’hommage à l’œuvre de Caroll, (on parle du pays des Vermeilles, de petits poneys colorés qui le peuplent) dont l’absurde aurait été relevé d’une pointe de ridicule totalement assumé. C’est ce qui a rendu ma lecture si agréable. J’ai gloussé à plusieurs reprises, et sans dire que toute cette histoire a beaucoup de sens, ni qu’il s’agit d’une épopée à couper le souffle, la curiosité nous pousse à continuer.

La bande-dessinée a reçu en en 2020 le prix Jeunesse du Festival International de la BD d’Angoulême. Malgré tout, c’est une œuvre riche qui se lit sur plusieurs niveaux. Un enfant de 8 ans peut y voir une super aventure avec des créatures magiques quand ses parents sentiront le cynisme amoureux de vieilles sorcières, l’orgueil mal placé d’un souverain en carton et la timidité maladive d’un renard amoureux. Le tout sous l’œil d’une gamine qui n’a pas froid aux yeux, et qui voit, souvent mieux que ses compagnons, ce qui est important.

Le dessin est tout doux, une belle aquarelle aux couleurs pastelles, en rondeur, pas chiadé pour deux sous. Si tu veux voir du Botticelli, c’est clairement pas ici. Mais c’est simple et efficace, comme un bon oreiller de barbe-à-papa dans lequel tu adorerais te vautrer (si c’était pas si collant ce truc). Je te mets une ou deux images pour que tu te fasses ton idée. Bref, un bon moment de lecture, absurde et drôle, complètement décalé et plus savoureux que son homologue « carollien« . Pour tous les âges.

Pour info :
éditions Actes Sud, 155 pages, 21.50€

Publié dans BD, Bouquinade

Blanc autour (Wilfrid Lupano / Stéphane Fert)

Ami du jour, bonjour !

Pour ne pas changer aujourd’hui, on reste dans le graphique — beaucoup plus rapide à lire, surtout quand, comme moi, on lit 4 romans en même temps, et qu’on met 3 plombes à tout terminer. C’est une bande-dessinée que j’ai beaucoup vu passer sur les réseaux, j’en ai beaucoup entendu parler avant sa sortie, et surtout, le sujet m’intéressait. Ami, aujourd’hui, je te parle de Blanc autour.

Sarakontkoi ?
Blanc autour relate l’histoire vraie d’une jeune institutrice, Prudence Crandall, qui, en 1832 (soit un demi-siècle avant l’abolition de l’esclavage), a décidé de fermer son école aux jeunes filles blanches de bonne famille pour ne l’ouvrir qu’aux jeunes filles noires. Dans cette petite ville du Connecticut, on en voit pas ce projet d’un bon œil. Les riches influents font voter des lois plus racistes les unes que les autres, tandis que les pauvres hères utilisent l’intimidation par la force. Mais la graine abolitionniste est plantée…

Tenpenskoi ?
J’ai réagi à chaud sur Instagram en refermant le livre. Comme je l’ai expliqué alors, le racisme (comme toute autre forme d’intolérance) m’horripile. Pire : je ne le comprends pas. La haine et la peur que suscite ce qui est différent de nous me plonge dans une profonde colère. Alors la moindre lecture, le moindre film ou reportage m’est quasiment insupportable. Parfois, quand il le faut, il le faut, alors j’ai donné sa chance à Blanc autour.

Comme je l’ai dit, c’est le genre de lecture nécessaire, pour comprendre les combats, pour adoucir les peurs, pour tenter de parler le même langage. L’histoire de cette femme courageuse, qui a subi les violences, qui a tenté d’agir, est inspirante. L’histoire de ces jeunes filles qui se sont dressées contre les barrières que l’on dressait sur leur route… bref, rien à dire sur le fond. L’histoire est portée par la douceur et la rondeur du dessin de Stéphane Fert, qui contraste avec la monstruosité de ses personnages. La mise en couleur, qui fait parfois disparaître les différences de couleur par jeu d’ombres, est d’une subtile intelligence.

Mais tu l’auras compris, il y a un « mais ». J’ai trouvé la bande-dessinée trop introductive, parfois fainéante dans le dérouler du scénario. Je ne doute pas qu’elle a été pensée de cette manière. Mais les personnages ne sont que des fonctions, on ignore leur passé, leur fond. Certains se contentent d’incarner des idées, celles du prédicateur Nat Turner, celle du pouvoir intérieur des femmes (qui vient se mêler et parfois emmêler le propos principal). J’en aurais voulu plus. Plus de profondeur et d’humanité. Même le scénario saute du coq à l’âne sans réelle transition, passant de point clef en point clef de l’histoire de cette école hors du commun. On ne nous présente clairement les jeunes femmes qu’en fin de livre, dans de gros pavés documentaires qui retracent rapidement leur vie. J’aurais préféré une bande-dessinée qui introduit ces éléments dans son texte, quitte à ce qu’elle soit plus longue ; beaucoup de passages sont très contemplatifs et auraient aisément pu être remplacés par des éléments concrets de contexte. Bref, je suis restée sur ma faim. Mais c’est aussi grâce à ce genre d’ouvrages que des lecteurs creusent le sujet, en faisant des recherches, en lisant d’autres textes. Un ouvrage introductif donc, comme je le disais plus tôt, à la cause abolitionniste. À toi, lecteur, de faire ton propre chemin suite à cette lecture…

Pour info :
éditions Dargaud, 144 pages, 19,99€

Publié dans BD, Bouquinade

Malgré tout (Jordi Lafebre)

Ami du jour, bonjour !

Il est temps que je te parle de cette lecture graphique, étant donné que je l’ai lu il y a maintenant plusieurs semaines. Je l’avais vue passer sur les réseaux quelques temps avant sa sortie, et déjà, j’étais intriguée. Et puis il est arrivé à la librairie, et là, je suis tombée quasi amoureuse de cette histoire un peu atypique, mais surtout du trait de Jordi Lafebre.

Sarakontkoi ?
Tout commence par la fin. C’est l’histoire d’un amour pas comme les autres, dont la flamme fut timidement et platoniquement entretenue au fil des années, sans rien en attendre. Mais au crépuscule de leur vie, Zeno, l’éternel célibataire, et Ana, femme de caractère, mère et épouse aimante, décident de se donner une chance. C’est ainsi que commence Malgré tout, par une seconde chance. Puis on remonte les années, pour arriver là où tout a commencé.

Tenpenskoi ?
Honnêtement, malgré tous les avis dithyrambiques que j’avais lus et mon excellente première impression, j’avoue avoir hésité à me le prendre. Les romances, je trouve, sont de plus en plus réduites à de simples flirts interdits, et on en oublie les amours légendaires, celles qui brûlent, celles qui chantent. Et les amours simples, celles qui nous accompagnent, nous font du bien. Je n’avais aucune envie de nager dans la guimauve feel good, ni dans d’inextricables culpabilités.

Malgré tout, c’est bien plus que ça. C’est une histoire d’affection, de respect mutuel, de recherche de soi ; il faut, pour lire cette bande-dessinée, comprendre qu’il existe plusieurs sortes d’amour, qu’aucun ne surpasse les autres. Certaines amour nécessitent qu’on soit prêt à les accueillir. Mais comment partir sans blesser ? Comment choisir ? Comment chambouler le connu et plonger dans ce que l’inconnu a de plus beau ?

Vous l’aurez compris, l’histoire en elle-même est adorable, et m’a procuré comme un sentiment de paix. L’originalité de la narration a rebours est géniale. Mais rien n’est aussi merveilleux dans ce bouquin que le dessin de Jordi Lafebre. C’est dire, j’ai failli tomber amoureuse de Zeno ! Lafebre a su réellement donner vie aux visages, il a empli les yeux de douceur, parfois de douleur, d’amour ou de bonheur. Ce n’est pas pour rien que l’image qui circule le plus est celle des retrouvailles de Zeno et Ana (je ne divulgâche rien, c’est dans les premières pages) ! On lit tellement de choses dans ces deux regards (je vous proposerai un petit diaporama en fin de billet). Le trait est si fin… Et ces couleurs ! Toujours justes, toujours douces. Bref, si j’ai aimé l’histoire de Zeno et Ana, plus encore, je suis tombée en pâmoison devant le travail de Jordi Lafebre. À lire absolument !

Pour info :
éditions Dargaud, 160 pages, 22.50€