Ami du jour, bonjour !
Septembre approche, et avec lui, la rentrée. Et qui dit rentrée dit rentrée littéraire, événement sur lequel je me penche assez rarement (pour ne pas dire jamais en fait). Mais là, j’ai intégré un groupe de férus de littérature américaine, le Picabo River Book Club, qui permet aux lecteurs, entre autres et en plus d’échanger autour de leurs lectures, de recevoir des services de presse via ses partenariats avec les éditeurs. C’est un gros boulot pour Léa, qui a créé et gère le club, mais c’est beaucoup de bonheur et de partage pour nous !
J’ai eu la chance d’être sélectionnée pour la lecture de Ici n’est plus ici, de Tommy Orange. Pas du tout le genre de livres sur lequel je me serais arrêtée. Et pourtant…

Sarakontkoi ?
C’est une histoire faite d’histoires. C’est l’histoire de ceux qui sont sans être. D’une culture qui traverse les siècles, l’oubli, la mort. D’une étincelle. D’une perdition. De ceux qu’on a réduits au silence, qui ne savent plus qui ils sont. Et comme un chant qui résonne au rythme des tam-tams. Des histoires qui s’entremêlent, comme des cheveux épars tressés pour se renforcer. C’est l’histoire de ces natifs qui doivent survivre sans bien se connaître ni comprendre où est leur place, ceux qui n’ont plus d’ici. Qui ont choisi de vivre dans les villes. Pas pour tuer leur culture, mais pour essayer de la reconstruire autrement.
Tenpenskoi ?
En tant que femme blanche dont la culture a été imposée a une bonne partie du monde, il serait bien mal venu de ma part de dire que je comprends de quoi parle Tommy Orange. Il parle de la culture d’un peuple qu’on a tenté d’étouffer. Ce peuple qui n’est à sa place ni en ville où on le rejette, ni dans les réserves où on l’enferme. Ce peuple qui sait qu’il a un héritage à défendre sans parvenir à le comprendre.
Chaque personnage a sa propre histoire, sa façon de la raconter, ce qui se traduit dans le texte par des différences de point de vue attribués à chaque personnage. Tantôt le « tu », tantôt le « je », tantôt le « il ». Tantôt le présent, tantôt le passé. Les personnages se perdent dans les méandres de leur propre vie, d’une sorte de culpabilité qu’ils portent. D’être trop indiens ? De ne l’être pas assez ? La narration est d’une force poignante, de ces récits qui s’insinuent au plus profond de nous, nous parlent sans qu’on parvienne réellement à les cerner. Je referme le livre en me disant : « comment je vais parler de ça ? » Et pourtant, j’ai compris ce que m’a dit Tommy Orange. C’est un livre qui se ressent plus qu’il ne se comprend.
Et comme je ne parviens pas à te le dire avec mes mots, je me suis noté quelques passages qui disent tellement bien ce dont parle ce livre… je t’en propose quelques-uns.
On est nombreux à vivre en ville aujourd’hui. Ce projet est censé nous permettre de raconter cette autre histoire.
Certains d’entre nous ont cette impression chevillée au corps, tout le temps, comme si on avait fait quelque chose de mal. […] On boit parce que l’alcool nous donne l’impression que nous pourrions être nous-mêmes sans avoir peur. […] Il faut apprendre à rester tout en bas. Tout au fond de soi, sans avoir peur.
Tu te souviens qu’il nous disait toujours qu’on était indiens mais nous, on le croyait pas ? Comme si on attendait qu’il nous donne des preuves. […] Papa ne nous a jamais rien transmis de notre identité indienne.
Le mot « triomphe » a bipé dans ta tête. […] Voilà ce que ça représentait, pour toi, d’avoir réussi à traverser ces centaines d’années américaines, d’avoir chanté tout du long.
Pour info :
éditions Albin Michel, collection Terres d’Amérique, 352 pages, 21,90€
