Publié dans Bouquinade, Roman

Plus drôle que toi (Rebecca Elliott)

Ami du jour, bonjour !

Allez, on part pour une lecture qui n’était pas au programme, mais comme je reçois deux-trois petites choses de chez Gallimard Jeunesse, faut bien que je voie ce que ça donne. Cet éditeur restera celui de mon cœur, que je défendrai bec et ongles quoi qu’il arrive, celui d’Harry Potter, de Timothée de Fombelle, de Roald Dahl et de Motordu… mais parfois, quand même, faut savoir être objectif. Et là…

Sarakontkoi ?
Haylah, 14 ans, est grosse. Et plutôt que de subir les moqueries, elle préfère prendre les devants : elle veut qu’on l’appelle Truie. Et puis, Haylah est une rigolote, elle aime faire rire. Son rêve : faire du stand-up. Alors lorsque Leo Jackson, le beau gosse du lycée, présente un petit numéro devant tous ses camarades, Haylah se dit qu’elle pourrait utiliser ses dons pour souffler quelques bonnes vannes à Leo, mais en secret, genre Cyrano de Bergerac. Mais est-ce vraiment une bonne idée ?

Tenpenskoi ?
Sincèrement, je ne m’attendais pas à grand chose… et je suis quand même déçue. Sans pour autant dire que le livre est mauvais, je l’ai trouvé fade. J’ajouterai même que plusieurs aspects m’ont dérangée dans cette histoire. Pour commencer, une adolescente en surpoids qui veut garder le contrôle de son image et impose à ses camarades de l’affubler d’un sobriquet aussi vulgaire et rabaissant que « Truie« , ça m’a choquée. Même si une partie du roman va explorer le chemin d’Haylah vers l’acceptation d’elle-même, je trouve ça d’une violence incroyable. Et ça m’a complètement sortie de ma lecture.

Ensuite, toute l’intrigue se concentre sur l’humour, et insiste sur le fait que les personnages sont drôles. Pente glissante, balle dans le pied ! Surtout quand on assiste aux performances desdits personnages que, personnellement, je n’ai pas trouvé drôles. Parce que le stand-up, c’est plus que de la réplique qui fait mouche : c’est une prestance, des intonations, des silences… Vouloir retranscrire ça à l’écrit, ça a un effet… forcé. Du coup, on dirait de mauvais comiques au Jamel Comedy Club, le genre qui te mitraille de vannes qu’il veut percutantes mais qui tombent à l’eau.

Et puis les stéréotypes sur les ados. Et puis le style… Bref, j’ai trouvé cette lecture très anecdotique, pas si drôle alors qu’on me survend l’humour, et assez clichée. Franchement, pas nul pour autant, parce que j’étais contente pour Haylah à la toute fin du roman, mais pas bon non plus. Sans grand intérêt donc. Ce qui me fait réfléchir, c’est qu’il s’agit d’une traduction, ce qui veut dire qu’il a fallu acheter les droits de ce roman à l’étranger, ET le faire traduire ce qui, après avoir lu le texte, me paraît être une perte de temps et d’argent. M’enfin, si vraiment tu n’as rien d’autre sous la main et deux heures à tuer, pourquoi pas. Pour ma part, ça part en boîte à lire.

Pour info :
Gallimard Jeunesse (traduit de l’anglais par Faustina Fiore), 400 pages, 17.90€

Publié dans Bouquinade, Roman

Les Petites Reines (Clémentine Beauvais)

Ami du jour, bonjour !

Aujourd’hui, point de mot du jour, mais un roman que j’ai terminé hier soir, et qui m’a beaucoup touchée, dans le sens premier du terme, puisque j’ai été victime des moqueries et des quolibets de mes camarades de classe. Et c’est bien ce dont il va s’agir ici… mais pas que. Allez, tu viens ?

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Sarakontkoi ?
Mireille, 15 ans, est étonnée : voilà 2 ans qu’elle est élue Boudin d’or de son lycée, et cette année, elle n’est que Boudin de bronze ! Parce que oui, son (ex-)meilleur ami d’école a décidé d’organiser un concours sur Facebook afin d’élire les filles les plus moches de son lycée. Intriguée, Mireille mène l’enquête et fait la connaissance des deux jeunes filles qui l’ont détrônée… et entreprend avec elles un voyage à vélo en direction de Paris, pour le moins insolite puisqu’elles vendront, je te le donne en mille : des boudins !

Tenpenskoi ?
Pour le coup, j’ai vraiment besoin d’organiser mes pensées. Je vais te raconter plein de trucs sur moi, entre autres, et quand le sujet me touche aussi personnellement, j’ai du mal à faire preuve d’objectivité.

D’abord, le sujet. La différence, et le harcèlement scolaire qui en découle. Pour se faire accepter des caïds de son lycée, l’ami d’enfance de Mireille n’hésite pas à entrer dans le jeu de la moquerie. Parce que c’est facile. Et parce que si tu n’es pas la copie conforme de ce que les magazines montrent de la norme, alors tu es un outsider. Et tu en prends plein la tronche. Surtout lorsqu’il s’agit de physique. Personnellement, je me souviens très bien de la petite Charlotte Rai (oui, je te cite, Charlotte) qui aimait rire avec ses amis en m’appelant la Grosse alors que d’une, je n’étais pas grosse, et de deux, je ne lui avais jamais rien fait ! Au pire, elle me terrifiait… c’est comme les chiens : quand ça sent la peur, ça mord. Et là, tu te rends compte que ce genre de remarques de merde détermine l’image que tu as de toi. Tu te vois grosse, c’est l’image de toi-même que tu t’imposes. Alors, parfois, tu finis par le devenir. Merci Charlotte. Heureusement qu’aujourd’hui, je peux promener ma cellulite sur la plage, sans en avoir quoi que ce soit à foutre de ce que les Charlotte du monde entier peuvent bien penser de moi. Et tu sais ce qui est pire ? Si un jour je la croise, elle se souviendra peut-être vaguement de moi, mais absolument pas de ce qu’elle m’a fait.

Ca, c’était le premier point. Le second, c’est que personne ne semble vouloir agir. Dans le livre, la principale du lycée a été mise au courant, et n’a pas pu faire arrêter ce concours, ni même sanctionner le jeune homme en question. Peur ? Indifférence ? Faut-il qu’un enfant se sente acculé au point de vouloir en finir pour que ce soit l’affaire de tous ? Et on passe les menaces physiques, les coups que reçoit Mireille lorsqu’elle refuse céder à la terreur. (Coups que j’ai également reçus… bon, en moins grave, je l’avoue).

Le troisième point, c’est que certaines gamines sont reconnaissantes à ce concours de leur avoir ouvert les yeux, et permis de voir qu’elles devaient prendre soin d’elles. Et sur ce point, Clémentine Beauvais a touché dans le mile, en montrant la passivité des victimes, qui pensent que c’est leur faute, qu’elles doivent changer, maigrir, se maquiller, porter des fringues à la mode. Moi, j’aime Mireille. Mireille à qui il aura fallu 3 ans pour dire non au relooking, parce que, merde, elle est ce qu’elle est.

Mireille, en plus de ce petit souci de concours de Boudins, a beaucoup de mal à mettre de l’ordre dans sa vie personnelle. Parce que son père biologique, l’époux de la Présidente de la République qui a fauté avec son élève de fac 15 ans auparavant, ne sait pas qu’elle existe. Elle a beau avoir le meilleur beau-père du monde, elle ne peut pas se faire à l’idée que son père ignore qui elle est. Alors elle décide d’aller à sa rencontre à l’occasion du 14 juillet. Quoi de mieux que de s’incruster à une fête présidentielle pour y taper un scandale ? Et elle embarque avec elle ses co-Boudins, qui deviennent des amies, et le frère de l’une d’entre elles, qui a perdu ses jambes lors d’une mission militaire. Au-delà d’un dépassement de soi, c’est aussi le besoin de pardonner. De se pardonner. De s’accepter, et de voir tout ce que la vie nous offre. En oubliant gens haineux, qui te jugent, peuvent te détruire et t’enchaîner à cette victime que tu n’es pas.

Alors oui, le bouquin est drôle, il est mordant, il est poignant. Mais surtout, il est vrai. Il a serré ma gorge, et le cœur de cette gamine de 12 ans, que j’avais enfermée dans un cocon de peur, et de haine. J’ai aussi une pensée pour ma petite sœur, qui était, et sera toujours, une petite Mireille, qui parle fort, semble n’avoir peur de rien, mais qu’ils sont détruite à l’intérieur. Prenez soin de vous. Faites lire, et lisez, ce bouquin. Offrez-le à votre fille/fils/nièce/neveu. Et dites-leur qu’ils sont beaux. Pas brillants et lisses dans leur tête et dans leur corps, comme les pages d’un magazine. Mais, après tout, qui aime randonner sur les autoroutes ? Moi, je préfère mes montagnes. Ses valées, ses lacs, ses forêts. Soyez une belle balade, pas une autoroute. Merci Clémentine, merci Mireille.

Pour info :
éditions Sarbacane, collection Exprim’, 270 pages, 15,50€