Publié dans Bouquinade, Roman

Ici n’est plus ici (Tommy Orange)

Ami du jour, bonjour !

Septembre approche, et avec lui, la rentrée. Et qui dit rentrée dit rentrée littéraire, événement sur lequel je me penche assez rarement (pour ne pas dire jamais en fait). Mais là, j’ai intégré un groupe de férus de littérature américaine, le Picabo River Book Club, qui permet aux lecteurs, entre autres et en plus d’échanger autour de leurs lectures, de recevoir des services de presse via ses partenariats avec les éditeurs. C’est un gros boulot pour Léa, qui a créé et gère le club, mais c’est beaucoup de bonheur et de partage pour nous !

J’ai eu la chance d’être sélectionnée pour la lecture de Ici n’est plus ici, de Tommy Orange. Pas du tout le genre de livres sur lequel je me serais arrêtée. Et pourtant…

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Sarakontkoi ?
C’est une histoire faite d’histoires. C’est l’histoire de ceux qui sont sans être. D’une culture qui traverse les siècles, l’oubli, la mort. D’une étincelle. D’une perdition. De ceux qu’on a réduits au silence, qui ne savent plus qui ils sont. Et comme un chant qui résonne au rythme des tam-tams. Des histoires qui s’entremêlent, comme des cheveux épars tressés pour se renforcer. C’est l’histoire de ces natifs qui doivent survivre sans bien se connaître ni comprendre où est leur place, ceux qui n’ont plus d’ici. Qui ont choisi de vivre dans les villes. Pas pour tuer leur culture, mais pour essayer de la reconstruire autrement.

Tenpenskoi ?
En tant que femme blanche dont la culture a été imposée a une bonne partie du monde, il serait bien mal venu de ma part de dire que je comprends de quoi parle Tommy Orange. Il parle de la culture d’un peuple qu’on a tenté d’étouffer. Ce peuple qui n’est à sa place ni en ville où on le rejette, ni dans les réserves où on l’enferme. Ce peuple qui sait qu’il a un héritage à défendre sans parvenir à le comprendre.

Chaque personnage a sa propre histoire, sa façon de la raconter, ce qui se traduit dans le texte par des différences de point de vue attribués à chaque personnage. Tantôt le « tu », tantôt le « je », tantôt le « il ». Tantôt le présent, tantôt le passé. Les personnages se perdent dans les méandres de leur propre vie, d’une sorte de culpabilité qu’ils portent. D’être trop indiens ? De ne l’être pas assez ? La narration est d’une force poignante, de ces récits qui s’insinuent au plus profond de nous, nous parlent sans qu’on parvienne réellement à les cerner. Je referme le livre en me disant : « comment je vais parler de ça ? » Et pourtant, j’ai compris ce que m’a dit Tommy Orange. C’est un livre qui se ressent plus qu’il ne se comprend.

Et comme je ne parviens pas à te le dire avec mes mots, je me suis noté quelques passages qui disent tellement bien ce dont parle ce livre… je t’en propose quelques-uns.

On est nombreux à vivre en ville aujourd’hui. Ce projet est censé nous permettre de raconter cette autre histoire.

Certains d’entre nous ont cette impression chevillée au corps, tout le temps, comme si on avait fait quelque chose de mal. […] On boit parce que l’alcool nous donne l’impression que nous pourrions être nous-mêmes sans avoir peur. […] Il faut apprendre à rester tout en bas. Tout au fond de soi, sans avoir peur.

Tu te souviens qu’il nous disait toujours qu’on était indiens mais nous, on le croyait pas ? Comme si on attendait qu’il nous donne des preuves. […] Papa ne nous a jamais rien transmis de notre identité indienne.

Le mot « triomphe » a bipé dans ta tête. […] Voilà ce que ça représentait, pour toi, d’avoir réussi à traverser ces centaines d’années américaines, d’avoir chanté tout du long.
Pour info :
éditions Albin Michel, collection Terres d’Amérique, 352 pages, 21,90€

Publié dans Bouquinade, Roman

My absolute darling (Gabriel Tallent)

Ami du jour, bonjour !

Aujourd’hui, je viens te parler d’une lecture pas facile. Un bouquin que j’ai pas vraiment aimé, mais qui m’a retourné les tripes. Je le reluquais depuis un petit bout de temps, mais j’avais toujours mieux à acheter, et puis lors d’une visite à ma copine Fanny, nous avons profité d’un aprèm flâneries à Limoges pour prendre un café dans une librairie-café. Très sympa comme endroit, mais aussi très sélect. Les livres paraissent choisis avec soin par le libraire. Je me suis donc dit que c’était le moment de plonger… dans une piscine sans eau…

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Sarakontkoi ?
Turtule a 14 ans, et le moins qu’on puisse dire, c’est que son enfance est loin de celles des jeunes de son âge. Élevée par un père abusif et étouffant, elle ne comprend pas le monde qui l’entoure. Elle voue une haine féroce à ceux qui essaient de l’aider, aussi forte que celle qu’elle se voue à elle-même. Jusqu’à ce qu’elle rencontre Jacob et Brett, dont les aventures n’ont de limite que celle de leur imagination nourrie à la fantasy et à la science-fiction. À leur contact, elle risque d’ouvrir les yeux sur sa condition…

Tenpenskoi ?
C’était difficile. Très difficile. Je ne sais même pas par où commencer. L’écriture est décousue, saccadée, elle avance, elle repart en arrière. Les personnages semblent en constant débat avec eux-mêmes, et vous pouvez lire beaucoup de dialogues qui ressemblent à « Bordel, Turtle, bordel. Bordel ». On sent le conflit intérieur, comme un ouragan (merci Stéphanie) qui emporte les pensées des protagonistes et rend le tout très hermétique pour le lecteur. Le malaise.

Je me suis infligé cette lecture comme Turtule s’inflige le comportement abusif de son père. J’ai souffert, j’ai détesté le père, si violent, si manipulateur. J’ai détesté Turtle, parce qu’elle se laissait faire, parce qu’elle avait envers elle et envers les femmes en général des mots très durs et injustes. J’ai détesté les personnages qui gravitent autour de Turtle et de son père, qui essaient d’intervenir, sans jamais vraiment s’impliquer, ou qui choisissent de fermer les yeux.

Mais j’ai adoré la fin, cette espèce d’expiation, de tentative de guérison. Un peu d’espoir, mais pas trop, la fin est ouverte, mais le processus est en route. Dans ce bouquin, on voit le pire des gens, mais aussi le meilleur. Les ressources qu’on a en nous, mais qu’on ne soupçonne pas, à moins d’en avoir un besoin vital.

Bref, j’ai détesté ce livre, j’ai maudit ce livre. Mais quelle lecture !

Pour info :
éditions Gallmeister, 464 pages, 24,40 EUR

Publié dans Bouquinade, Roman, Roman historique

When calls the heart : Canadian West, T1 (Janette Oke)

Ami du jour, bonjour !

Tu vas me dire « mais le titre du bouquin que tu donnes, il est en anglais, il existe pas en français ? » Mais non, je suis désolée. Donc, quel est le but de parler d’un bouquin que tout le monde ne peut pas forcément lire ? En vrai, je cherchais une excuse pour te parler de la série tirée du bouquin, disponible sur Netflix sous le titre Le Cœur a ses raisons (non, pas la parodie des Feux de l’amour, rien à voir…). En gros, je m’en tire comme au bac : le sujet de philo, c’est le temps, j’y connais rien, hop, je te twiste ça pour te parler du désire. Toi, tu n’y verras peut-être que du feu. Le prof de philo m’a collé un 5 (coeff 9, hors sujet).

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Sarakontkoi ?
Début XXe, Toronto, Canada. Elizabeth est institutrice. Issue d’une famille aisée, elle ne manque de rien. Elle partage ses journées entre ses élèves et les événements mondains auxquels elle participe. Est-ce suffisant pour être pleinement heureuse ? Elle décide de saisir une opportunité et part enseigner dans l’Ouest, plus sauvage, dans des classes très hétérogènes où se côtoient enfants d’immigrés, de fermiers et d’autres horizons sociaux. D’abord effrayée par cette vie presque sauvage, Elizabeth, en apprenant à se débrouiller seule, finit par apprécier l’esprit de communauté, la bonté simple de ses voisins… et l’agent de la garde montée en poste au village.

Tenpenskoi ?
Je vais rapidement te dire ce que je pense du livre, et ensuite, on parle de la série, OK ? Le bouquin est simple, se lit très vite, assez sympa pour une lecture légère entre deux lectures plus éprouvantes. Pas un absolute must, mais un moment somme toute agréable.

Mais alors la série… Netflix me la collait en proposition depuis des mois (en fait, depuis que ma frangine — merci Jill — m’a filé ses codes Netflix, mais on a un compte familial alors c’est pas de la triche). Un jour, je cherchais un fond sonore pour mes tâches quotidiennes lorsque je rentre à la maison (petite vaisselle, préparation des repas, couture… et je me rends compte que si t’es féministe et que tu lis ça, tu vas t’arracher les cheveux) et je me suis dit « barf, pourquoi pas, c’est un peu Docteur Quinn mais bon, ça fera l’affaire ». Oui parce que si tu choisis des trucs compliqués à suivre, t’es obligé de te planter devant ta TV et le « fond sonore » n’en est plus un, mais une distraction qui t’empêche de faire ce que tu as à faire (genre tu fais pas ça avec Game of Thrones quoi).

Bref, le premier épisode, je me dis « ah, c’est vachement sympa quand même, et les acteurs ont une bonne tête ! » Second épisode, j’ai commencé à ralentir dans mes tâches et à jeter un œil à l’écran. Cinquième épisode, c’était cuit. Et comment vous dire que Chéri rentre sur ces entrefaites, et commence à regarder. On a fini comme deux cons scotchés sur un canap’, je te jure.

La série, c’est une cuillère de miel quand t’as mal à la gorge ! D’habitude, on regarde des séries où les gens meurent, se trahissent, tuent. Des enquêtes, des trucs qui font un peu peur, et surtout, qui te montrent à quel point l’être humain est pourri. Là, petit havre de paix. Tout n’est pas rose, mais les protagonistes font face à l’adversité de manière tellement bienveillante (oui, ce mot vous gave, mais là, c’est vraiment vrai !) qu’on se dit « si tout le monde pouvait penser de cette manière, tout serait bien plus beau ». Et ça ne parait pas infaisable. Bref, à la fin de chaque épisode, je me disais que finalement, le monde peut être sauvé… du coup, si tu as fini Stranger Things, que tu sais pas trop quoi binge watcher, je te propose d’essayer When calls the heart. Et ça met un joli pansement sur ton petit cœur.

Pour info :
Le livre (je n’ai pas trouvé de VF, sorry) : Bethany House Publishers, 336 pages, 9.57€
Série : 6 saisons (dont 5 dispos sur Netflix), la 7e à venir, 54 épisodes

Publié dans Bouquinade, Roman

Fay (Larry Brown)

Ami du jour, bonjour !

Je te parlais il y a quelques temps des conseils de lecture de ma libraire face à mon envie de road trip, de voyages initiatiques et de grands espaces. Elle m’avait conseillé Celle qui venait des plaines, de Charlotte Bousquet (chez Gulf Stream) que j’avais adoré. Pour Fay, je voulais absolument quelque chose de chez Gallmeister, parce que je sais que, question grands espaces, nature sauvage des grands Nords américains, je ne suis jamais déçue. Je voulais aussi une sorte de voyage initiatique (je restais sur mon impression très positive de Dans la forêt, de Jean Hegland). Elle m’a proposé un voyage initiatique d’un tout autre genre…

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Sarakontkoi ?
Fay a 17 ans. Elle fuit. Elle fuit une vie de misère avec ses parents et ses frères et sœurs, une vie de labeur, d’illettrisme, de violence parfois, et d’impuissance. Mais Fay est jolie. Son sac à main à l’épaule, elle voyage en stop, rencontre des jeunes gens dont elle ne comprend pas toujours les intentions. Mais surtout, elle ignore le charme qu’elle exerce sur les hommes. Jusqu’à ce qu’une rencontre bouleverse sa vie.

Tenpenskoi ?
Honnêtement, je n’en ai aucune idée. J’ai beaucoup aimé suivre cette jeune fille dans toute son innocence et son ignorance, donc dans son initiation. Elle reste néanmoins très passive, le seul recours qu’elle ait face aux événements étant la fuite. Pour le reste, je crois qu’on peut dire qu’elle se laisse porter par les événements.

Je dirais donc que, plus que le personnage lui-même, ce sont les événements qui s’enchaînent et influent sur son parcours qui m’ont réellement captivée. L’écriture est lapidaire, très ancrée dans le présent (d’ailleurs tout le texte est au présent). On ne sait jamais ce qui va arriver, même si on le sent venir parce que chaque petite chose y est détaillée à outrance. C’est comme lire quelque chose qui arrive en temps réel.

Alors pourquoi ai-je dit que je ne savais pas si j’avais aimé ou pas ? Si je suis dithyrambique sur l’exercice d’écriture, le traitement des événements, je suis moins perméable à cet échantillon de culture et de pensée très américaine. Le côté je m’abreuve exclusivement de bière comme si c’était de l’eau, je jette mes cannettes par terre, j’ai une arme… même si je sais que c’est symptomatique des cultures occidentales, ce ne sont pas des choses que j’observe couramment autour de moi. Là, j’ai été gênée, parce que ces comportements sont naturels dans le livre, et ne le sont pas pour moi. Et je ne parviens pas à savoir si c’est intentionnel, ou si ça fait partie de la culture de Larry Brown.

Et puis, je dois avouer que sur la fin, ça tourne un peu en rond. Fay se retrouve dans les mêmes situations, encore et encore, et ce qui était captivant au début devient une routine. Là encore, intentionnel ou pas, je ne saurais pas le dire. La fin est ouverte, je te laisse la découvrir. J’ai aimé lire Fay, mais j’avoue que ce n’est pas un livre que je garderai dans ma bibliothèque.

Pour le prochain Gallmeister, ce sera un Pete Fromm, je dois avoir Indian Creek qui traine quelque part. Après Wicked bien entendu… À ce sujet, à l’occasion de la sortie de Wicked, le collectif Wicked en français ! organise un concours sur Facebook et Instagram. SI tu postes une photo de ton exemplaire, il y a 3 pochettes à livres à gagner ! Tirage au sort le 1er juillet !

Pour info :
éditions Gallmeister, collection Totem, 560 pages, 12€

Publié dans Bouquinade, Roman

Celle qui venait des plaines (Charlotte Bousquet)

Ami du jour, bonjour !

Aaaaaaah (long soupir de satisfaction) qu’il est doux de prendre quelques jours de congés. Si tu suis mon compte Instagram, tu auras peut-être vu que Jino, Pascal et moi, on est allés faire un tour du côté du Verdon, et que c’était à couper le souffle ! Comme quoi, on a de très belles régions en France, et, même si je vis dans la plus belle, je dois bien avouer que j’en ai pris plein les mirettes ! Trêve de blabla, me revoici avec un roman classé jeunesse (même si, bon… jeunesse n’est pas le premier qualificatif qui me vient à l’esprit quand je le lis). C’est merveilleux parfois, de se laisser porter par ce que la vie, en l’occurrence, ma libraire, nous propose !

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Sarakontkoi ?
Blue Horse Creek, 1921. Virgile n’a qu’une idée en tête, se venger de Winona, la femme qui a assassiné son père. Winona est une métisse Amérindienne. Comme beaucoup d’enfants de sa culture, elle a été enlevée à sa famille par les Wasicuns, les blancs, et enfermée dans un pensionnat dont la seule mission est d’arracher ces jeunes à leur culture de sauvages. Rejetée par les siens parce qu’elle est trop blanche, par les blancs parce qu’elle n’est qu’un animal, Winona fuit. L’amour, la haine. Elle n’aura de cesse de parcourir ces plaines qui autrefois étaient les siennes, pour y suivre les légendes de Calamity Jane, qu’elle a connue, de Buffalo Bill et de tant d’autres. Son histoire, elle la raconte à Virgil.

Tenpenskoi ?
Comme je te l’ai dit, c’est ma libraire qui m’a conseillé ce livre. « Je ne sais pas trop expliquer pourquoi, mais il faut le lire » m’a-t-elle dit. « Banco », ai-je répondu. Et puis, avec Charlotte Bousquet, on ne prend jamais de grands risques. L’écriture est simple, sans fioriture, elle valse entre le présent et les passés, sans jamais perdre le rythme qu’elle maîtrise à la perfection. Elle n’en est que plus poignante. On y saisit chaque propos, et sans vraiment s’en rendre compte, on arrive à la fin du livre en se disant « ah, c’est déjà fini » ?

On est bien loin du pathos de certains ouvrages qui décrivent la vie et les souffrances des natifs Américains. Winona raconte son histoire sans pleurs, sans cris, mais avec beaucoup de franchise et de recul, et BAM, toi, lecteur, tu te la prends en pleine poire. Personnellement, je déteste qu’on essaie de me faire pleurer. Ou pire, qu’on me culpabilise. Charlotte Bousquet, dans toute l’étendue de son talent, n’a besoin d’aucun de ces artifices pour faire mouche.

En bref, j’ai découvert Charlotte Bousquet dans un polar chez Rageot, je la retrouve chez Gulf Stream, avec le plus grand plaisir. Je vous donnerai donc le même conseil que ma libraire : foncez.

Pour info :
Gulf Stream éditeur, collection Électrogène, 360 pages, 17,50 € (avec la tranche verte en sus, c’est cadeau, et c’est beau !)

 

Publié dans Bouquinade, Roman

Autour de Jupiter (Gary D. Schmidt)

Ami du jour, bonjour !

L’heure est grave, on m’a conseillé un bouquin qui a ébranlé ma petite personne. Mais genre, vraiment, depuis 3 nuits, j’ai à la fois peur et envie de le lire. La chronique ne sera pas aisée, parce que moins tu en sais au départ, plus ta lecture est belle… mais je vais essayer.

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Sarakontkoi ?
L’idée, c’est de ne pas trop en dévoiler, pour que tu fasses le chemin seul. Alors je ne te dirai que ce que tu peux découvrir dans les premières pages. Joseph, 14 ans, sort d’un centre de détention et intègre une nouvelle famille d’accueil. Il fait la connaissance du jeune garçon, Jack, et des animaux de la ferme dans laquelle ils vivent. Joseph ne parle pas. Mais il a peur, et il est triste…

Tenpenskoi ?
J’ai terminé en larmes. Les services sociaux — qui agissent « pour le bien de l’enfant » sans le connaître, qui trouvent la famille d’accueil trop impliquée (mais peut-on être trop impliqué quand il s’agit du bonheur d’un enfant), ceux qui ont le bras assez long pour éviter que l’enfant ne fasse trop partie de la famille, mais pas pour prendre de vraies décisions qui pourraient aider cet enfant — ces services sociaux, donc, je les connais. Je connais l’impuissance de la famille d’accueil, le désespoir d’avoir les mains liées. De tout donner pour tout perdre ensuite.

Alors forcément, ça me cause, cette histoire de famille d’accueil. Au cours de ma lecture, je suis passée par la colère, la peur, l’espoir, le chagrin. La colère de voir des adultes soit disant responsables coller une étiquette sur le dos d’un gamin sans comprendre son histoire. La peur de voir un équilibre fragile et durement construit se rompre. L’espoir de voir cet enfant trouver la paix. Le chagrin de constater que rien ne change.

Le ton pourrait être qualifié d’enfantin, parce que le style est épuré, lapidaire et simple, la collection flague complètement ce titre en jeunesse. Ceci dit, nous avons eu avec mon amie Maëlle une discussion fort intéressante au sujet de la différence entre l’âge du lectorat et celui des personnages. Clairement, ici, il y a débat. Je me mets à la place d’un enfant : aurais-je le recul nécessaire pour recevoir ce type de récit ? Honnêtement, je ne prétends pas savoir si un enfant pourrait ou non appréhender ce texte. Mais je sais que le roman met le doigt sur un sujet qui pourrait sensibiliser les adultes sur leur façon de voir, et surtout de juger le monde.

Bref, le récit est beau, il est simple, il est violent. La fin est parfaite. Lis-le. Vraiment.

Pour info :
éditions Bayard Jeunesse, collection Littérature 12 ans et +, 224 pages, 13,90€

Publié dans Bouquinade, Roman

Ceci n’est pas qu’une comédie romantique (Julie Grêde)

Ami du jour, bonjour !

Tiens, elle revient celle-là. Eh oui cher ami, et je reviens avec une lecture… comment dire… en demi-teinte. Je me suis dit, après Le Fléau et Dans la forêt : « tiens, si je me lisais un truc sympa qui ne me crache pas à la gueule que notre monde s’effondre et que je n’en ai plus pour longtemps ? » Là, une révélation ! N’avais-je point entendu Pauline, de la chaîne Pinupapple & Books, parler d’un truc facile à lire, bien évident, mais qui faisait du bien et réparait les cœurs ? Mais si, mais si. Ceci n’est pas qu’une comédie romantique était dans ma liste d’envie depuis quelques mois. Banco.

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Sarakontkoi ?
Bébé — ne levez pas les yeux et lisez jusqu’à la fin — Bébé, donc, sort d’une rupture très douloureuse. Elle s’est laissée convaincre par sa meilleure amie, Lo, de passer les fêtes avec elle, dans son luxueux chalet à la neige, avec une bande de copains. Autant dire que Bébé ne se sent pas très sociable. Mais lorsqu’elle atterrit, personne. Les autres n’ont pas pu prendre l’avion à cause d’une tempête. Le majordome la dépose tout de même au chalet, où l’attend un charmant jeune homme dans un tablier. Qu’est-ce que c’est que ce traquenard ?

Tenpenskoi ?
Honnêtement, il n’y a pas plus fan des comédies romantiques que moi. Pour te dire, hier encore je regardais The Holiday en pensant à une ami très chère (BJ si tu passes par là, c’était ma pensée pour toi en ce jour de fête, toi-même tu sais). Alors oui, je me laisse aller à regarder des trucs faciles dont je connais d’avance la moindre réplique. Et ce livre n’a pas fait exception. À la rigueur, c’est pas très grave, tu sais à quoi t’attendre quand tu commences à bouquiner.

Ce que je vais dire m’embête au plus haut point, parce que pour une fois, j’ai éprouvé une réelle bienveillance à l’égard de l’auteure. Elle y a mis son cœur, j’ai senti qu’elle aimait ses personnages et le plaisir qu’elle a pris à les écrire. Ça , c’est pour les plus.

Ça n’a pas suffi, et j’en suis la première désolée. Ça sonnait faux. Une jeune fille surnommée Bébé parce qu’elle n’aime pas son prénom (Grey, d’après Jennifer Grey, l’actrice de Dirty Dancing ET ses yeux gris… sérieux) ? Un gars qui porte le nom d’un personnage de film… mais genre pas juste le prénom ! Le gars s’appelle JB pour John Bender (le personnage de Breakfast Club)… comme si toi, tu appelais ton gamin Tomcrouze ! Et ce n’est qu’une infime partie de ce qui m’a gênée. Pour ne citer que ça, [SPOILER] la séparation due à une FIV qui a mal tourné (OK, je suis trop impliquée), le manque de naturel de certaines scènes, le côté lavette du personnage masculin, le cliché de la fille qui se trouve moche et n’a de cesse de remettre ça sur le tapis à chaque introspection, la quantité de points de suspension qui pourraient relier Clermont-Ferrand à Paris, la déplorable correction ortho-typo de l’éditeur et (parce que je suis chiante là-dessus) la main du livre qui laisse à désirer (en gros, la souplesse du papier, qui permet de bien le prendre en main).

Bref, j’ai apprécié l’intention et le dialogue avec l’auteure, et puis, elle a pondu un bouquin quoi ! Chose que je ne suis pas foutue de faire ! Pour le reste, ça me désole, mais je passe.

Pour info :
PIXL éditions, 263 pages, 7.90€

Publié dans Bouquinade, Roman

Dans la forêt (Jean Hegland)

Ami du jour, bonjour !

Notre week-end au Salon du Livre et de la Presse Jeunesse approche, je me sens tel un hamster qui rempli ses petites joues pour se préparer un bon pactol de graines : je calcule quelle somme il serait raisonnable de ne pas dépasser en achat de bouquins. (Oui, Maëlle, je sais, c’est pas comme si j’avais des contacts, mais tu sais bien que j’achète mes livres !) En même temps, je flâne sur Insta, et la gamine de 8 ans en moi saute partout en criant « ce livre a l’air trop bien ! Et lui ! Et lui ! ». Heureusement, j’ai un mari adorable : la somme que je mets dans mes bouquins est rarement un problème pour lui…

Ceci dit, aujourd’hui, il n’est nul question de littérature jeunesse stricto sensu (de quel droit un livre serait plus jeunesse qu’un autre ?) Parce qu’aujourd’hui, je te parle d’une déferlante.

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Sarakontkoi ?
Rien ne va plus dans le monde. Plus d’essence, plus d’électricité. Des émeutes éclatent, des virus déciment les populations. Nell et Eva ont été élevées dans une maisonette au milieu des bois, bénéficiant de l’école à la maison. Leur mère a été emportée par un cancer fulgurant. Leur père est décédé. C’est donc seules qu’elles devront survivre, se nourrir et se défendre. Elles s’accrochent au passé, attendant une aide qui ne viendra pas…

Tenpenskoi ?
Si tu t’attends à des explosions nucléaires, à des émeutes sanglantes, à une panique générale, tu te plantes. Tout ça, c’est un bouhaha lointain qui atteint à peine deux jeunes femmes élevées loin des stigmates sociaux. Pourtant, la « vraie vie », elles crèvent d’envie de la rejoindre, l’une pour entrer à Harvard et l’autre pour intégrer une présitgieuse troupe de ballet.

Au chagrin de la perte et de l’absence succèdent la colère, puis le désespoir. Quelque chose est cassé. Et au début, on cherche à réparer. Et enfin, lorsqu’elles se sont lavées de tous ces artifices, l’instinct. La seule chose qui peut les sauver. On ne répare plus, on construit. Comment cultiver un jardin, calmer des nausées, soigner une infection, trouver et conserver la nourriture dont elles ont tant besoin. Quand nécessité fait loi, il n’est plus question de peur, de honte. Mais il est toujours question d’amour : celui de deux sœurs qui sont tout l’une pour l’autre, à travers les bons comme les mauvais jours.

J’ai lu dans un billet l’expression « roman d’ambiance ». Le genre de livre où ce n’est pas l’action, mais l’atmosphère et la réflexion qui prennent le dessus. Je pense qu’on peut dire que Dans la forêt est un roman d’ambiance par bien des aspects. Mais pas le truc chiant. Je ne te parle pas de lire Un balcon en forêt (désolée pour les amoureux du genre). Mais, si tu laisses réellement une chance à ce roman, tu pourrais t’en trouver libéré. En le refermant, j’ai eu envie de renouer — non pas avec mon corps ou ma tête — mais avec mon instinct. Mes fringues m’ont paru trop lourdes, mon job totalement futile (quand le travail est-il devenu une fin et non un moyen ?) Je ne peux pas te parler de coup de cœur. C’est un coup de poing. Sur la table. Dans ta figure. Lis-le.

Pour info :
Poche (celle que j’ai lue) : éditions Gallmeister, collection Totem, 308 pages, 9.90€
Grand format : éditions Gallmeister, collection Nature Writing, 304 pages, 23.50€

Publié dans Bouquinade, Roman

Jane Eyre (Charlotte Brontë)

Ami du jour, bonjour !

Le froid commence à tomber sur nos plaines auvergnates, la bruine du matin se dépose sur nos joues fraîches et j’hésite à sortir mes moufles… pas pratique pour lire en marchant. Je me vois déjà, handicapée par cet énorme mono-doigt, essayant laborieusement de tourner les pages de mon livre. Nan, je vais opter pour mes mitoufles.

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Sarakontkoi ?
Peut-être que tu es passé(e) à côté des (télé)films, des adaptations, des retraductions de ce chef-d’œuvre de la littérature anglaise. Si c’est le cas, je te la fais courte : Jane Eyre est une jeune orpheline élevée par sa tante, qui la hait. De fait, elle finit par envoyer sa nièce d’une dizaine d’années dans un orphelinat-pensionnat. Elle y étudie puis y enseigne, jusqu’au jour où elle se trouve une place de préceptrice à Thornfield. Son élève, Adèle, est la jeune pupille du maître des lieux, M. Rochester. Jane dépasse bien vite la rudesse du personnage pour trouver en lui un esprit vif et intelligent. Mais Rochester semble cacher quelque lourd secret derrière les murs épais de Thornfield.

Tenpenskoi ?
À l’origine de mon envie de lire ce bouquin, il y a mon amie Aurélia. C’est elle qui m’a donné son exemplaire en anglais du chef-d’œuvre de Charlotte Brontë. J’avais fait connaissance avec la famille Brontë lors de ma lecture de Les Hauts de Hurlevent (écrit par sa sœur Emily). Si le premier avait suscité en moi des émotions très fortes, celui-ci a été plus clément pour mon petit cœur. Je n’ai pas été moins touchée, je n’ai pas moins aimé. Mais Charlotte a écrit un roman sans aucun doute plus optimiste que celui de sa sœur.

Jane est un personnage qu’on ne peut s’empêcher d’admirer. Elle est imparfaite, impulsive. Et si elle est chétive et qu’elle se décrit comme laide, elle n’en est pas moins un personnage très fort. Je regardais la vidéo de Lemon June, et je lui donne raison : Jane est une vraie féministe, même si elle ne le revendique pas. À aucun moment, je n’ai ressenti ce « je suis une femme, je défends mes droits ». Mais elle agit selon sa conscience, acceptant ou refusant des avances, le mariage, une condition. Elle n’est jamais une femme seule. Elle est toujours simplement un être humain qui cherche sa voie. On peut lui rappeler son sexe et sa condition, elle ne s’arrête jamais à ces discours.

Ce que j’aime également, c’est que si physiquement, elle n’est pas belle, les descriptions de son esprit vif, l’amour et l’affection qu’elle fait naître chez les autres, la rendent désirable aux yeux du lecteur.

Bref, merci Aurélia d’avoir mis ce livre entre mes mains. Merci Lemon de m’avoir donné la pichenette qu’il me fallait pour me plonger dans cette lecture.

Pour info (et parmi tant d’autres éditions) :
éditions Folio, collection Folio Classique, 848 pages, 6€

 

Publié dans Bouquinade, Roman

L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea (Romain Puértolas)

Ami du jour, bonjour !

Aujourd’hui, je diminue la pile mentale des livres que je n’ai pas lus. Celui-ci m’a été offert par Chéri, et il est sorti de la poussière de mes étagères sur proposition de mon amie Laura. J’avoue avoir pensé à toi, Charlotte, qui as trouvé ta voie, comme Ajatashatru.

Cher lecteur, chère lectrice, je te propose de partir en voyage avec moi. Loin, mais tout près, entre ici et là. Alors ouvre bien grand ton esprit, vérifie ton parachute et suis-moi dans cette belle aventure.

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Sarakontkoi ?
Ajatashatru Lavash Patel, fakir Indien (un brin arnaqueur) de son état, arrive à Roissy, rien que pour acheter chez Ikea le tout dernier lit à clous spécial fakir. Sans rien d’autre sur lui qu’un faux billet de 100€, qu’il réserve à l’achat de son lit, il se voit contraint de passer la nuit clandestinement dans le magasin. Et quel meilleur endroit qu’une enseigne d’ameublement avec cafétéria ? Mais rien ne se passe comme prévu et Aja, caché dans une armoire victime de l’inventaire nocturne du magasin, s’apprête à vivre la plus improbable des aventures.

Tenpenskoi ?
Je l’avoue, en lisant les premières pages, j’ai trouvé cette espèce de comique de répétition qu’utilise l’auteur légèrement lourd. Et j’ai failli me fermer comme une huître. Mais qu’aurais-je manqué alors ? Il faut juste faire confiance à Romain, il sait visiblement ce qu’il fait.

Toi, tout le long du bouquin, avec ta tête d’adulte, tu te dis « mais n’importe quoi le gars ! » En fait, quand tu fermes le livre, tu as juste l’impression qu’un enfant — qui a mieux compris que toi ce qu’était la vie — vient de te faire un cours magistral. Et c’est ce qui rend ce récit si exceptionnel. Et si parfois tu secoues la tête, que tu luttes, avec ta logique de grand, le bouquin te regarde droit dans les yeux et te dit : « ah ouais ? Prouve-moi que c’est pas possible ! » Et tu peux juste pas.

Touchant, drôle, absurde, mais tellement vrai, il te raconte une histoire. Celle d’un rêve, d’un espoir, d’une destinée. Une de ces 1001 histoires du soir que Shéhérazade raconte à son roi perse. Et petit à petit, tu t’apaises et tu te laisses porter. Parce que le monde n’est pas compliqué. Il est simple comme un bonjour, comme un bout de quatre-quarts partagé à l’arrière d’un camion avec des réfugiés, comme un roman griffonné sur une chemise louée pas cher, comme une rencontre à Ikea. Il est simple comme un oui. À mettre entre toutes les mains.

Tu veux goûter ?
Ajatashatru s’imagina les Africains bondissant comme des félins hors de la nuit et montant dans tous ces camions en marche qui avaient jalonné leur chemin jusqu’ici. […] L’Indien venait de comprendre qu’il avait devant lui les vrais aventuriers du XXIe siècle. Ce n’étaient pas les navigateurs blancs, dans leurs bateaux à 100 000 euros, leurs courses à la voile, leurs tours du monde en solitaire dont tout le monde se foutait sauf leurs sponsors publicitaires. Eux n’avaient plus rien à découvrir.

Pour info :
Le Livre de Poche, 312 pages, 7.90€