Publié dans Bouquinade, Roman

La Longue Marche des dindes (Kathleen Kaar)

Ami du jour, bonjour !

Il est temps de ressortir les madeleines, comme je l’avais fait lors de ma relecture du roman Le Passage, de Louis Sachar. D’ailleurs, c’est également pour le comité de présélection du prix littéraire du collège que j’avais lu le petit bijou que je m’apprête à vous présenter ! Et maintenant qu’est venu mon tour de prescrire (oui parce que, si tu n’as pas suivi, je suis libraire jeunesse maintenant), je relis les livres qui m’ont marquée pour les placer entre les mains des jeunes lecteurs… et de leurs parents.

Sarakontkoi ?
Fin du XIXe siècle, Missouri. Simon Green, un jeune homme de 15 ans que tout le monde qualifie de simplet, ne parvient pas à dépasser ce qui s’apparenterait aujourd’hui à un niveau CM2. Tous les enfants de sa classe ont fini par recevoir leur diplôme. Alors lorsque son institutrice, Miss Rogers, le lui remet en lui expliquant qu’il est temps pour lui d’entrer dans la vraie vie, Simon Green se demande ce qu’il va pouvoir faire. Avec l’aide de Miss Rogers, il décide d’acheter un troupeau de 1000 dindes, et de les convoyer jusqu’à Denver, où leur valeur est plus de 20 fois supérieure. Il sera accompagné pour cela de M. Peece, un alcoolique notoire, pas mauvais bougre, qui n’aspire qu’à se repentir. Commence alors la longue marche des dindes, semée d’embuches, mais surtout, de rencontres.

Tenpenskoi ?
Tu imagines bien que si j’ai pris la décision de le relire, c’est que ce roman m’a fait forte impression. L’histoire d’un jeune homme dont le degré d’intelligence est défini par son échec scolaire ; de ce jeune homme en qui quasiment personne ne croit (et notez que je dis bien quasiment) ; d’une intelligence insoupçonnée, dévaluée, celle du cœur, et d’une logique il est vrai parfois très particulière. Simon est un incompris. Mais il est aussi une revanche. Une revanche sur cette uniformité de l’intelligence que notre société essaie de nous imposer.

Mais pourquoi ce roman nous accroche-t-il tellement ? Je dirais qu’il y a trois éléments essentiels : tout d’abord, les personnages. Ils sont attachants, certes, mais surtout imparfaits, bourrés de nos défauts. Ils ont des problèmes de personnages du XIXe dans une Amérique moitié esclavagiste en pleine ruée vers l’Ouest. Mais quand même. Ensuite, le rythme. Le roman, tu t’en doutes, se lit comme un marathon plutôt qu’un record du 100 mètres. L’action est suffisamment soutenue pour que tu continues de lire, les personnages suffisamment bien écrits pour que tu t’identifies. Et puis, comme Simon et ses compagnons, tu as des temps de repos. Enfin, outre le fait que cette histoire soit inspirée de faits réels (à savoir le convoi de volailles à travers l’Amérique du Nord), elle t’attrape, toi, gamin qui n’aimes pas lire, qui n’aimes pas l’école, te regarde dans les yeux et tel Barack Obama te dit « Yes you can », oui, tu peux lire, tu peux vivre, à ta façon, parce que tu as ta propre intelligence, ni supérieure, et surtout ni inférieure à celle d’Albert Einstein. Tu vois le monde à travers tes propres yeux. Et c’est bien. C’est pour ça que j’aime ce livre.

Pour info :
École des loisirs, collection Medium Poche, 263 pages, 6.80€

Publié dans Bouquinade, Roman

L’Incroyable voyage de Coyote Sunrise (Dan Gemeinhart)

Ami du jour, bonjour !

Si tu me suis sur Insta, tu sais que la chronique que je m’apprête à écrire sera élogieuse. Et plus que ça ! Si tu ne me suis pas, laisse-moi recontextualiser la chose : quand l’éditrice du bouquin te dit « j’ai un gros coup de cœur sur le texte que j’édite, je pense que ça peut être un coup de cœur libraire », tu te dis « pourquoi pas ». Quand en plus tu as une confiance aveugle en cette personne en matière de littérature, tu fonces. C’est ce qu’il s’est passé ici.

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Sarakontkoi ?
Coyote, 12 ans, et Rodeo, son père, vivent dans un bus scolaire. Leur maison, c’est la route et Yageur, ledit véhicule aménagé par et pour eux. Ils roulent, vont où les portent leurs envies. La liberté, direz-vous… ou bien une fuite en avant, pour échapper au passé, à la douleur. Au fil des rencontres, le père et la fille s’ouvrent, se confient, apprennent à donner et à recevoir. Parfois, le voyage peut s’avérer plus important que la destination…

Tenpenskoi ?
Je ne peux pas dire que j’ai lu ce livre. Non. J’ai pris mon billet, répondu aux 3 questions que pose Rodeo à chaque nouveau voyageur avant de l’autoriser à monter dans le bus, et j’ai bouclé ma ceinture. J’ai aimé la simplicité du récit. Pourtant, y’avait de quoi faire des tartines et des tartines de larmichettes et de bons sentiments. Et là, non. Le bouquin passe son temps à te dire que oui, dans la vie, on doit surmonter des épreuves, mais qu’au final, le courage, l’abnégation, la générosité, et la gentillesse nous la rendent plus facile, cette chienne de vie.

C’est un merveilleux message, positif sans te jeter des paillettes à la figure, touchant sans te cracher le malheur au visage. La vie est ce qu’elle est, personne n’est parfait. Et toujours cette route, cette course contre la montre, vers le souvenir, vers l’identité. Vers l’avenir un peu aussi. Chaque personnage a son rôle à jouer dans l’histoire de Coyote, et Coyote a son rôle à jouer dans la leur. C’est un équilibre, un échange perpétuel. Et toujours la route, qui rythme, qui accompagne, qui guide.

J’ai beaucoup ri, parce que les situations sont souvent cocasses. J’ai aussi pleuré, parce que j’ai accompagné Coyote et Rodeo dans leur cheminement intérieur. Et j’en suis ressortie sereine. Alors lis-le, voyage avec Coyote, Rodeo, Ivan le chat, Salvador et Esperanza, Val, Lester, Gladys la chèvre. Écoute, apprends, et surtout, boucle ta ceinture, parce que le voyage à bord de Yageur risque de ne pas être de tout repos !

Pour info :
éditions PKJ., 416 pages, 18.90€

Publié dans Bouquinade, Roman

Sauvage (Jamey Bradbury)

Ami du jour, bonjour !

On change de registre aujourd’hui, et on repart sur les grands espaces (tu te souviens, je t’avais parlé de ce besoin d’air frais, de balades en forêt, avant même le confinement). Et pour le coup, on fait pas semblant. C’est un roman que j’ai failli acheter l’an dernier, mais la libraire m’avait mise en garde sur le contenu, disons, peu conventionnel du bouquin. À la place, et histoire de rester chez Gallmeister, j’avais acheté Fay, de Larry Brown. Mais là, Audible l’ayant mis en avant, je me suis dit : « l’occasion, le larron, toussa toussa… » Me voilà donc partie vers les grands froids de l’Alaska !

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Sarakontkoi ?
Trace est une adolescente de 18 ans. Elle vit avec son père et son petit frère. Sa mère est décédée dans un accident de voiture il y a peu. Trace vit également avec des chiens de traineaux. Mais depuis la mort de sa mère et son exclusion de l’école, les chiens restent dans la cour, et il n’est plus question de sortir les traineaux, encore moins de participer à des courses. Trace a un secret, un secret qu’elle partageait avec sa mère. En buvant le sang d’un animal, elle peut voir à travers ses yeux, le comprendre. Sa mère lui a fait promettre de s’en tenir aux animaux, de ne pas faire couler le sang d’un humain. Mais une rencontre dans les bois bouleverse l’équilibre fragile que Trace tente de construire.

Tenpenskoi ?
J’ai déjà évoqué avec toi le roman d’ambiance. C’est exactement ce dont il s’agit ici. Le roman est fait d’aller-retours dans le temps, un savant tissage de souvenirs, de sensations, et de présent. Le personnage de Trace a développé un lien très particulier avec la forêt, avec la nature sauvage. La chasse, le grand air sont des besoins vitaux pour elle. Et s’il est vrai que le roman évoque un rapport au sang très particulier, il n’en est pas gore pour autant. Il n’est pas question de vampirisme ou de canibalisme. Simplement du sang en tant que vecteur de vie, de mémoire, d’instinct.

Au premier abord, le lecteur pourrait faire une grimace écœurée, et c’est probablement ce que vous avez fait à la lecture de cet article (si si, ne mentez pas !). Mais j’ai trouvé que c’était au contraire un très beau cri identitaire, quelque chose de profond, de plus profond que ce que nos cultures occidentales ont puritainement voulu souiller. Le caractère de Trace est sauvage comme celui de Buck, dans L’Appel de la forêt, a pu l’être. Toutes les péripéties du livre ne font que la reconduire vers chez elle, vers ce foyer où elle ne peut vivre que seule, et en harmonie avec son environnement, au-delà de toute considération sur l’humanité. Je ne relirai pas ce livre, parce que je n’en ai pas besoin. Je garde en moi la sensation qu’il a fait naître, et ça me suffit. Mais si tu te sens de taille à affronter les grands froids de l’Alaska, et surtout si tu penses pouvoir suffisamment ouvrir ton esprit, je te conseille Sauvage

Pour info :
édition Gallmeister, collection Totem, 336 pages, 10€

Publié dans Bouquinade, Roman

Sans foi ni loi (Marion Brunet)

Ami du jour, bonjour !

Mars au féminin est passé sans que j’aie eu le temps de te parler de ma lecture de Sans foi ni loi… et au final, ce n’est pas plus mal. Pépite du Salon du Livre et de la Presse Jeunesse de Montreuil l’an dernier, j’ai tanné mon amie M., éditrice chez PKJ. pour qu’elle me l’envoie. Ce qu’elle a fait. Le problème, quand tu places beaucoup d’attentes dans un livre (ou autre chose d’ailleurs), c’est que tu es souvent déçu. Fut-ce mon cas ? Je m’en vais te le dire de suite !

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Sarakontkoi ?
Ambiance braquage de banque au Far West. Abigail Stenson s’enfuit avec un sacré magot et se réfugie chez le pasteur local, un homme violent et strict. Afin de couvrir sa fuite, elle prend en otage son fils, Garett. Garett a 16 ans, il est introverti, usé déjà par les sévices paternels. Alors si au premier abord Ab le terrorise, elle finit par le fasciner. Leur voyage les mènera jusqu’aux racines d’Ab, et à la liberté de Garett. Mais tout a un prix.

Tenpenskoi ?
Sur le papier, c’est une super idée, nous raconter la vie badass d’une meuf badass, qui se conduit comme un mec, s’habille comme un mec, boit comme un mec. La nana qui gagne sa place au comptoir, dégaine plus vite que son ombre. Celle qui va ouvrir les yeux d’un tout jeune gamin et lui offrir la liberté. Ouaip, sur le papier c’est chouette. Et je dirais même que je n’ai pas détesté la fin, ce dernier quart de roman où tout s’emballe, où les personnages se révèlent, où ça tire, ça se bat, ça s’enfuit. Chacun courant vers son destin.

Mais et les 3 premiers quarts ? me demanderas-tu. Bah c’est… long en fait. Toutes les trois lignes, on te montre à quel point Ab est une femme forte, habillée en mec, solitaire, cachant ses sentiments. Et non seulement on te le fait comprendre, mais en plus, comme on est sur le point de vue subjectif du personnage de Garett, qui la trouve trop forte, bah on nous le dit. Et on nous le répète encore et encore. Ce roman, c’est un motel à Vegas avec un panneau clignotant qui dit « ceci parle d’une femme forte ». Au final, les personnages sont trop peu développés à mon goût, il ne se passe pas grand-chose, sauf à la fin, et cette initiation à la vie, cette leçon qu’une femme devait apprendre à un tout jeune garçon, et que j’attendais tant, bah je l’ai pas eue. Si, il a appris à tirer. Et même pas avec la nénette, avec un pote à elle. Bref, on a trop martelé le message, et le tout manque de subtilité mais pas de longueurs… c’est dommage, l’intention était honorable, ça manque juste d’approfondissement… j’ai trouvé ça bien mais pas top.

Pour info :
éditions PKJ.,  224 pages, 16,90€

Publié dans Bouquinade, Roman

L’Appel de la forêt (Jack London)

Ami du jour, bonjour !

Il y a quelques temps, nous sommes allés au cinéma, Chéri, mes parents et moi, pour se mater L’Appel de la forêt. J’étais pas franchement chaude parce que Jack London me fait un peu peur, je pensais que ça serait contemplatif… Mais l’amour de maman pour Harrison Ford l’a emporté. Ce que Mère veut… Et j’ai adoré le film en fait ! À tel point que je voulais presque adopter un chien, alors que je déteste les chiens ! Du coup, vu la taille du bouquin, je me suis dit « qu’à cela ne tienne, je vais me l’écouter, c’est pas bien long » (merci Audible).

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Sarakontkoi ?
Buck est un chien de salon. Bien charpenté, aimé de ses maîtres, fier de sa position… or, dans le grand Nord, les chercheurs d’or paieraient cher pour un chien comme lui, assez fort pour tirer les lourds traîneaux dans la neige. Il se fait kidnapper (ou dognapper ?) et est embarqué malgré lui dans la plus grande aventure de sa vie ; de travail rude en maître violent, en passant par de paisibles marchands, Buck apprendra à renouer avec ses racines, avec son instinct, et entendra un appel qui vient du plus profond de lui. L’appel de la forêt.

Tenpenskoi ?
Je ne sais pas si avoir vu les images magnifiques du film y a fait (c’est probablement le cas), mais ce livre m’a fait l’effet un courant d’air revigorant. Je vous le disais dans un de mes derniers billets, en ce moment, j’aime ce qui me parle de grands espaces, de nature, d’instinct. Et là, on est pile poil dedans. London adopte le point de vue d’un animal, qui pense, réagit. Qui observe. On est sans arrêt en mouvement avec Buck, tantôt sur les routes enneigées du courrier, tantôt dans les forêts des cimes. Bref, on ne s’ennuie pas. J’ai d’ailleurs suggéré ce livre à un jeune collégien qui l’avait sur la liste que lui avait donnée sa prof. Lui qui n’aimait pas lire, il s’est laissé emporter, c’est dire !

L’édition que j’ai prise (la version audio d’Audible, qui proposait gratuitement des classiques sur une courte période) comporte également un épilogue de London, expliquant sa démarche. Il s’y défend face au président Roosevelt et John Burroughs, naturaliste de son état, qui l’accusent d’être un « maquilleur de la nature » prêtant aux animaux un instinct mais surtout une intelligence que Rossevelt et Burroughs nient. Toute sa réflexion sur le fait que les animaux raisonnent est extrêmement intéressante. C’est ce genre de considération, parmi beaucoup d’autres, qui a probablement mené à l’évolution du statut juridique, inscrit au Code Civil, que nous accordons depuis le 17 février 2015 à nos compagnons : l’animal est officiellement reconnu comme « un être vivant doué de sensibilité » et non plus comme un « bien meuble ». Du coup, quand on comprend la portée du roman, on y voit autre chose, et je pense le relire un jour avec le filtre de cette réflexion en tête. Bref, à lire, à relire, c’est court, c’est génial, ça cause de nos compagnons à poils… et allez voir le film, il vaut le coup !

Pour info :
Le livre de poche jeunesse, 192 pages, 4,95€

Publié dans Bouquinade, Roman

Dans les branches (Emmanuelle Maisonneuve)

Ami du jour, bonjour !

Dans le présent billet, je reviens à mes premières amours, la littérature dite « de jeunesse » (parce qu’en vrai, on peut tous la lire), avec un titre conseillé par ma responsable. J’ai mis un peu de temps à m’y mettre, mais bon, comme c’est ma chef, et que c’est toujours bien de pouvoir échanger avec son/sa chef, bah je me suis dit « go ma petite, faut t’y mettre ». Et m’y voilà.

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Sarakontkoi ?
Mo est un adolescent de 14 ans, passionné par son jeu vidéo en ligne, Endof World. Solitaire, il vit sa vie dans un monde virtuel. Alors que sa mère, suite à un accident de voiture qui l’a partiellement handicapée, décide de retourner dans sa région natale auprès de son frère, Mo va vivre une expérience qui changera sa vie : il se perd dans les bois. Terrorisé, il sera persuadé d’être poursuivi par un troll, un vrai troll, comme dans Endof World. Un troll qui lui sauve la vie ? Mo n’aura alors de cesse de trouver la vérité… et de se trouver lui-même.

Tenpenskoi ?
Sincèrement, à la lecture des première pages, j’ai été déroutée… Disons que d’habitude, les registres trop familiers à base de contractions, de négations incomplètes (hors dialogue), toussa toussa, ça me gonfle. Et là, BOUM. Pas du tout ! L’écriture est cohérente avec le personnage, sans en faire trop. Un bon point pour l’autrice donc.

Je continue ma lecture, persuadée qu’il s’agira d’un roman fantasy ou un peu fantastique. Et là, BIM, pas du tout. Je ne veux pas en dire trop, parce que je pense, tout comme ma responsable, que chaque lecteur doit faire son bonhomme de chemin aux côtés de Mo. Mais laisse-moi te dire que j’ai été retournée. J’ai tour à tour été furieuse, attendrie, triste. J’ai été menée en bateau, et j’ai aimé ça. Malgré le côté très ouèch que se donne le texte, il parviendra, j’en suis certaine, à emballer petits et grands. Et quelle intelligence dans l’écriture ! Partir d’un récit centré sur les MMORPG (jeux vidéos en ligne) et parvenir à attirer le lecteur vers le personnage, puis vers son environnement physique, c’est du génie ! Bref, à mettre entre toutes les mains. Et pis, ça m’a bien donné envie d’une bonne balade en forêt moi !

Pour info : 
Le Livre de Poche, 352 pages, 6,90€

Publié dans Bouquinade, Roman

Tout quitter (Anaïs Vanel)

Ami du jour, bonjour !

Non non, je n’ai aucun mérite, je ne lis pas plus vite, je lui simplement plus longtemps, et des petits livres qui me reposent des pavés que je viens de terminer. Avant que je ne te reparle d’albums (parce que j’en ai quelques-uns à chroniquer), restons sur le roman, avec une lecture que je dois à l’illustratrice Margaux Motin. Et pour l’avoir vendu, elle l’a vendu ; je partais donc avec de très fortes attentes…

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Sarakontkoi ?
Il s’agit en fait plus d’un récit autobiographique que d’un roman. Anaïs, éditrice de renom, décide de tout quitter du jour au lendemain. Elle se lève simplement, pars de sa réunion, prend des cartons et les jette dans un Berlingo pour rejoindre l’océan et se mettre au surf…

Tenpenskoi ?
C’est très compliqué de lire un livre dont on vous a vanté les mérites à ce point (dixit la nana qui vient limite de vous mettre un flingue sur la tempe pour que vous lisiez La Passe-Miroir). Et pour être honnête, il y a des choses que j’ai beaucoup aimées. D’autres que j’ai moins appréciées.

Pour commencer, je m’attendais à une randonnée en pleine montagne, avec de fortes bourrasques et des tempêtes de neige (c’est une métaphore, tu as bien compris…) et j’ai eu une jolie promenade un dimanche de printemps. C’est moins puissant que ce à quoi je m’attendais. Mais plus réaliste que le gars qui donne toutes ses chaussettes et part avec un t-shirt et un pantalon.

Le style est extrêmement lapidaire. Je veux dire que les phrases ne dépassent que rarement 4 mots, souvent sans verbe. J’aime les écritures lapidaires, mais j’ai aussi besoin qu’elles soient un contraste. Pas la totalité de l’œuvre. Sinon, ça devient trop hermétique. Et là, c’est parfois le cas. Je sens bien qu’on essaie de me faire comprendre quelque chose, mais on m’en donne parfois trop peu. En même temps, ça va avec le propos. Revenir à zéro pour retrouver l’essentiel petit à petit. Se réappartenir. De même, les pages du roman sont très peu remplies. 90% du temps, c’est du 2/3 – 1/3 : 2/3 de blanc, 1/3 d’écriture. Un paragraphe par page quoi. J’ai eu 2 réactions : « 18€ pour ça ? » Puis « ah ouais, c’est sympa cette mise en page aérée ! » j’ai compris que là encore, on servait le propos du bouquin, mais quand même : 18€ pour ça ?

Enfin — et je suis désolée parce que c’est une remarque toute personnelle, et sans doute déplacée et très matérialiste face à cette introspection — je me suis dit tout le long du bouquin que, OK, tu quittes ton job, ton mec, ton appart pour partir faire ce que tu aimes (ici du surf, pourquoi pas, elle aurait pu vouloir élever des vers de terre, c’était pareil) mais faut avoir les moyens quoi ! Même en vivant de rien. Et là, la réflexion tourne en rond, parce que je sais qu’Anaïs Vanel se livre dans ce bouquin, et que rien de ce qu’elle a écrit n’est facile à dire, parce qu’il lui a fallu faire face à ses choix, à son parcours, se remettre en question. Mais c’est ou trop, ou pas assez. Ou trop personnel ou pas assez développé.

Bref, juger un texte aussi personnel est très compliqué. Alors je conclurai de cette manière : c’est très pertinent, et je trouve qu’on traduit bien le tiraillement des millennials (les personnes nées entre les années 80 et 90) qui ont hérité de la société de consommation irréfléchie de leurs parents, mais qui trouvent son poids trop lourd à porter et rêvent d’évasion. C’est un bon témoignage de son époque ; donc lis-le, c’est très court, et c’est intéressant. Mais parfois, ce n’est pas assez.

Pour info :
éditions Flammarion, 188 pages (pas remplies), 18€

Publié dans Bouquinade, Roman

En attendant Bojangles (Olivier Bourdeaut)

Ami du soir, bonsoir !

Aucun mérite à te parler d’un autre bouquin en si peu de temps, il fait à peine 170 pages. Mais quel roman ! Coup de cœur de ma collègue libraire et formatrice, et vif conseil de ma maman, je ne pouvais pas passer à côté.

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Sarakontkoi ?
C’est l’histoire d’un amour fou. Fou, il l’est dans tous les sens du terme. Une histoire entre une folle et un mythomane, racontée par l’enfant qu’ils ont eu ensemble. L’histoire de la douceur, de la passion, des vrais mensonges, et des fausses vérités. Des vérités qui ne sont vraies que pour cette famille atypique, et après tout, pourquoi pas.

Tenpenskoi ?
C’est d’une  poésie incroyable ! J’en ai lu un passage à voix haute à Chéri, et c’est cette lecture qui a mis le doigt sur l’étincelle de folie du texte, celle qui m’a ouvert les yeux sur son rythme, ses sautillements joyeux, ses soubresauts de colère, ses élans de peine. Rien que pour la beauté du texte, ce bouquin valait le coup d’être lu.

Quant au propos, j’ose paraphraser ma collègue (je suis certaine que si tu lis ces lignes, Véro, tu ne m’en voudras pas) : « dans ce roman, la douce folie côtoie la folie dure. » Les points de vue naïf mais perspicace de l’enfant et réaliste du père se succèdent pour nous raconter les cocktails, les voyages, les jeux. Ce qui fait pétiller l’œil du lecteur, c’est la délicieuse évidence qui se dégage de ce texte. Car après tout, n’est-il pas merveilleux de vivre dans un appartement parisien avec un oiseau africain, de partir en vacances dans un château en Espagne chaque fois qu’on en ressent l’envie, et de danser tous les soirs un slow sur les notes mélancoliques de Mr. Bojangles ? Bref, faites jouer à votre vieille platine des disques de Nina Simone et embarquez avec Olivier Bourdeaut pour cette parenthèse courte et intense dans une famille hors du commun.

Pour info :
Grand format : éditions Finitude, 160 pages, 15,50€
Format poche : Gallmiard, Folio, 176 pages, 6,90€

Publié dans Bouquinade, Roman, Roman historique

Anna Karénine (Leon Tolstoï)

Ami du jour, bonjour !

On est aujourd’hui dans la section « je me cultive, parce qu’au niveau classiques, c’est un peu faiblard tout ça ». Et pour cette découverte de la littérature russe, j’ai lu, comme l’indique le titre du billet, Anna Karénine, de Leon Tolstoï. Ainsi ai-je été introduite aux grands classiques russes.

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Sarakontkoi ?
Russie, fin du XIXe. Se joue dans la grande société russe un drame amoureux : Lévine, amoureux de Kitty, amoureuse de Vronski, amoureux d’Anna. Une femme persuadée d’être courtisée par un homme dont elle est follement amoureuse, un courant d’air s’éprenant d’une respectable épouse, une femme mariée combattant ses propres inclinations. C’est aussi simple que ça. Autour de ces quatre personnages graviteront époux, parents, amis, les uns bienveillants, les autres bienséants. Mais tout ne peut pas bien finir pour tout le monde.

Tenpenskoi ?
Pour commencer, c’est très long. Personnellement, je ne l’ai pas lu, je l’ai écouté (merci Audible, on a beau dire, ça sauve des vies) ; j’avoue que, connaissant l’issue tragique par avance, j’ai voulu plus d’une fois qu’on en finisse. Je ne sais pas si j’aurais été capable de lire la version papier, ma patience se serait vite épuisée.

En revanche, j’en parlais avec une amie qui ne porte pas Tolstoï dans  son cœur (bah ouais, c’est longuet quoi), je trouve que Tolstoï a ce don, en tout cas dans ce roman-ci, de tout montrer. Il ne prend pas partie pour ses personnages, et laisse chacun d’eux s’exprimer (traduis : on se retrouve avec autant de points de vue que de personnages). Tout n’est pas bon à prendre, bien entendu, mais au moins, la lecture du roman s’adaptera au lecteur.

Je m’explique : beaucoup de lecteurs décrient le comportement d’Anna, qui abandonne mari et enfant pour suivre son amant. Personnellement, j’y ai vu la condition d’une femme prisonnière de son rôle d’épouse, courtisée par un homme qui se soucie plus de sa propre passion que de la vie qu’il pourra offrir à celle qu’il aime. Une femme qui avait le choix entre être malheureuse, ou être montrée du doigt. Enfermée quel que soit son choix. Elle est la méchante de l’histoire, s’attirant malheur et déshonneur. Mais elle seule subit le poids de ses décisions. Et sa décision, finale, n’est que l’issue logique d’un problème sans solution.

Le roman oppose le bonheur d’un couple malheureux qui trouve le bonheur à celui d’un couple heureux qui attire peu à peu sur lui le malheur. C’est en ça que le roman est intéressant. Les réflexions qui mènent les personnages vers leur destin. Au-delà de ça, oui, j’ai trouvé le roman un peu long. Mais je suis heureuse de pouvoir dire que je l’ai lu.

Pour info :
Le livre de poche, collection Classiques, 1024 pages

 

Publié dans Bouquinade, Roman

Et si les chats disparaissaient du monde… (Genki Kawamura)

Ami du jour, bonjour !

Après avoir complètement délaissé le clavier pendant mes congés, me revoici, me revoilà, pas du tout avec le bouquin que je pensais te présenter mais avec un achat compulsif réalisé à Londres (quel plaisir de charger un peu plus ses valises, alors qu’on n’en a pas besoin…). Merci Chéri d’avoir pointé toutes les librairies qu’on a passées, j’ai fini par craquer. Et je te parle tout de suite de cette première découverte, dont j’avais entendu parler sur le compte Insta de Lemon June.

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Sarakontkoi ?
À 30 ans, le narrateur apprend qu’il ne lui reste que très peu de temps à vivre. Le diable entre alors dans sa vie et lui propose un marché : chaque jour, il fera disparaître du monde une chose qu’il aura choisie en échange d’un jour de vie supplémentaire. Quel prix le narrateur donnera-t-il à sa vie ?

Tenpenskoi ?
Il s’agit d’un très court roman qui se lit très vite, mais qui, paradoxalement, évoque la nostalgie, le temps qui passe, les regrets. Et malgré la gravité du sujet, la mort, il est d’un optimisme tout à fait délicieux. À la lecture de ce roman, tu traverseras des phases de tristesse, de réflexion profonde, et parfois même d’introspection.

Ma lecture a eu quelque chose de thérapeutique. Parce qu’on ne nous force pas au bonheur, comme c’est la mode en ce moment. Au contraire, j’ai ressenti la valeur de chaque minute, chaque seconde, qu’elle soit teintée d’ennui ou de regrets. Ca te parle du sens et de la valeur que tu accordes à ta vie, des moments dont tu as profité sans le savoir, des joies que tu as ignorées mais bien ressenties.

Un court roman donc, qui pourtant fait un grand bien. J’en suis ressortie beaucoup plus légère.

Extraits choisis

Au lieu de penser que la famille est une chose acquise, tu dois y penser comme à quelque chose que tu fabriques. On n’a pas de famille. On fait une famille.
(Littéralement dans le texte : Famille est un verbe — on fait une famille).

Le Diable n’existe que dans le cœur et l’esprit des humains. Ensuite, c’est vous, les humains, qui l’exprimez sous toutes sortes de formes.

[Le Diable] est fait de tous ces petits regrets qu’on a dans la vie. Par exemple, que serait-il arrivé si, à un croisement de ta vie, tu avais pris un autre chemin ? Que se serait-il passé ? Qui serais-tu devenu ? C’est de ça qu’est fait le Diable. C’est ce que tu voulais devenir sans le pouvoir. C’est à la fois la chose la plus proche et la plus éloignée de ce que tu es.

Je n’ai jamais été capable d’être complètement moi-même, ou de vivre ma vie exactement comme je le voulais. Je ne suis même pas certain d’avoir compris qui était réellement ce « moi-même ». Je vais donc mourir empli de toutes ces erreurs et de tous ces regrets, de tous ces rêves que je n’ai pas accomplis — les gens que je n’ai jamais rencontrés, les choses que je n’ai jamais goûtées, les endroits où je ne suis jamais allé. Mais ça ne me dérange plus. Je suis satisfait de qui je suis et de la manière dont j’ai vécu. Je suis heureux ne serait-ce que d’avoir été là. Où aurais-je pu être, à part ici ? […] Peut-être que Dieu ne me demandait pas d’évaluer la valeur des choses que je faisais disparaître, mais celle de ma propre vie. […] Dieu a créé le monde en sept jours. En sept jours, j’en ai fait disparaître une partie. Mais je n’ai pas pu me résoudre à faire disparaître les chats…

Bref, lisez-le !

Pour infos :
éditions Pocket, 176 pages, 6,40€