Publié dans Bouquinade, Roman

Treize raisons (Jay Asher)

Amis du bon matin, bonjour !

Ce matin, en ouvrant mes rideaux occultants, quelle ne fut pas ma surprise de ne pas entendre les gloussements des adolescentes et les interpellations au français approximatif des jeunes lycéens du quartier. Mais oui m’sieur-dame, notre belle France est en vacances. Enfin, pas la France qui bosse, l’autre 😉 Trêve de plaisanterie, ce silence me fait du bien, alors avant de partir au boulot, un billet sur un bouquin que j’avais sur mes étagères depuis un bout de temps…

13_raisons

Sarakontkoi ?
Hannah Baker s’est suicidée. Mais, loin des suicides empâtés de pathos de ceux qui ont baissé les bras, elle laisse à des camarades soigneusement choisis 7 cassettes. 13 faces qui expliquent les raisons de son geste. 13 faces qui pointent un doigt accusateur sur les piques anodines, les rumeurs adolescentes, les gestes et paroles déplacés que l’on dispense sans vraiment y prêter attention. 13 faces qui vont changer la vie des 12 personnes à qui elles sont destinées. Clay Johnson est l’une de ces faces, et, l’espace de quelques heures, il suit Hannah dans son dernier enfer.

Tenpenskoi ?
Tout d’abord, laissez-moi vous dire que pour moi, ce livre n’a pas été évident à aborder. Je ne m’étendrai pas là-dessus, mais le suicide est un acte que je ne connais pas et que je ne comprends pas. Avant de lire ce livre, il s’agissait pour moi d’une manière de baisser les bras, une ultime tentative d’attirer l’attention et un geste d’un égoïsme sans nom. C’est dur à écrire, dur à entendre et à comprendre. Aujourd’hui, je n’ai pas changé d’avis. Parce que le suicide d’Hannah Baker est différent. Il n’est pas un acte de lâcheté. Il est un acte. Sur ses détracteurs, Hannah pose un regard condescendant, et plein d’ironie. Et cette décharge d’accusations nous fait du bien. Un peu comme une catharsis, on évacue nos propres frustrations.

Même si l’idée de départ est morbide, le fond est mordant, et on a du mal à croire que cette jeune fille cynique, drôle et d’une intelligence si juste sur ses cassettes ait décidé de mettre fin à ses jours. C’est comme si, consciente qu’elle allait disparaître, elle osait enfin recracher tout l’acide qu’elle avait avalé. Ce qui, en fait, est le cas. Cela dit, je comprends la démarche, la détresse, mais toujours pas le geste final, quand ce que cette jeune fille décrit est certes atroce, mais pas pire que ce qu’endurent chaque jour des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants. Je sais en tout cas que ce roman ne m’a pas lâchée (oui, c’est lui qui me tenait). Cela dit, j’entrevois à présent comment l’idée du suicide, une fois implantée comme une possibilité dans un esprit fragile, peut germer et faire son chemin pour s’imposer comme une nécessité. Bref, à lire !

Pour info :
Pour la première édition : Albin Michel, collection Wiz, 288 pages, 13,70€ chez votre libraire.
Pour l’édition poche : Le livre de poche, 320 pages, 6,90€ chez votre libraire

PS : pardonnez-moi si mes propos ont paru injustes ou cruels à certains. Je ne fais que donner une opinion, qui est la mienne. Le suicide est un sujet sensible. Le débat reste ouvert cela dit, et je suis consciente que le fait que certains aimeraient vivre et ne le peuvent pas n’oblige pas les autres à profiter de leur vie… et pourtant !
Pour vous illustrer mes propos, voici un bouquin que je n’ai pas lu, mais que je pense me procurer très vite : Je veux vivre. L’histoire d’une jeune fille condamnée par la maladie, qui veut tout vivre avant sa mort. Voici le lien http://www.pocketjeunesse.fr/site/je_veux_vivre_&100&9782266217149.html.

Publié dans Bouquinade, Roman

Séléné (Barbara Wood)

Amis du jour, rebonjour !

Me revoilà pour présenter un coup de cœur de longue date. Le genre de bouquin qu’on a lu un jour, et on s’est dit « ah, vraiment, j’adore ». Et quand on nous demande, avec une pointe d’intérêt : « ah oui ? De quoi ça parle ? », eh bah on a l’air stupide. Parce que la vérité, c’est qu’on ne sait plus, que ce fameux livre a laissé chez nous comme un goût de ah-ouais-c’est-sympa, mais qu’on est bien incapable d’en donner le nom du personnage principal. En bref, il ne nous reste plus qu’à le relire. Et comme ma PàL (Pile à Lire) ne descendait pas, j’ai tout de même eu des scrupules à relire un livre que j’avais déjà lu. Mais qu’à cela ne tienne, après tout, c’est moi qui décide… Merci à ma moman de me l’avoir conseillé en premier lieu, il y a des années.

Sarakontkoi ?
Palmyre, Syrie. Sous le règne de l’empereur Tibère puis Claude. Séléné est une enfant choisie par les dieux. Née dans le secret chez Méra, une guérisseuse, elle se retrouve orpheline dès sa venue au monde. Son père a été assassiné, son frère jumeau et sa mère à peine sortie de couches emmenés. Elle grandit donc à Antioche sous l’œil vigilant de Méra, qui l’élève comme sa fille et lui transmet son savoir. Au début du roman, Séléné est une toute jeune fille de seize ans, à l’orée de sa vie de femme, timide et bègue. Jusqu’à ce qu’elle rencontre Andréas, le médecin, qui va partager avec elle ses propres pratiques. Mais les dieux ont parlé et Séléné doit quitter Antioche pour accomplir son destin. Séparée de l’homme à qui elle se destinait corps et âme, elle recherche son identité et le but de sa vie. De la Perse à Jérusalem en passant par Babylone, Séléné n’aura de cesse de rassembler les pratiques et savoirs médicaux, et de poursuivre le chemin que les dieux ont tracé pour elle.

Tenpenskoi ?
Une grande épopée, qui se lit extrêmement facilement. Le destin de Séléné est tout à fait fascinant, et elle nous emmène avec elle dans sa course et sa soif de savoir. Entre ses désirs, ses craintes, ses déceptions et ses sacrifices, elle n’en est pas moins le vaisseau qui nous emmène à la découverte de cultures et de pratiques maintenant oubliées, que l’on a plaisir à redécouvrir avec elle. Perso, j’y ai même trouvé un soupçon de romance à la Harlequin (mais pas trop, ça reste très léger) assez sympa.

Je salue au passage le début de chaque partie, qui présente une scène totalement décrochée du wagon précédent, et qui au bout de quelques pages se recentre sur Séléné. Le procédé est parfaitement maîtrisé, et recontextualise cette espèce de patchwork qui sans ça serait complètement décousu. Chapeau également pour l’exactitude des infos (en même temps, l’auteur était infirmière en neurochirurgie). Soit dit en passant, le joli livre toilé avec tranchefile de France Loisir ne fait pas oublier le bon nombre de coquilles présentes dans le texte (plus d’une dizaine). Je sais que l’erreur est humaine, mais c’est pas terrible terrible, toussa !

Pour info (et pour mon édition, parce qu’il y en a plusieurs) :
France loisirs (première édition chez Presses de la Cité), environ 533 pages, prix selon vendeur à ce jour…

Publié dans Bouquinade, Roman

Les quatre filles du docteur March (Louisa May Alcott)

Bonjour à tous, bonjour à toutes !

J’espère que vous avez été de bons lecteurs pendant mon absence et que vous avez bien acheté le dernier Mathieu Hidalf ! Ou bien la série si vous n’en aviez aucun. Bien, nous pouvons donc continuer notre petit bonhomme de chemin littéraire. Et cette fois-ci, pour un classique de la littérature de jeunesse… lu pendant les 22h de bus qui séparent Clermont-Ferrand de Berlin. Faut bien que ça serve aussi…

Sarakontkoi ?
États-Unis, pendant la Guerre de Sécession (deuxième moitié du XIXe siècle). Meg, Jo, Beth et Amy March ont entre 11 et 16 ans. Jeunes filles sans fortune, elles sont élevées dans une famille humble par une mère pieuse, patiente et aimante, tandis que leur père a pris le chemin du front. Pendant l’année qui s’écoule au fil du roman, chacune grandit et apprend de ses erreurs : la belle Meg tente de refouler sa coquetterie mal placée ; Jo, le garçon manqué, se lance corps et âme dans l’écriture et contrôle tant bien que mal son impulsivité ; Beth, toujours tendre et attentive, va pourtant combattre sa timidité maladive ; enfin, Amy apprend la patience et met de côté ses petits besoins personnels. Les amitiés, les premiers amours et les projets rythment cette année haute en couleur, qui scelle le destin de la famille March.

Tenpenskoi ?
Voilà un bout de temps que je voulais le lire ! La version cinématographique, avec Winona Ryder et Susann Sarandon entre autres, m’avait particulièrement touchée, et je m’étais entichée de cette chère Jo March, qui est encore aujourd’hui mon héroïne. Alors pour le coup, c’est le processus inverse qui s’est opéré : d’abord le film, ensuite le livre. J’avoue tout de même que j’avais peur que ma Jo soit différente sur le papier (oui, on sait à quel point Hollywood aime créer des personnages forts, parfois tirés à l’extrême). Qu’elle soit plus mièvre. De 1868 à 1995, il y a un monde et les interprétations changent beaucoup. Mais je dois avouer que je n’ai pas été déçue.

En revanche, ayant étudié un peu la littérature de jeunesse, je m’étais penchée sur les mécanismes moralisateurs des auteurs de l’époque… C’est un peu comme voir les fils des marionnettes, on capte consciemment un message censé être distillé dans l’inconscient collectif. On sent bien les petits discours sur la religion, la patience, la compréhension et la générosité. Mais on apprécie aussi les jeunes femmes de caractère que dépeint Louisa May Alcott, pleines de vie et de projets, des femmes indépendantes. Bref, un petit délice. Je vais plonger sur la suite (si je la trouve, parce que le tome 2, Les filles du Docteur March se marient, est pas facile facile à trouver…).

Pour info :
Gallimard Jeunesse, collection Folio Junior, 374 pages, probablement pas plus de 5,80€ chez votre libraire !

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Quatre filles et un jean : Pour toujours (Ann Brashares)

ATTENTION : AVANT-PREMIERE

Amis du soir, bonsoir !

Et je l’ai fait ! Le dernier Quatre filles et un jean, l’ultime aventure de Tiby, Carmen, Lena et Bridget, repose maintenant sur l’étagère de ma bibliothèque réservée aux livres lus. Pari risqué puisque bouquin entamé hier. Et c’est les cils encore bordés de larmes que je vous rapporte (quasi en direct) cette dernière lecture. Et comment mieux fêter mon 200e billet ?

Sarakontkoi ?
On prend les mêmes et on recommence. Tiby, Lena, Bridget et Carmen, dix ans après la fin du dernier tome. Elles se sont éloignées. Carmen a maintenant un petit rôle régulier dans une série à succès, est fiancée à Jones et vit dans un loft à la déco aseptisée. Lena donne des cours de dessin, apprend (enfin !) le grec et vit dans son studio/atelier, où elle passe sa vie à attendre. Bridget bouge d’appartement en appartement, traînant Eric dans son sillage, sans vraiment trouver de place ou de job qui lui convienne. Et Tiby… Tiby fait la morte en Australie, où elle vit avec Brian depuis deux ans. Bref, elles en sont toutes plus ou moins au point mort, jusqu’au jour où Tiby leur envoie à toutes un billet pour la Grèce, et leur propose de se réunir là-bas. Mais rien ne se passe comme prévu, l’impensable arrive, et les pousse à questionner la force des liens qu’elles pensaient avoir tissés…

Tenpenskoi ?
Je ne peux pas vous décrire la fébrilité et l’appréhension avec lesquelles j’ai ouvert ce bouquin. J’ai grandi avec ce quatuor, et quoi que l’auteur en fasse, j’avais très peur de ce qui allait en ressortir. On ne reprend pas ses personnages 10 ans plus tard pour leur faire tranquillement danser la valse ! Il allait se passer quelque chose. Je me souviens, jeune lycéenne, combien j’aurais voulu ressembler à Bridget, être aussi douée que Lena, avoir le tempérament de Carmen et l’œil et la sagesse de Tiby.

Rassurez-vous, tout y est, même si les pièces se mettent en place petit à petit. Ann Brashares a le don pour faire se croiser des destinées, et faire qu’elles se manquent de peu, jouant avec les nerfs du lecteur. Mais vous et moi, chers lecteurs de la première heure, ne nous laissons pas prendre. Et si Ann a fait un pari osé qui aurait pu détruire tout ce qu’elle a construit sur les 4 tomes précédents, elle l’a remporté avec succès, haut la main. Toujours dans cette finesse psychologique (elle connaît sur le bout des doigt les labyrinthes de ses héroïnes, étriqués, compliqués, mais tellement différents, tellement intenses), elle fait ce qu’elle n’avait pas fait dans les quatre premiers tomes : elle fait de ses filles des adultes. Mention pour ceux qui trouveraient la fin cul-cul : j’ai envie de dire « WTF » ? Lisez Goethe si vous voulez vous suicider. Moi ça m’a requinquée. À lire d’urgence ! (Ma coupine-libraire Charlotte nous dira si on peut lire le 1 et passer au 5 directement).

Pour info :
Gallimard Jeunesse, Grand format littérature, 422 pages, 18 euros chez votre libraire (sortie le 7  juin… jeudi !)

Publié dans Bouquinade, Roman

La Délicatesse (David Foenkinos)

Comme une envie de littérature adulte après tous ces grands récits adolescents… Et une histoire d’amour improbable, c’était fait pour moi. Pas de bovarisme là-dedans (= pas d’identification extrême au personnage), juste une envie subite de lire un truc probable où l’homme n’est pas chasseur de créatures étranges, et la femme pas une hybride moitié vampire, moitié ange. Et un truc facile. La Délicatesse était tout indiqué.

La rencontre de Nathalie et François a tout du conte de fées. Il a un coup de foudre, l’aborde, elle accepte de prendre un verre. Et pour un jus d’abricot, il l’épouse. Leur bonheur est parfait… mais visiblement pas fait pour durer. Lors de son footing dominical, François meurt d’un accident stupide. Nathalie n’a plus rien, ne veut plus rien. Elle finit par noyer sa peine dans le travail. Arrive Markus. Markus, c’est le type pas beau, passe-partout. Pas plus ni moins que tout le monde. Le suédois d’une boîte française appartenant à une holding suédoise. Pourtant, lorsqu’il entre dans le bureau de Nathalie ce jour-là – Nathalie dont il a intégré l’équipe de travail – elle se lève et l’embrasse. Puis se rassied, et reprend le cours de leur discussion. Pour Nathalie, il ne s’est rien passé. Pour Markus, c’est le premier jour du reste de sa vie. Et si cette banalité apparente cachait bien plus ?

Comme je le disais, une belle histoire d’amour, simple, touchante. Pleine de délicatesse, le livre porte bien son nom. Et les personnages sont tellement authentiques ! Par exemple, Markus, c’est le cheveu sur la soupe de cette histoire. Le cheveu sur la soupe ou l’homme de la situation, j’avoue que j’hésite. Toujours est-il que le résultat est là. Un peu naïf, il est pourtant le seul à pouvoir approcher Nathalie. Et Nathalie, qui essaie de se tenir à flot. À travers qui on tente de comprendre « l’après ». L’après-apocalypse, l’après-tsunami, la perte, l’absence.

Pour moi, le livre n’a rien d’une révélation. Le battage médiatique tient tout au plus à l’universalité du sujet, et à l’évidence du texte. Parce que, oui, il se pose comme une évidence, d’une simplicité reposante, et pourtant émotionnellement tellement riche ! On a l’impression de redevenir des enfants, qui voient la vie de Nathalie se reconstruire comme ils construiraient des maisons en Lego, patiemment, pièce par pièce. Bref, hommes et femmes, je vous le conseille, parce qu’on passe sincèrement un bon moment.

PS : je n’ai pas aimé le film. Pour moi, David Foenkinos, qui est à la fois l’auteur du livre et du scénar du film, n’a pas su se départir de son roman, ni prendre le recul nécessaire. Dommage.

Pour info :
Gallimard, collection Blanche (ou Folio), 200 pages, 16€ (pour l’acheter : bougez vos fesses chez le libraire en bas de chez vous !)

Publié dans Bouquinade, Roman

Un jour, mon prince (Shaïne Cassim)

Une lecture personnelle, qui a une histoire un peu particulière sur laquelle je ne m’attarderai pas. Mais sachez que tout est parti de l’auteur. Pour le coup, être curieux a du bon, on se rend compte qu’on peut aussi faire des découvertes sympathiques par soi-même.

Crédits couverture : © Grasset-Jeunesse

Charlotte, dite « Charlot », est-elle folle ? On la retrouve un jour à délirer sur le chemin de la gare, alors qu’elle devait aller chercher du pain. Non, elle n’est pas folle. Le monde est simplement trop beau pour elle. Ses émotions sont exacerbées, elle est sans arrêt à fleur de peau. Mais elle l’explique très bien elle-même, elle raconte le centre, le petit frère qu’elle a adopté, ce voisin pour qui elle pourrait se damner, le docteur aux méthodes étrangement humaines. Avec ses mots, elle nous dit son monde. De la folie ? Peut-être…

Je me suis d’abord dit : mon Dieu, mais qu’est-ce que c’est ? De quoi parle-t-elle ? Je ne suis pas très calée en pathologies psychologiques, alors je n’ai pas cherché à savoir de quoi il s’agissait, s’il y avait un sens caché. J’ai simplement essayé de me laisser porter, de voir les choses à travers les yeux de Charlotte, de faire avec elle ce chemin vers le monde, et vers ce qu’elle veut vraiment, de mettre en place avec elle ce filtre à émotions qui lui permet de rendre le monde supportable. Alors j’ai été touchée.

Réfléchissez si vous le voulez, tentez de trouver la métaphore, de décrypter le combat, de comprendre le pourquoi du comment. Mais sachez que vous pouvez aussi laisser Charlotte vous parler.

Pour info :
Grasset-Jeunesse, collection Lampe de poche, 119 pages

Publié dans Bouquinade, Roman

Mister Pip (Lloyd Jones)

Un conseil de ma consœur et grande copine Maëlle, avec qui j’adore parler bouquin (vous savez, le genre de personnes dont vous savez qu’elle vous fera découvrir des petites perles dont vous n’auriez jamais entendu parler, ou que vous ne seriez pas allé chercher par vous-même). Merci donc ! C’est à mon tour maintenant.

Crédits couverture : © Petra Borner    pour Michel Lafon

1991. Matilda est une jeune fille qui vit sur une île du Pacifique. Sa peau est noire, elle vit dans une case avec sa mère, et son père les a quittées pour aller travailler à la mine. 1870 environ. Pip est un jeune orphelin, il vit en Angleterre et gravit peu à peu les échelons de la société, oublie son passé pour se construire un futur meilleur. Matilda est réelle. Pip est le personnage d’un roman de Dickens. Mais lorsque Bel Oeil – le seul (et étrange) blanc du village – les introduit l’un à l’autre, Matilda reconnaît en Pip ses propres espoirs, ses craintes, et ses rêves. Grâce à lui, qu’elle considère comme son ami, Matilda réussit à s’évader de la réalité qui est la sienne – la guerre civile, le sadisme et la cruauté des soldats et des rebelles, les massacres perpétrés par soif de pouvoir -, à quitter son île, mais aussi (et c’est peut-être le plus compliqué) à y revenir.

Il est certaines personnes pour qui les livres sont une porte ouverte sur le monde, un moyen de pénétrer dans un autre univers, de sortir du quotidien, voire de l’oublier. Certaines personnes pour qui le livre devient un ami. Matilda est de ceux-là. Dans le monde de Pip, elle ose espérer un autre avenir, elle comprend ce qui la retient à sa terre, mais aussi ce qui pourrait la pousser à partir. Le livre est un refuge, un guide, et avant tout, il existe en dehors de son enveloppe de papier (tiens tiens, un petit échos aux débats quotidien, si on creuse…).

Une histoire magnifique, qui en dit long sur la nature humaine, qui nous pousse à nous demander : « et moi, j’aurais fait quoi ». Mais aussi le livre où un livre tient l’un des rôles principaux. À découvrir, et pourquoi pas à relire, afin de capter chaque nuance que l’auteur a peint dans son ouvrage.

Pour info :
Michel Lafon, 257 pages

Publié dans Bouquinade, Roman

La belle Adèle (Marie Desplechin)

On continue dans la lignée des Gallimard Jeunesse (je vais devoir arrêter, ou demander une augmentation… il m’en reste 3 ou 4 et ensuite, j’essaie de passer à autre chose). Je vous présente donc La Belle Adèle, sympathique roman sur l’adolescence et la difficulté de s’intégrer.

Adèle est une collégienne dont la réputation n’est plus à faire. Un peu garçon sur les bords, le maquillage, c’est pas son truc. Au contraire, son meilleur ami Frédéric – un jeune garçon dont les parents sont asiatiques et parlent à peine notre langue – est une tête en français et a tendance à se faire marcher dessus. Bref, ni l’un ni l’autre n’est vraiment intégré. Alors ils s’aident l’un-l’autre : elle le défend, il fait ses devoirs pour elle.
Leur petite routine leur va. Mais c’est sans compter sur la tante d’Adèle, qui aimerait en faire une vraie fille et lui offre une séance de maquillage pour son anniversaire. De là naît une idée : et si pour s’intégrer, Adèle jouait la fille et Frédéric son petit copain ? Les couple, eux, sont intégrés. Mais un battement d’ailes de papillon peut faire naître un raz de marée. Et de petit mensonge en séance photos improvisée, leur vie ne sera plus la même.

On ne peut pas s’empêcher de l’aimer et de la trouver agaçante cette Adèle. Une ado, une vraie. Parce qu’il y a plusieurs type d’adolescentes. Elle est loin des chichis et des trucs entre filles, bien qu’elle soit fille unique d’une mère célibataire. Une bonne partie des jeunes lecteurs se retrouveront dans ce sentiment de malaise, cette sensation de n’être à sa place nulle part. On est loin de la caricature, même si les traits de caractère des deux adolescents sont poussés à leur paroxysme. Ils sont plutôt deux représentants de leur génération.

L’écriture de Marie Desplechin a cela d’original qu’elle est à la fois très universelle, mais aussi générationnelle. En nous replongeant dans nos années collège, elle remue nos souvenirs de jeunes ados complexés, mais elle nous montre aussi l’écart qui peut exister entre une génération de jeunes comme la mienne (collège d’il y a dix ans) et celle d’aujourd’hui. Et c’est là son tour de force. La fin est un peu abracadabrante ou alors expédiée, mais c’est ça qui a coincé pour moi. Bref, à faire lire aux collégiens, ça risque de faire mouche !

Pour info :
Gallimard Jeunesse, collection Romans Junior, 154 pages (8,50€)

Publié dans Bouquinade, Roman

Rien de grave (Justine Levy)

Amis du jour, bonjour !

Je continue sur ma lancée (je le sens bien là) et j’enchaîne avec un livre qui m’a été offert par ma précieuse amie Allyson (juste après une rupture, ça tombait très bien, et vous allez comprendre pourquoi).

Louise raconte sa rupture avec Adrien, celui qu’elle pensait être l’homme de sa vie, et la trahison de ce dernier avec la femme de son père, la mort de sa grand mère et le cancer de sa mère, l’absence d’un père qu’elle pensait pourtant être le pillier de sa vie, la descente aux enfers, les pseudo-solutions lorsqu’elle sent que l’amour fuit le regard d’Adrien, les soupçons. Et la guérison progressive, la cicatrice qui reste, pas bien grosse, mais là quand même, l’indifférence qui survit à cet amour trop fort. À trop se regarder l’un l’autre, ils n’allaient nulle part. Finalement, cette rupture c’est peut-être ce qui pouvait lui arriver de mieux.

Loin des récits mièvres de rupture, où la rage donne aux protagonistes des paroles fort inspirées chargées d’acides, mais néanmoins accrocheuses, il ne s’agit pas ici de s’appitoyer, mais d’exorciser. De raconter avec le recul, de revivre pour tenter de comprendre. Et surtout d’ouvrir les yeux. De voir ce que cache cette pseudo-perfection chez l’autre, de cracher la haine que les convenances nous empêchent d’éprouver. De dire ce qu’on aurait voulu dire. Et surtout de montrer. De montrer la douleur dans toute la simplicité de son horreur.

Le ton n’a rien de pathétique. Justine – parce que c’est bien d’elle qu’il s’agit, et de sa rupture avec celui qui deviendra le futur ex de Mme Bruni-Sarkozy – nous raconte sans nous épargner, avec le sang froid d’un chirurgien qui opère, les labyrinthes dans lesquels elle s’est perdue. Elle ne cache rien de ses déboires, de ses mensonges. Elle fait vivre son récit par un style lapidaire et épuré. Pas de déclaration grandiloquente, de regard dédaigneux, de pique bien trouvée, mais l’explosion de la colère pure, le chagrin dévastateur, et le calme de l’indifférence qui suit la tempête. Un bijou. Moi ça m’a guérie… un peu. À lire !

Pour info :
Stock, 194 pages
Perso, je l’ai lu chez Le Livre de poche, collection Littérature & Documents, 220 pages

Publié dans Bouquinade, Roman

Le mec de la tombe d’à côté (Katarina Mazetti)

Un titre bizarre. Un truc qui, quand on le croise, nous fait l’effet d’une jolie fille dans la rue : on se retourne et on l’envisage, même distraitement. Le Mec de la tombe d’â côté, je l’ai croisé par hasard sur l’affiche d’un théâtre (oui, parce que c’est aussi une pièce). Je me suis dit « tiens, pourquoi pas ? » Et puis j’ai oublié. Le bouquin a recroisé ma route dans une librairie gay, au hasard d’une promenade nocturne dans les rues de Paris avec ma Binôme…

C’est l’histoire d’une rencontre. Celle de Désirée, bibliothécaire palote (voire fade), et Benny, fermier un peu rude. Elle a perdu son mari (avec qui ses relations étaient plus platoniques que passionnelles) et lui sa mère (qui s’occupait de toute son administration et de tenir sa maison). Plusieurs fois par semaine, ils partagent le banc du cimetière. Il la trouve agaçante et nunuche avec ses vêtement pâles et son bonnet en feutrine, elle trouve la tombe pleine de fioritures qu’il couvre de fleurs complètement ridicule. Et pourtant, un simple sourire va les rapprocher. Mais est-ce bien suffisant ?

Je l’ai dévoré. Je n’ai pas pour habitude de m’intéresser à ce qu’on appelle le « phénomène de la littérature nordique » ; de fait, je suis passée à côté de Millenium. Mais là, je ne sais pas… les critiques parlent de rapprochement malgré les « classes sociales ». C’est peut-être vrai. C’est ça, mais c’est aussi un point de vue féminin et indépendant et un point de vue masculin. Il ne s’agit pas de machisme ni de féminisme, mais de savoir comment intégrer à sa vie bien rangée, encombrée de petites habitudes et autres maniaqueries (dans les deux sens), les bibelots, horaires et autres points de vue du conjoint. Comment accepter l’autre. Est-ce un combat, celui qui gagne le plus de terrain sur l’autre ? Le problème dans ce couple, c’est que les concessions ne sont envisagées qu’à sens unique.

Le style est extra. Très oral tout en restant correct, on a vraiment deux témoignages différents, deux points de vue sur un même détail / événement / conflit. Deux points de vue sur la rencontre, l’amour et la vie. L’auteur utilise intelligemment ses deux plumes pour faire raisonner les voix totalement opposées de Désirée et Benny. On montre du doigts, on juge, mais au fond, nous aussi, on y réfléchit… À lire !
Pour info :
Actes Sud, collection Babel, 253 pages.