Publié dans Bouquinade, Litté de l'imaginaire (SF, Fantasy, Fantastique)

Trilogie d’une nuit d’hiver, T1 : L’Ours et le rossignol (Katherine Arden)

Amis du jour, bonjour !

Je n’ai absolument aucune idée de la manière dont je vais chroniquer ce roman. Il s’agit encore une fois d’un roman que le bookclub a mis sur mon chemin de lectrice. J’en avais entendu beaucoup de bien, il partait donc avec un avantage…

Le Pitch :
Vassia, dernière née d’un chef de village, au premier abord assez disgracieuse, adore les histoires que lui raconte sa nourrice ; plus particulièrement celle du roi de l’hiver. Mais, pour Vassia, ce sont bien plus que des histoires. En effet, elle est la seule à voir les esprits protecteurs de la maison, à entendre l’appel insistant des sombres forces de la forêt qui semblent s’éveiller. Ce qui n’est pas du goût de la nouvelle femme de son père, dévote acharnée, bien décidée à éradiquer de son foyer les superstitions ancestrales.

Mon avis :
Proposé dans le cadre du thème des réécritures de contes, parce qu’inspiré du folklore russe, voilà un roman qui aura partagé les lectrices du club. Long, souvent contemplatif, il est certains qu’il ne vous gardera pas éveillé.e.s pendant vos longues soirées d’hiver. Un lecteur peu attentif pourrait croire que mon appréciation du roman est donc plutôt mauvaise. Détrompez-vous. Long ne veut pas dire ennuyeux. Contemplatif peut vouloir dire beau. C’est donc un roman qui prend son temps. Qui, telle une soirée d’hiver, engourdit un peu vos doigts, vous pousse à vous enrouler dans une couverture avec une soupe bien chaude pour profiter de votre lecture.

Vassia est de ces personnages dont le charisme transcende le roman. Sans être démonstratif, son caractère franc et sa gentillesse naturelle, son refus de laisser sa famille ou ses proches lui dicter sa conduite sont rafraîchissants. J’aime qu’elle soit décrite comme étrangement laide au premier regard, mais d’une beauté sauvage et fascinante lorsqu’on s’y attarde, loin des standards établis. Sans en faire des caisses, Vassia se creusera un trou dans votre cœur et y restera blottie indéfiniment.

Autour d’elle, Katherine Arden réécrit les légendes russes, le froid qui mord, le vent qui parle et ces petits esprits qui partagent notre quotidien. Elle réécrit le combat entre les anciennes croyances et le christianisme outrancier et démonstratif, qui, s’il a longtemps cohabité avec les déités mineures locales, a à présent décidé de les chasser. Elle décrit le puritanisme qui pourrit le cœur et le corps. L’amour qui détruit par peur de perdre. Bref, un superbe roman qui laisse présager une suite épique dont on m’a dit le plus grand bien.

Pour info :
Trad. Jacques Collin
grand format : éditions Denoël, 368 pages
format poche : éditions Folio SF, 464 pages

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Divergente : Trilogie (Veronica Roth)

Amis du jour, bonjour !

Il y a un ou deux ans, j’avais décidé de redécouvrir les grands classiques de la dystopie pour adolescents. Raison pour laquelle j’avais écouté la trilogie La Sélection, de Kiera Cass, et commandé sur Vinted les 3 tomes de Divergente. Une fois reçus, ils ont traîné, traîné, jusqu’à ce que nous proposions, dans le cadre du club de lecture, de lire des romans adaptés au cinéma. L’occasion, le larron, bibidi babidi bou, j’ai enchaîné les trois tomes (tant qu’à faire) et me voici pour vous parler de ma lecture.

Le Pitch :
Beatrice vit dans une société fractionnée en 5 groupes sociaux basés sur un trait de caractère prédominant, les factions : les Audacieux, les Fraternels, les Erudits, les Sincères, et les Altruistes. C’est dans cette dernière faction qu’elle a été élevée. Si le test qu’elle passe pour ses 16 ans la classifie comme divergente — ayant un potentiel pour appartenir à plusieurs castes — elle sait qu’elle devra le cacher au risque de devenir une paria. Lorsque le choix se présente, c’est aux Audacieux qu’elle décide d’appartenir, mettant sa vie en danger dans un entraînement dont la seul issue et le podium ou la mort…

Mon avis :
Je connaissais Divergente à travers les films tirés de la trilogie. Ceci dit, on le sait, les romans sont toujours beaucoup plus poussés que leurs adaptations, d’aucuns diraient « bien meilleurs ». C’est effectivement le cas ici. Riche en rebondissements, en action, mais aussi en analyses sociétales, c’est une trilogie qui aborde le sujet de la nature humaine. Il est question de notre propension à suivre des protocoles établis, à refuser tout type de contrôle sur notre libre arbitre, ou au contraire à l’accepter. C’est aussi une réflexion sur la différence entre l’altruisme, l’entraide et la conscience de l’individualité de chacun. C’est l’histoire d’une humanité qui a cru pouvoir se décharger de la culpabilité de ce qu’elle était devenue. Outre ces quelques prémices d’anthropologie, on assiste à l’éclosion d’un esprit critique, à la remise en cause de faits établis arbitrairement, de valeurs excessives.

Pour ne pas m’étendre sur le style, je dirais qu’il est très simple. Il est absolument certain que Veronica Roth n’a pas cherché à m’éblouir par sa maîtrise de la langue. Mais vous savez quoi ? C’est un roman d’action, ça passe. En revanche, j’ai trouvé quelques longueurs aux tomes 2 et 3. Dans la thématique, chaque tome est très bien découpé. C’est une histoire qui se raconte en trois phases. Trois phases, trois romans (oui, bon, quatre avec l’histoire racontée par Quatre). Mais le tome 2 est fait de beaucoup d’aller-retours dans la ville, de piège, de sauvetages in extremis (ce qui a rendu mon résumé divulgachant à Victoria laborieux). Et le tome 3 ressasse le besoin de vengeance et de justice sociale… bon, on a un peu compris. Je salue en revanche le parti pris culotté de la fin, peu habituel dans un roman destiné à la jeunesse. C’est une conclusion logique et impactante. Bref, je suis ravie de pouvoir aujourd’hui proclamer que oui, Divergente, c’est bien, mais que Hunger Games, c’est mieux. Plus sérieusement, j’en recommande la lecture aux amoureux de dystopies, c’est un chouette détour à s’offrir.

Pour info :
trad. de Anne Delcourt
Grand format : éditions Nathan
Tome 1 : 488 pages, 2011
Tome 2 : 460 pages, 2012
Tome 3 : 464 pages, 2014
Poche : PKJ
Tome 1 : 504 pages, 2017
Tome 2 : 528 pages, 2017
Tome 3 : 528 pages, 2017

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Le Lien maléfique (Anne Rice)

Amis du jour, bonjour !

En ce moment, je vous parle beaucoup des lectures que nous avons sélectionnées pour le club de lecture (c’est normal, c’est tout de même un livre par mois). Ce billet ne fait pas exception, mais ce roman-ci a traîné plus de 5 mois !

Le Pitch :
Ce roman raconte-t-il l’histoire de Rowan Mayfair, retirée à sa mère folle alors qu’elle n’était qu’un bébé, aujourd’hui grande chirurgienne douée d’un étrange pouvoir sur les corps ? Ou est-ce celle de Mickael Curry, architecte ayant frôlé la mort, à demi-fou depuis parce qu’il a hérité du pouvoir de lire les gens et les objets en les touchant ? C’est peut-être aussi l’histoire d’Aaron Lightner, qui les surveille discrètement et qui étudie avec son organisation, le Talamasca, l’histoire de la famille Mayfair…

Mon avis :
Pour commencer, lorsqu’on publie un roman si dense, il devrait être interdit d’en supprimer les marges ! Oui, je te regarde Pocket… Physiquement, ce roman était une purge à lire. Ce défaut a d’ailleurs légèrement contribué à la lenteur de mon avancée. Heureusement, les nouvelles éditions sont plus digestes ! Mais dans le texte, que vaut-il ?

Ce n’est pas pour rien que mon résumé est si nébuleux et évoque plusieurs personnages. Le roman s’ouvre sur le médecin responsable du traitement de Deirdre Mayfair, un patiente folle rendue docile par la lourde médication qu’il lui administre ; entourée d’une étrange présence qui semble vouloir la protéger, elle fait naître chez le médecin un sentiment de malaise. Puis focus sur Aaron Lightner, mystérieux personnage entre deux âges qui semble interroger tous ceux qui s’approchent des Mayfair. Puis c’est l’histoire entière de Mickael Curry qui est décortiquée… Bref, vous l’aurez compris Anne Rice va au fond des choses, tout a une histoire, une généalogie, et rien n’est laissé de côté. Au quart du roman, tu n’es toujours pas très sûr.e de l’histoire que l’on cherche à te raconter.

C’est bien plus qu’un, roman, c’est une investigation complète sur chaque être humain qui a côtoyé la famille Mayfair, et au sens propre puisque le dossier Mayfair est entièrement compris dans le roman. Oui, oui, les treize générations. Ainsi que l’histoire des agents du Talamasca qui ont contribué à sa rédaction. C’est un très gros morceau, et il vaut mieux être préparé.

De même, Anne Rice ne fait pas semblant de parler de sorcellerie, de possession. On ne fait pas dans le joli, dans le ouaté, pas de livre des ombres, de sortilèges, pas de coven de sorcières ni de fioritures magiques. La magie est pouvoir, elle fait partie intégrante des descendantes Mayfair. Et cette descendance se travaille, les gènes se purifient par l’inceste, les relations intrafamiliales. Et là, j’ai perdu la moitié du lectorat, mais je n’en ai pas terminé. Il n’est pas question de s’insurger contre ces pratiques, ce n’est pas le sujet du livre, dont le ton reste froid et professionnel, extérieur aux horreurs que vivent ceux qui s’opposent à l’esprit qui protège les femmes Mayfair.

C’est complexe, tortueux, mais ça a cette authenticité, ce truc qui pourrait te faire croire que tout est vrai. Parce que le roman ne cherche pas particulièrement à être beau, divertissant ni conventionnel. Bref, une lecture que, même si je l’ai trouvée laborieuse, j’ai beaucoup appréciée, ne serait-ce que pour l’écriture, les recherches et le reste de la montagne de taf que le roman a dû demander. Vous l’aurez compris, je ne le conseille pas à tout le monde. Il faudra s’armer de patience et de curiosité, c’est le seul moyen d’arriver à bout de cette brique !

Pour info :
Grand format : éditions Robert Laffont (1992), trad. Annick Granger de Scriba, 731 pages
Poche : éditions Pocket (1999), trad. Annick Granger de Scriba, 763 pages

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La Légion neuve, T1 – La Mémoire du sang (Ellie Ariny)

Amis du jour, bonjour !

Quel est le meilleur moyen pour sortir un livre dormant de ta PAL ? Je te le donne en mille : il suffit qu’une copine ait la bonne idée d’organiser une LC, und voilà ! Il était temps, ça faisait bien un an qu’il attendait !

Le Pitch
Tous les dix ans, la Légion Neuve exige des états du continent 1000 enfants qui seront formés pour créer une sorte d’armée indépendante responsable de la gestion des conflits internes et externes. Shanii et Kath font partie de ces enfants et grandissent ensemble, formant avec quelques autres une famille de cœur. Guerrières redoutables, elles sont rapidement envoyées en mission. Mais les enjeux dépassent leur compréhension, et l’empire semble peu désireux de révéler son jeu…

Mon avis
J’ai bien peur de n’avoir pas grand chose à dire sur cette lecture qui, sans être désagréable, m’a laissée perplexe. Et pour commencer par le positif (parce qu’on est comme ça, ici), la construction du roman est originale. Il est fait d’aller-retours dans le temps, alors que deux jeunes femmes aujourd’hui presque sœurs ont longtemps été concurrentes. Les bribes de leur enfance sont de réelles clefs de compréhension aux événements qui se déroulent dans le présent ; ces passages ont été mes favoris.

Et puis, et puis, et puis… il a fallu faire entrer au chausse-pied une attirance entre deux personnages, genre fascination at first sight. Et puis, je m’en fichais un peu des personnages qui tournaient franchement en rond en essayant de me montrer qu’un truc clochait alors que perso, j’avais même pas appréhendé le contexte politique. Et puis… bah je m’en fichais tout court. Il y a eu quelque part un manque qui m’a empêchée de réellement prendre part à l’aventure de Shanii et de ses compagnons. Ce fut un enchaînement de péripéties décousues qui semblaient vouloir dévoiler un grand complot auquel je n’ai rien pigé (si, bon, ils veulent du pouvoir… mais ça, c’est une base, ça ne suffit pas). On pardonnera les quelques clichés de personnages, mais pas plus.

Je ressors du bouquin avec l’impression d’avoir lu les trois premiers chapitres d’un roman alors que je viens de me taper 520 pages ! Alors oui, le style est correct et certains passages ont éveillé mon intérêt. Cela dit, j’aurais presque préféré ne suivre que la jeunesse des protagonistes, pour ensuite, dans un second tome, prendre conscience de l’ampleur de la manipulation qu’ils ont subie. Il m’a semblé voir apparaître les prémices discrets d’une magie de sang, mais là encore, je n’en suis pas certaine. Pourquoi ne la faire intervenir qu’à la fin d’un tome un qui aurait dû dès le début poser les bases de son propre univers ?

Bref, sans être complètement repoussée par cette lecture, j’en ressors mitigée, au point de ne pas avoir d’intérêt prononcé pour la suite qui est sortie cette semaine…

Pour info :
éditions Slalom, 520 pages, 21.95€

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L’Année de grâce (Kim Liggett)

Amis du jour, bonjour !

C’est un nouveau carton plein pour la lecture du bookclub de février ! Pourtant, le roman du mois ne partait pas gagnant. J’en avais entendu des avis très mitigés, certains trouvaient que le roman n’allait pas assez loin ; pour d’autres, il avait changé leur vie. Pour d’autres encore, c’était une déception pure et simple. Pas évident donc d’aborder cette lecture de manière sereine…

Le Pitch
Dans le village ou vit Tierney, il est dit que les jeunes filles, en grandissant, développent une mauvaise magie, de celle qui tente les hommes. Afin d’en dissiper ses effets et de la laisser se dissoudre, elles sont, à l’âge de 16 ans, envoyées dans la forêt pendant une année entière. Une année dont personne ne parle. Une année dont toutes ne reviennent pas vivantes…

Mon avis
Je ne fais pas durer le suspens (et de toute façon si tu as suivi le live du bookclub ou mes stories, tu sais), j’ai beaucoup aimé. On se retrouve dans une ambiance type Le Village (le film où ils vivent dans un bled isolé dans la forêt où de soi-disant monstres les empêchent de partir). Il est difficile de réellement dater le contexte… dans un passé lointain ? Un post-apo ? On nous parle des terres de l’Amérique où l’on vit libre… En tout cas, clairement c’est poisseux. L’inimitié entre les femmes est encouragée par des hommes qui les jugent, les mettent en compétition, les font se surveiller.

Elle sont dépossédées de leur corps, de leur vie, et n’ont d’autre choix que de se méfier les unes des autres (au mieux), ou de se haïr (au pire). Le trait est grossi, mais cette situation est-elle si différente de celle que nous vivons aujourd’hui ? Quel média, quel discours, quelle œuvre nous pousse, nous, femmes, à nous respecter, à nous aimer, à nous entraider. Car, tel le miroir de la méchante reine, la société ne sait que nous dire que nous ne sommes pas la plus belle. La plus intelligente. Nous ne sommes jamais assez, jamais autant que. Et ce miroir de vérité devient un instrument de torture sorti du palais du fun à la foire du Trône.

Le roman est violent, il montre les dangers du besoin viscéral d’appartenir à un groupe, mais aussi le pouvoir que peut avoir ce groupe lorsqu’il décide de s’apaiser et de soutenir ses membres. Tierney vit un cauchemar, mais c’est ce cauchemar qui lui permet de découvrir sa force, de reprendre possession de son corps, de ses désirs et de ses sentiments. J’en ai entendu beaucoup critiquer la romance qui s’installe, la jugeant trop soft et vectrice de stéréotypes. Là où l’on peut effectivement voir une romance, j’ai vu une jeune fille briser ses craintes, les carcans dans lesquels son éducation l’avait enfermée, pour enfin s’écouter et accueillir son désir et sa corporalité.

La fin divise également, puisque manifestement, beaucoup y ont décelé un destin funeste. De nombreux éléments ne sont effectivement dévoilés qu’à demi-mots, si bien que l’interprétation personnelle de chaque lecteurice est valable. Personnellement, j’y vois plutôt l’espoir d’une société en voie de guérison, qui ne sait avancer qu’à petits pas, mais qui s’apprête à opérer une révolution silencieuse. Un acte de gentillesse est parfois anodin. Parfois, il ne l’est pas. Et la magie dans tout ça ? Parce que vous croyez à la magie vous… Bref, pas de grosse révolution, de parfait féminisme, rien n’est propre, rien n’est blanc… à lire.

Pour info :
grand format : éditions Casterman (trad. Nathalie Peronny), 448 pages, 19.90€
poche : éditions Gallimard Jeunesse, coll. Pôle fiction, 480 pages, 8.70€

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Aya & Ansel : Machines de guerre (Gaëtan B. Maran)

Amis du jour, bonjour !

Parfois, il m’arrive de bloquer sur un livre à cause de sa couverture, et je ne vais pas mentir, les vibes dunesques de celle-ci ont clairement poussé ma main à s’emparer du roman et à lire sa 4e de couverture. Et puis, au détour d’une conversation avec mon représentant (où j’avais vaguement glissé qu’il m’intéressait), je me suis retrouvée avec son exemplaire. Und voilà.

Le Pitch
Après une 3e guerre mondiale qui a plongé le monde dans un hiver nucléaire, les femmes et les hommes en Eurasie se font la guerre, se reproduisant tantôt par la science, tantôt par des méthodes « à l’ancienne », et formant leurs nouvelles recrues à haïr et combattre l’autre camp…

Mon avis
Mais que voilà un sujet casse-gueule ! C’est si facile de tomber dans les clichés ou de faire un faux pas… Et notre auteur prend la voix de deux personnages : un jeune homme qui aimerait être fort et rendre fier son père d’adoption, et une jeune femme qui oscille entre le désir de faire ses preuves et celui de rester dans son cocon pour ne plus perdre ses sœurs. Il aurait pu caricaturer les unes comme les autres. Au lieu de ça, en donnant une voix à chaque partie, il fait de ces êtres humains des personnages à la fois forts, intelligents, aveuglés par le chagrin, la colère, capables d’amour, de compassion, de froideur, de stratégie. On humanise, on déshumanise, on désinforme, au point que personne ne sait plus réellement ce qui est vrai. L’auteur donne aux femmes leur propre langue, questionnant la masculinisation à outrance des mots. Il invente aux hommes un dieu. Il n’épargne personne.

J’ai été fascinée, horrifiée, touchée. Généreux en action, le roman sait aussi donner aux lecteurices des temps de calme, de recueillement. Mais surtout, il ne répond pas aux impératifs des romans d’aujourd’hui. Si vous cherchez une histoire d’amour, vous n’y trouverez pas celle que vous attendez. Aya et Ansel sont surtout là pour donner un visage à chaque camp. Si vous pensez que le roman résoudra une crise mondiale en 500 pages, ce n’est pas le cas. Il est ce que le monde est aujourd’hui : incertain, mais plein d’espoir et de bonne volonté, qui amènent à des décisions que l’on aimerait parfaites, mais — eh — personne ne l’est, parfait. La lecture n’a pas été aisée, parce que lire un monde qui se réinvente est parfois laborieux, mais elle a payé. Bref, si vous êtes ouverts, prêts à recevoir un texte qui sort de sentiers battus, si vous avez envie d’entamer une réflexion, je vous le conseille grandement.

Pour info :
éditions Syros, 512 pages, 18.95€

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Une nuit infinie (Eliot Schrefer)

Amis du jour, bonjour !

Je ne pensais pas aimer le space opera, et puis un jour, j’ai découvert Red Rising (bon ok, c’est pas QUE de space opera, mais quand même, y a de la guerre dans les étoiles, alors ça compte, je veux rien savoir). Et puis il y a eu Aurora Squad, gros coup de cœur pour moi. Alors quand Rivka, maison d’édition dont j’apprécie beaucoup le travail, a sorti Une Nuit infinie, je n’ai pas hésité longtemps. Tu vas comprendre pourquoi.

Le Pitch
Ambrose se réveille à bord du vaisseau Coordinated Endeavor pour une mission de sauvetage, et pas n’importe laquelle : sa sœur, envoyée seule sur Titan, émet depuis la lune de Saturne un message de détresse. Seulement voilà, Ambrose n’a aucun souvenir du décollage, et il n’est visiblement pas seul à bord. Kodiak, astronaute du bloc ennemi, partage sa mission…

Mon avis
J’avoue, en lisant le résumé, j’ai tout de suite eu des vibes TJ Klune. Je venais de terminer Dans la vie des pantins, du coup, j’ai vu SF et couple queer, et mon sang n’a fait qu’un tour ! J’y ai trouvé du très bon, et des choses que j’ai moins appréciées.

Si je devais ne retenir qu’une chose, ce serait notre couple de protagonistes. Ambrose, profondément humain malgré son cocktail génétique, amateur de musique classique, blagueur et sentimental. Kodiak, froid et distant, endoctriné par des dirigeants qui ne lui demandent que de sacrifier sa vie à la Patrie. De fait, quand la coquille du second se fendille face à la maladresse attendrissante du premier, mon cœur d’artichaut soupire.

Et puis le vide de l’espace, la claustrophobie de la nuit infinie, et cette révélation de milieu de roman qui remet tout en cause et lance le mécanisme d’une immense machine qui nous emporte vers l’inévitable… C’est bien joué. La première moitié est intelligemment parsemée d’indices qui pourraient mettre la puce à l’oreille d’un lecteur attentif. Seulement, ce retournement de situation, c’est ma claustrophobie à moi ; sur la seconde partie, je me suis donc retrouvée coincée avec un sujet qui me met mal à l’aise (et que je ne peux dévoiler ici). Dès lors, même si le dernier tiers est habile, moi, j’ai perdu mon petit confort. Pas la faute au roman, simplement à des goûts très personnels.

La conclusion est intéressante, même si elle paraît plus précipitée que le reste du roman (en même temps, avais-je envie de m’appesantir sur le sujet ?). Et l’auteur a récidivé avec une suite (selon moi pas nécessaire, mais pourquoi pas) intitulée The Brightness Between Us dans sa version originale. En bref, si vous aimez la SF et le space opera en particulier, et si les romances queer font battre votre petit cœur, je ne peux que vous recommander cette lecture. Pas mon banger de l’année, mais un excellent moment à passer en compagnie d’Ambrose et Kodiak…

Pour info :
éditions Rivka, trad. de Henri Gay et Julie Provot, 416 pages, 20.90€

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Le Passeur (Loïs Lowry)

Amis du jour, bonjour !

Mieux vaut tard que jamais, c’est en janvier 2025 que je commence et termine un roman que j’étais censée lire pour le challenge 12 livres 12 mois de 2024 (choisi par Morgane). Et puis, c’est un peu un classique de la dystopie adolescente…

Le Pitch
Dans un village où les citoyens ont été privés de leurs sens, de leurs émotions et de leur passé afin de vivre en paix, Jonas, 12 ans, est choisi pour être le nouveau dépositaire de la mémoire. Il découvre alors que le monde a plus de saveur que ce qu’il pensait. Au fil des souvenirs qui lui sont transmis, il découvre le meilleur et le pire de l’humanité…

Mon avis
Je ne vais pas passer par quatre chemins : c’est un roman d’une efficacité redoutable. Et pourtant, on est loin des rébellions, des combats armés, des méchants dirigeants qui profitent du système. C’est pour moi une réelle tentative d’utopie, dans laquelle la liberté est retirée aux humains, contre une paix, une prospérité et une sérénité totales. Ils n’ont pas le choix de leurs emplois, de leurs enfants, de leurs émotions, bonnes ou mauvaises. Tout est épuré. Et quelque part, je me suis presque sentie apaisée moi-même. La société qui a été construite ici est au service de la collectivité, mais prend en compte l’individu (dans une certaine mesure).

Dès lors, je me suis demandé si un monde comme celui-ci, sans mémoire, sans saveur, sans liberté et sans velléités de pouvoir, n’est pas meilleur que le nôtre, régi par l’individualité, la cupidité et l’intérêt personnel (quoi, moi, je noircis le tableau ?). Jonas se demande pourquoi priver le monde de la beauté des couleurs, des saveurs, pourquoi le priver de sa mémoire. J’ai lu beaucoup d’avis qui parlaient, et je cite, d’une « société aseptisée, aliénante et dépourvue de vie, de spontanéité ». Et au vu de l’état actuel des choses, je me suis réellement fait la réflexion : est-ce que cette société va plus mal que la nôtre ?

C’est un roman qui remue des choses, sans but de donner une réponse claire. On ne vous dit pas « ça c’est bien » et « ça c’est mal ». On vous propose une société qui est ce qu’elle est, avec ses imperfections. Jonas et le Passeur comprennent qu’ils ne vivent qu’une demi-vie. Mais je trouve que le roman laisse au lecteur le soin d’apprécier et de comparer sa société à celle de Jonas. Le roman n’émet pas de jugement, ou très peu, et la fin, d’ailleurs très ouverte, vient couronner le chemin qu’a parcouru le lecteur en lui disant « maintenant, c’est à toi de voir ». Il fait partie d’une tétralogie, dont les liens entre les tomes sont ténus mais participent à une réflexion bien plus grande sur nos sociétés…

Pour info :
éditions l’école des loisirs, collection Medium Poche, trad. de Frédérique Pressmann, 224 pages, 7.50€

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Dans la vie des pantins (T.J. Klune)

Amis du jour, bonjour !

Quand dans ma vie je ne sais pas trop quoi lire, je suis dans une espèce d’entre-deux, en galère de « j’ai 500 bouquins mais je lis quoi ? », je me lance un petit T.J. Klune. C’est une valeur sûre et je sais que c’est safe, doux, que les personnages se comprennent, et que même si la fin est douce-amère, je vais rire une ou deux fois et m’attacher de ouf à des personnages. Alors c’est ce que j’ai fait.

Le Pitch
Plus un humain sur terre. Les machines ont gagné ; organisées en villes, elles se prennent pour leurs créateurs, sous le joug d’une IA qui chapote tout, tout le monde, partout. Mais dans une forêt profonde, Gio, inventeur émérite, élève depuis des années le jeune Victor, le dernier humain. Leur vie bascule lorsque Victor et ses deux acolytes — Ratched, le robot nurse psychopathe, et Rambo, le robot aspirateur anxieux — rapportent de la Casse un androïde belliqueux qui attire par mégarde l’attention de l’Autorité sur eux…

Mon avis
J’avoue que j’appréhendais légèrement mon écoute, parce que c’est un des T.J. Klune dont j’ai entendu le moins de bien. Les avis sur ce titre son très mitigés, certains le trouvant long et bof dans sa construction ou ses personnages. Alors forcément, je ne m’attendais pas à l’aimer autant !

Soyons honnêtes, le liseur y est pour beaucoup. Rendons donc à Daniel Henning ce qui est à lui, il a réellement donné une âme aux personnages (drôle, ce sont tous des robots… qui développent leur propre personnalité). Il a rendu une performance impeccable et franchement pas évidente : entre le bégaiement de Hap, l’excitation et l’anxiété de Rambo, et l’amour caché derrière les allusions synthétique de Ratched… un tour de force je vous dis ! Et encore, vous pourriez le lire et ne jamais comprendre mon expérience d’écoute. C’est comme le gars qui va voir Avatar en IMAX 3D au ciné et qui en parle avec le mec qui l’a maté sur son tel. Rien à voir. Bref.

Il y a le liseur, donc, qui donne vie aux personnages. Mais pas de liseur sans personnages. Et de la même manière que nous nous sommes un jour trouvés à éprouver une profonde empathie pour un petit robot qui ne prononce que 3 mots dans un films (oui, je parle de Wall-E), on tombe sous le charme de ces personnages ! Souvent hilarants, parfois touchants, toujours dans la justesse même dans leurs excès, ils donnent au texte toute sa saveur. Et à la rigueur, je m’en fiche presque de l’intrigue, de la quête. Je veux juste les écouter échanger, les voir évoluer. Voir Gio aimer Victor comme un fils a fait battre mon petit cœur.

Trouver l’humain dans la machine, créer une conscience à partir d’une IA, construire une famille, un foyer, avoir le sens du sacrifice, la valeur d’une amitié, voilà ce que nous dit ce roman, qui est finalement l’un de mes favoris de l’auteur. Grâce à Daniel Henning ? Peut-être. En tout cas, si vous avez besoin d’un gros câlin littéraire et d’une chouette aventure, vous avez trouvé le bon roman.

Pour info :
éditions De Saxus, traduction de Benoît Domis, 432 pages, 19.90€

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Les Extraordinaires, T1 (T.J. Klune)

Amis du jour, bonjour !

Quand l’enthousiasme ressenti à l’écoute du roman d’un auteur te donne envie de bouffer la totalité de son œuvre, c’est plutôt bon signe. Et j’avoue que dans le cas de T.J. Klune, si je me délecte de sa plume, je ne boude pas mon plaisir face au talent de ses narrateurs dans les versions originales (d’ailleurs, je vais pousser les recherches, je ne sais pas s’il ne s’agit pas toujours du même gars… et pour vous c’est en direct mais pour moi c’est 15 minutes après, il s’agit des excellents Daniel Henning et Michael Lesley, et rien que pour leur talent vocal, la VO vaut le coup). Bref ! Me voici donc lancée dans une nouvelle série de l’auteur.

Le Pitch :
La ville de Nova City est protégée par des êtres aux pouvoirs extraordinaires (d’où leur nom : les Extraordinaires). Nick, un ado atteint de TDAH (trouble de l’attention avec hyperactivité) guette leurs apparitions, et notamment celle de Shadow Star, le héros de ses fan-fictions, pour qui il est prêt à tout, même à tenter de devenir lui-même un Extraordinaire, quitte à se mettre en danger.

Mon avis :
Ayant eu un aperçu de ce que pouvaient être les romances ado/jeunes adultes gays chez l’auteur avec Les Contes de Verania (oui, un roman de T.J. Klune amène toujours à un autre…), j’ai eu très envie de tester cette histoire de super-héros (bah ouais, j’aime bien aussi, j’ai eu ma période Marvel avant que ça parte en sucette). Et en fait, je me rends compte que si les contextes de ses romans sont très différents, fourmillants de détails — tantôt anecdotiques, tantôt croustillants — c’est toujours ces familles choisies, ces found families, qui les rendent si savoureux.

Le sexe n’est jamais tabou (ni d’ailleurs l’homosexualité, qui n’est jamais questionnée). Dans le cas présent, il est même question d’un père veuf qui se renseigne sur les rapports homosexuels pour éduquer son fils (scène hilarante au demeurant). Ça c’est une situation saine ! Des questionnements, des moments d’embarras, de « comment qu’on fait ? »

Au-delà de ça, je suis plongée dans une intrigue que je trouve très cool, réhaussée, ne le cachons pas, par l’hyperactivité de Nick. On ne rit jamais de lui, mais on ne peut s’empêcher de sourire devant son énergie et son optimisme, ses idées foireuses et j’en passe. En bref, je trouve qu’on touche à la quintessence de ce que devrait être un roman pour adolescents : des thématiques réfléchies distillées dans un univers original et personnifiées par des personnages bien caractérisés. Un petit bonbon !

Pour info :
éditions De Saxus, trad. d’Isabelle Troin, 496 pages, 18.90€