Publié dans BD, Bouquinade

Les Croques (Léa Mazé)

Ami du jour, bonjour !

Causons graphique aujourd’hui, avec une petite trilogie pas piquée des hannetons parue chez un éditeur que je surveille beaucoup en ce moment parce que j’apprécie leur ligne éditoriale ; les éditions de la Gouttière.

Sarakontkoi ?
Les parents de Céline et Colin, les jumeaux terribles, tiennent une entreprise de pompes funèbres ; du coup, ils sont la risée des gamins de l’école, qui les appellent les Croques, sympathique diminutif pour croque-mort. Après une Nième bagarre, les jumeaux sont renvoyés chez eux et consignés à domicile jusqu’à nouvel ordre. Il ne leur reste qu’à jouer dans le cimetière… où ils découvrent d’étranges marques sur certaines sépultures. Ils décident de mener l’enquête. Mais lorsqu’ils font une macabre découverte, personne ne semble disposé à les croire…

Tenpenskoi ?
Une petite merveille. On les aimes ces deux fortes têtes, franchement pas fortiches à l’école, plutôt du genre à avoir toujours une bêtise derrière la tête. C’est d’ailleurs tout le fond du problème : à force de bêtises, leurs parents, épuisés, finissent par ne plus les croire. Le cimetière est un décor inhabituel dans les bandes-dessinées pour enfant et l’aura de mystère qui plane n’en est que plus épaisse. Alors oui, du coup, on a un meurtre. C’est pas sanglant, mais bon, quand même, faut le savoir.

Le dessin est tellement beau ! Léa Mazé a réalisé pour notre plus grand plaisir de magnifiques aquarelles et les a parfaitement mises en cases. La réalisation des planches est tout aussi parlante que le dessin et le scénario. J’ai aimé traverser les grandes planches de silence comme les plus turbulentes. Et non seulement c’est beau et drôle, mais en plus, chacune des BD de la trilogie prend son lectorat très au sérieux. C’est une vraie enquête avec des personnages hauts en couleur. Bref, je ne peux qu’en recommander la lecture. Et encore, je n’ai pas encore parlé du travail de fabrication ! Les couvertures sont superbement ornées d’un titre au fer à dorer et les illustrations sont, encore une fois, à tomber. Bref, un bel exemple de coopération auteur/éditeur (c’est en tout cas l’impression que ça donne) pour une BD récompensée par le prix ACBD.

Pour info :
éditions de la Gouttière
Tome 1 (Tuer le temps) : 72 pages, 13.70€
Tome 2 (Oiseaux de malheur) : 72 pages, 13.70€
Tome 2 (Bouquet final) : 96 pages, 14.70€

Publié dans BD, Bouquinade

Les Bonhommes de pluie (François Duprat)

Ami du jour, bonjour !

On reste dans le graphique avec une nouvelle découverte chez les éditions de la Gouttière (on n’arrête pas une équipe qui gagne) et un sujet peu commun dans la bande-dessinée jeunesse.

Sarakontkoi ?
La jeune Héloïse part en vacances au bord de la mer avec son oncle, sa tante et son petit cousin. Désireuse d’impressionner les autres jeunes du camping, elle accepte de relever un défi : pénétrer dans la maison hantée sur la plage et y voler un trophée. Elle y trouve un sac de voyage qu’elle rapporte dans sa tante. La nuit venue, elle et son cousin sont persuadés d’être poursuivis par des fantômes en colère ; ils décident d’aller rendre le sac, et font une étrange découverte…

Tenpenskoi ?
J’ai peur de trop en dire, et tu devras lire la bande-dessinée pour savoir de quoi il retourne. Le sujet abordé ici est un sujet sociétal d’actualité. Et si la BD ne fait que survoler le problème, en en occultant les parties les moins reluisantes, elle a au moins le mérite de le mettre en lumière (ou en cases :D). Oui, ça fait beaucoup de demi-mots, mais je trouve que découvrir le mystère qui plane sur les vacances d’Héloïse fait totalement partie de l’expérience de lecture.

Le dessin est tout chou, tout doux, et sent bon la mer et les coquillages, les soirées au camping, les copains. Parce que les vacances d’Héloïse, c’est un peu les nôtres aussi. La lecture de la BD chez les plus jeunes devra, je pense, être accompagnée d’explications, d’éclaircissements, et pourquoi pas de petits documentaires sur le sujet (je pense à la collection des Petites Questions, chez Milan, entre autres, qui pourra apporter quelques réponses). Bref, c’est une proposition engagée de l’auteur et de l’éditeur, un angle d’approche original sur un sujet délicat.

Pour info :
éditions de la Gouttière, 64 pages, 13.70€

Publié dans BD, Bouquinade

Ces jours qui disparaissent (Timothé Le Boucher)

Ami du jour, bonjour !

L’autre jour, j’ai quitté la librairie en me disant que, décidément, je n’avais pas assez à lire à la maison (LOL) et que j’avais ma foi bien envie de tenter quelque chose qui me ferait (attention, expression très à la mode) « sortir de ma zone de confort ». J’ai donc demandé à mon collègue, qui aime beaucoup la bande-dessinée, de m’en conseiller une. Mais pas une comme d’hab, qui correspondrait à mes goût (il essaie toujours de coller à mes demandes quand je veux un conseil) ; nan, un truc qu’il avait envie que je lise pour qu’on échange sur le sujet. C’est tombé sur celle-ci.

Sarakontkoi ?
Lubin se réveille un matin, persuadé d’être demain. Mais non, on lui apprend qu’il n’est pas venu travailler la veille et qu’il n’a prévenu personne. Ces épisodes d’absence se répètent, jusqu’à ce qu’il s’aperçoive qu’elles sont comblées par un autre jeune homme, qui habite son corps. Au départ, un peu d’organisation et de communication entre ces deux personnalités permettent une cohabitation harmonieuse. Mais alors que l’Autre prend de plus en plus de place, Lubin ne sait comment faire pour ne plus perdre ces jours qui disparaissent…

Tenpenskoi ?
Effectivement, je l’ai beaucoup vue passer sur les réseaux, mais ce n’est pas franchement une bande-dessinée sur laquelle je me serais arrêtée. Le trait est simple, les couleurs ont des tons très doux, pastel, et si j’ai commencé par me dire que j’aurais apprécié quelque chose de plus chiadé, j’ai fini par comprendre que plus eût été trop. Le propos est déjà compliqué, suffoquant, pas besoin d’en rajouter. Et puis, cette ambiance très propre, presque médicale, est probablement plus efficace pour nous plonger dans l’angoisse du vide.

Quant à l’intrigue, elle n’est pas en reste. On assiste, aussi impuissants que Lubin et ses proches, à cet effacement qu’il subit, on veut détester l’Autre. En même temps, peut-on demander à un être conscient de simplement rester caché à ne rien faire, de ne pas vivre, les jours où il occupe le corps ? Peut-on réellement lui reprocher de tenter de se construire une vie ? Lequel des deux Lubin est le vrai, le bon ? Lequel mérite plus ce corps ? Tout un tas de réflexions qui peut rendre le lecteur claustrophobe, comme Lubin qui est coincé dans son propre corps, dans ces jours de conscience qui lui sont accordées. Bref, une lecture bien plus psychologique et intéressante que ce à quoi je m’attendais. Et si ce n’est, pour moi, pas la lecture du siècle, j’ai très envie de vous la recommander, juste parce que l’expérience en vaut le coup.

Pour info :
éditions Glénat, 192 pages, 22.50€

Publié dans BD, Bouquinade

Eat and love yourself (Sweeney Boo)

Ami du jour, bonjour !

Une nouvelle lecture graphique, très personnelle cette fois. Aperçue, comme d’habitude, en scrollant sur mes comptes Instagram favoris (en l’occurrence, ma référence BD du moment, à savoir Melyssa). Sweeney Boo, je la connais depuis un moment. Depuis que je suis tombée sous le charme de ses pin-ups colorées en 2014 très exactement… la bouffe, une illustratrice que j’aime beaucoup, il ne m’en fallait guère plus.

Sarakontkoi ?
Mindy a 27 ans, elle est serveuse dans un café. Sa vie stagne, et elle-même est persuadé qu’elle ne pourra jamais faire mieux. Parce qu’elle ne s’aime pas. Qu’elle ne sera jamais « assez ». Un soir, dans sa supérette de quartier, elle achète une tablette de chocolat aux pouvoirs étranges : grâce à elle, elle pourra revisiter son passé, et les douloureux moments qui ont fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui.

Tenpenskoi ?
Forcément, le sujet me parle. Moi qui n’ai jamais été mince, qui ai toujours eu honte de manger devant les autres, qui ne serai jamais un standard de beauté, jamais la princesse que ce foutu prince peut porter jusqu’à son palais parce… bah faut le soulever mon cul ! Mindy, c’est un peu le miroir de toutes ces jeunes filles que des remarques en apparence anodines ont détruites à petit feu. Des trucs du genre : « attention à ce que tu manges », « c’est pas très bon pour toi », « faudra faire un peu de sport », et j’en passe.

Pour autant, la bande-dessinée ne pointe pas le doigt accusateur de ceux qui rejettent sur les autres la responsabilité de leurs erreurs. Mindy a fait des erreurs qu’avec le recul elle parvient à identifier. Elle comprend avec son esprit d’adulte ce qu’on essayait maladroitement de lui dire enfant. L’histoire se termine bien pour elle, malgré quelques après-repas la tête dans la cuvette, parce que la spirale autodestructrice ne l’a pas encore avalée, mais d’autres s’en sortent moins bien.

C’est aussi l’occasion de vous dire qu’il existe des TCA très graves (Troubles du Comportement Alimentaire) : l’anorexie, la boulimie, et j’en passe. Il en existe d’autres, comme l’hyperphagie dont on ne commence à parler que maintenant. C’est un mal dont j’ai personnellement souffert, dont je souffre encore, une maladie de privilégié : celle de trop manger. De se cacher pour le faire. Et d’en avoir tellement honte qu’on n’ose pas dire qu’on n’a pas faim pendant les repas. Alors on mange à s’en faire vomir. Mais on ne vomit pas. On garde tout à l’intérieur, et on laisse cet énorme amas de bouffe nous trouer le bide, on le sent diffuser son poison dans chaque partie de notre corps. Et on se voit énorme. Ca s’appelle la dysmorphophobie, une déformation de la vision que l’on a de son propre corps. Et dans mon cas, à force de me voir grosse, je le suis devenue. Parce que la honte vous empêche de profiter de vos repas. Vous n’êtes jamais satisfait. Alors vous mangez plus, et plus encore, jusqu’à vous dégoûter vous-mêmes…

Bref, Sweeney Boo a heureusement beaucoup de tendresse pour son personnage, et elle parvient à sublimer sa délicieuse Mindy, à nous la montrer telle qu’elle est, belle, touchante, fragile, et parfois seule. Le trait, très comics, et les jolies couleurs donnent au tout un petit goût acidulé fort agréable. Et le message est beau. « Ca ira », se dit Mindy, « je t’aime ». Et c’est ce que nous devrions tous nous dire à nous-même : « je t’aime ».

Pour info :
éditions Ankama, 160 pages, 19.90€

Publié dans BD, Bouquinade

Les Vermeilles (Camille Jourdy)

Ami du jour, bonjour !

Voilà un article inattendu qui vient se glisser entre… entre rien du tout, comment te dire que comme je ne finis aucun bouquin en ce moment (ou que je traîne à le faire) bah a p’us billets ! Mais un billet surprise parce que ce livre m’a sauté dans les mains avec l’aide de ma collègue du rayon BD. Lecture imprévue donc, mais lecture fort sympathique.

Sarakontkoi ?
Jo n’a aucune envie de passer un bon moment en forêt avec son père, sa nouvelle femme et ses filles. Personne ne la regrettera de toute façon. Alors elle s’éloigne et croise de drôles de petits personnages qui la conduiront à un village bien étrange. Là, elle rencontre Nouk, l’enfant chat, Maurice et Véro, les renards, et bien d’autres. Tous sont en route pour aller délivrer leurs amis du terrible empereur chat, dont on fête justement l’anniversaire. Ni une ni deux, Jo décide de leur prêter main forte…

Tenpenskoi ?
Tu trouves que mon résumé est un peu tiré par les cheveux ? C’est normal. Si tu as lu Alice au pays des merveilles, tu comprendras de quoi je parle. On est d’ailleurs clairement sur une sorte d’hommage à l’œuvre de Caroll, (on parle du pays des Vermeilles, de petits poneys colorés qui le peuplent) dont l’absurde aurait été relevé d’une pointe de ridicule totalement assumé. C’est ce qui a rendu ma lecture si agréable. J’ai gloussé à plusieurs reprises, et sans dire que toute cette histoire a beaucoup de sens, ni qu’il s’agit d’une épopée à couper le souffle, la curiosité nous pousse à continuer.

La bande-dessinée a reçu en en 2020 le prix Jeunesse du Festival International de la BD d’Angoulême. Malgré tout, c’est une œuvre riche qui se lit sur plusieurs niveaux. Un enfant de 8 ans peut y voir une super aventure avec des créatures magiques quand ses parents sentiront le cynisme amoureux de vieilles sorcières, l’orgueil mal placé d’un souverain en carton et la timidité maladive d’un renard amoureux. Le tout sous l’œil d’une gamine qui n’a pas froid aux yeux, et qui voit, souvent mieux que ses compagnons, ce qui est important.

Le dessin est tout doux, une belle aquarelle aux couleurs pastelles, en rondeur, pas chiadé pour deux sous. Si tu veux voir du Botticelli, c’est clairement pas ici. Mais c’est simple et efficace, comme un bon oreiller de barbe-à-papa dans lequel tu adorerais te vautrer (si c’était pas si collant ce truc). Je te mets une ou deux images pour que tu te fasses ton idée. Bref, un bon moment de lecture, absurde et drôle, complètement décalé et plus savoureux que son homologue « carollien« . Pour tous les âges.

Pour info :
éditions Actes Sud, 155 pages, 21.50€

Publié dans BD, Bouquinade

Blanc autour (Wilfrid Lupano / Stéphane Fert)

Ami du jour, bonjour !

Pour ne pas changer aujourd’hui, on reste dans le graphique — beaucoup plus rapide à lire, surtout quand, comme moi, on lit 4 romans en même temps, et qu’on met 3 plombes à tout terminer. C’est une bande-dessinée que j’ai beaucoup vu passer sur les réseaux, j’en ai beaucoup entendu parler avant sa sortie, et surtout, le sujet m’intéressait. Ami, aujourd’hui, je te parle de Blanc autour.

Sarakontkoi ?
Blanc autour relate l’histoire vraie d’une jeune institutrice, Prudence Crandall, qui, en 1832 (soit un demi-siècle avant l’abolition de l’esclavage), a décidé de fermer son école aux jeunes filles blanches de bonne famille pour ne l’ouvrir qu’aux jeunes filles noires. Dans cette petite ville du Connecticut, on en voit pas ce projet d’un bon œil. Les riches influents font voter des lois plus racistes les unes que les autres, tandis que les pauvres hères utilisent l’intimidation par la force. Mais la graine abolitionniste est plantée…

Tenpenskoi ?
J’ai réagi à chaud sur Instagram en refermant le livre. Comme je l’ai expliqué alors, le racisme (comme toute autre forme d’intolérance) m’horripile. Pire : je ne le comprends pas. La haine et la peur que suscite ce qui est différent de nous me plonge dans une profonde colère. Alors la moindre lecture, le moindre film ou reportage m’est quasiment insupportable. Parfois, quand il le faut, il le faut, alors j’ai donné sa chance à Blanc autour.

Comme je l’ai dit, c’est le genre de lecture nécessaire, pour comprendre les combats, pour adoucir les peurs, pour tenter de parler le même langage. L’histoire de cette femme courageuse, qui a subi les violences, qui a tenté d’agir, est inspirante. L’histoire de ces jeunes filles qui se sont dressées contre les barrières que l’on dressait sur leur route… bref, rien à dire sur le fond. L’histoire est portée par la douceur et la rondeur du dessin de Stéphane Fert, qui contraste avec la monstruosité de ses personnages. La mise en couleur, qui fait parfois disparaître les différences de couleur par jeu d’ombres, est d’une subtile intelligence.

Mais tu l’auras compris, il y a un « mais ». J’ai trouvé la bande-dessinée trop introductive, parfois fainéante dans le dérouler du scénario. Je ne doute pas qu’elle a été pensée de cette manière. Mais les personnages ne sont que des fonctions, on ignore leur passé, leur fond. Certains se contentent d’incarner des idées, celles du prédicateur Nat Turner, celle du pouvoir intérieur des femmes (qui vient se mêler et parfois emmêler le propos principal). J’en aurais voulu plus. Plus de profondeur et d’humanité. Même le scénario saute du coq à l’âne sans réelle transition, passant de point clef en point clef de l’histoire de cette école hors du commun. On ne nous présente clairement les jeunes femmes qu’en fin de livre, dans de gros pavés documentaires qui retracent rapidement leur vie. J’aurais préféré une bande-dessinée qui introduit ces éléments dans son texte, quitte à ce qu’elle soit plus longue ; beaucoup de passages sont très contemplatifs et auraient aisément pu être remplacés par des éléments concrets de contexte. Bref, je suis restée sur ma faim. Mais c’est aussi grâce à ce genre d’ouvrages que des lecteurs creusent le sujet, en faisant des recherches, en lisant d’autres textes. Un ouvrage introductif donc, comme je le disais plus tôt, à la cause abolitionniste. À toi, lecteur, de faire ton propre chemin suite à cette lecture…

Pour info :
éditions Dargaud, 144 pages, 19,99€

Publié dans BD, Bouquinade

Batman : Les contes de Gotham (Derek Fridolfs / Dustin Nguyen)

Ami du jour, bonjour !

On reparle BD aujourd’hui, faut bien que j’épuise les lectures graphiques que j’ai eues dernièrement, et dieu sait que ça se lit plus vite qu’un roman ! Je te cause d’un bouquin qui m’a fait de l’œil dès son arrivée au magasin, et puis le prix était sympa, alors hop, dans le sac !

Sarakontkoi ?
Qui ne connaît pas le célèbre Chevalier Noir, solitaire, assoiffé de justice, et… déprimant ? Celui qui saute de toit en toit à la poursuite des bandits pour aider son ami moustachu… mais si, l’inspecteur là ! Nan, je déconne, je connais Gordon quand même. Bref, tu prends ce Gus et tu le plonges dans le monde des contes classiques de notre enfance. Mais pas version Disney, nan, version Grimm ! De Pinocchio, à la Princesse au Petit Pois en passant par le Pays des merveilles jusque chez la Reine des Neiges, Batman t’entraîne dans un exercice de réécriture… pas toujours évident.

Tenpenskoi ?
À la lumière de ma dernière remarque, tu te doutes que ma lecture est loin d’être un coup de cœur intersidéral. Pour commencer, et même si ça te semble évident, c’est un opus hors continuité. On sort des arcs tortueux du Chevalier Noir et on réécrit des contes avec les personnages de l’univers de Batman. Si je n’ai pas été déçue par le dessin — ce qui est pourtant souvent le cas, surtout dans les comics, parce que la couv’ fait de belle promesses qu’elle tient rarement à l’intérieur — je dois avouer que les petites histoires, ces fameuses réécritures, m’ont fortement ennuyée. Et c’est moi, grande amoureuse de réécriture, qui vous dit ça !

Honnêtement, ça part un peu dans tous les sens, et s’il y a bien une ou deux cases qui marchent de-ci, de-là, pour un mot drôle ou touchant, c’est insuffisant pour moi. Je l’ai lu parce que je l’avais acheté et qu’il faisait partie de mon week-end à 1000. J’ai été curieuse de savoir ce qu’ils avaient fait de tel ou tel personnage (Robin devient Waynocchio, un petit garçon de bois qui ne rêve que d’une chose, passer plus de temps avec son cher Batman, par exemple). Bon, pourquoi pas. J’ai trouvé le tout pas folichon, souvent perché (attention, ce n’est que mon avis). Le tout sauvé par les très belles aquarelles de Dustin Nguyen, dont je vous pose un échantillon ici. Et puis moi, j’aime bien cette version choupi des personnages…

Pour info :
éditions Urban Comics, 192 pages, 10€

Publié dans BD, Bouquinade

Malgré tout (Jordi Lafebre)

Ami du jour, bonjour !

Il est temps que je te parle de cette lecture graphique, étant donné que je l’ai lu il y a maintenant plusieurs semaines. Je l’avais vue passer sur les réseaux quelques temps avant sa sortie, et déjà, j’étais intriguée. Et puis il est arrivé à la librairie, et là, je suis tombée quasi amoureuse de cette histoire un peu atypique, mais surtout du trait de Jordi Lafebre.

Sarakontkoi ?
Tout commence par la fin. C’est l’histoire d’un amour pas comme les autres, dont la flamme fut timidement et platoniquement entretenue au fil des années, sans rien en attendre. Mais au crépuscule de leur vie, Zeno, l’éternel célibataire, et Ana, femme de caractère, mère et épouse aimante, décident de se donner une chance. C’est ainsi que commence Malgré tout, par une seconde chance. Puis on remonte les années, pour arriver là où tout a commencé.

Tenpenskoi ?
Honnêtement, malgré tous les avis dithyrambiques que j’avais lus et mon excellente première impression, j’avoue avoir hésité à me le prendre. Les romances, je trouve, sont de plus en plus réduites à de simples flirts interdits, et on en oublie les amours légendaires, celles qui brûlent, celles qui chantent. Et les amours simples, celles qui nous accompagnent, nous font du bien. Je n’avais aucune envie de nager dans la guimauve feel good, ni dans d’inextricables culpabilités.

Malgré tout, c’est bien plus que ça. C’est une histoire d’affection, de respect mutuel, de recherche de soi ; il faut, pour lire cette bande-dessinée, comprendre qu’il existe plusieurs sortes d’amour, qu’aucun ne surpasse les autres. Certaines amour nécessitent qu’on soit prêt à les accueillir. Mais comment partir sans blesser ? Comment choisir ? Comment chambouler le connu et plonger dans ce que l’inconnu a de plus beau ?

Vous l’aurez compris, l’histoire en elle-même est adorable, et m’a procuré comme un sentiment de paix. L’originalité de la narration a rebours est géniale. Mais rien n’est aussi merveilleux dans ce bouquin que le dessin de Jordi Lafebre. C’est dire, j’ai failli tomber amoureuse de Zeno ! Lafebre a su réellement donner vie aux visages, il a empli les yeux de douceur, parfois de douleur, d’amour ou de bonheur. Ce n’est pas pour rien que l’image qui circule le plus est celle des retrouvailles de Zeno et Ana (je ne divulgâche rien, c’est dans les premières pages) ! On lit tellement de choses dans ces deux regards (je vous proposerai un petit diaporama en fin de billet). Le trait est si fin… Et ces couleurs ! Toujours justes, toujours douces. Bref, si j’ai aimé l’histoire de Zeno et Ana, plus encore, je suis tombée en pâmoison devant le travail de Jordi Lafebre. À lire absolument !

Pour info :
éditions Dargaud, 160 pages, 22.50€

Publié dans BD, Bouquinade

Les Sœur d’Ys (M.T. Anderson / Jo Rioux)

Ami du jour, bonjour !

J’ai toujours beaucoup de mal à parler de graphique (bande-dessinée, manga, et compagnie) parce que je ne me sens jamais légitime. D’une part parce que j’en lis assez peu (tendance qui semble s’inverser dernièrement) et ensuite parce qu’il faut parler de style graphique. Et alors autant parler texte, je peux faire (oui oui, je pense après toutes ces années pouvoir juger des qualités intrinsèques d’un texte… pas de manière parfaite et absolue, mais je le peux). Autant tout ce qui est visuel m’est totalement étranger. Je vous présente donc mon humble avis, qui n’aura rien de très professionnel, en la matière.

Sarakontkoi ?
La légende de la ville d’Ys est un mythe fondateur des légendes bretonnes. On y découvre la ville d’Ys, protégée de l’assaut des eaux par une digue. Le roi de la ville a eu deux filles avec une fée venue d’un royaume nordique. Tandis que l’une se tourne vers la nature, les animaux et le peuple environnant, l’autre sacrifie son âme à la magie et au pouvoir. Mais aucun pouvoir n’est gratuit…

Tenpenskoi ?
La légende telle qu’elle nous est racontée dans Les Sœurs d’Ys est très différente de celle que l’on trouve dans les versions classiques, plus christianisée. Ces versions ne font état que d’une fille, Dahut, débauchée qui mènera la ville à sa perte. Ici, il est plus question de l’opposition entre le progrès et la nature, le pouvoir et la mesure. Les sœurs sont deux, Rozenn et Dahut, et représentent chacune une idéologie. Tels les Atlantes, les habitant de la cité d’Ys paieront cher leur arrogance et leurs abus.

On se détache de l’aspect hagiographique du mythe, c’est à dire de son rapport avec la vie des saints (saint Corentin en l’occurrence) pour partir du côté des légendes celtiques. Et c’est ce côté celte qui ressort beaucoup ici, à travers les couleurs et les motifs (d’ailleurs, les roux ont encore le mauvais rôle). Personnellement, cette mise en cases très floue, le dessin très rond aux courbes ondulées, tout ça me parle beaucoup (oui, ok, la couverture verte et dorée n’y est pas pour rien).

En bref, un mythe celtique (si on peut dire), servi par un dessin doux et violent à la fois, l’histoire d’une rivalité entre frangines, l’opposition du progrès et de l’opulence avec l’état naturel des choses… j’ai trouvé la revisite résolument moderne. Je me suis régalé les yeux, et j’ai découvert un petit morceau de folklore breton. Je recommande donc. Attention cependant : à ne pas mettre entre les mains des plus jeunes. Je sais que le graphisme est sympa avec toutes ces bouilles rondes et ces jolies couleurs, mais le propos est un brin violent.

Pour info :
éditions Rue de Sèvres, 220 pages, 20€

Publié dans BD, Bouquinade

L’Âge d’or, T1 & 2 (Cyril Pedrosa / Roxanne Moreil)

Ami du jour, bonjour !

Avec toutes les bulles que j’ai lues pendant le dernier week-end à 1000 (week-end durant lequel tu dois lire 1000 pages entre vendredi 19h et dimanche 23h59), tu t’étonnes peut-être de ne pas voir plus de chroniques BD par ici. Ou tu t’en fiches comme de ta dernière paire de chaussettes trouées (sauf si c’est ta paire de chaussettes dinos et là ça pue du bec). Bref, je digresse. « Gresse ». Voici donc la première d’une longue série, on va causer bande-dessinée. Et je commence fort !

Sarakontkoi ?
À la mort du vieux roi, c’est sa fille Tilda qui est désignée pour lui succéder. Mais sa mère, la reine, lui préfère un petit frère au caractère plus docile. Tilda est donc trahie par les seigneurs qui se rallient au jeune prince. Cependant, le destin de Tilda semble lié à un manuscrit mystique intitulé L’Âge d’or, qui renferme l’histoire de l’espèce humaine, son avenir, son essence. Et si ce manuscrit était simplement la plus pure vérité, celle qui rendrait sa liberté au peuple que Tilda essayait tellement de protéger ?

Tenpenskoi ?
Il faut savoir que la bande-dessinée n’est pas au cœur de ma culture littéraire. Si je passe de très bons moments à naviguer entre les planches, les cases et les bulles, je n’ai qu’une connaissance assez limitée du médium. C’est mon collègue Hervé qui, ayant tout à fait cerné le genre de lectures que j’aimais faire, m’a conseillé cette duologie (à l’époque, seul le T1 était disponible). Et il a eu raison ! Il faut que je vous parle des deux aspects de l’œuvre ici.

Pour commencer, le dessin de Cyril Pedrosa. Mon dieu que c’est beau ! Ces grandes fresques qui empruntent leurs courbes et couleurs à l’expressionnisme, avec un chara design (des traits de personnages) légèrement teinté des grands chefs-d’œuvre de Disney (type Le Bossu de Notre-Dame ou La Belle aux bois dormants). Fun fact, Pedrosa a bossé sur Le Bossu de Notre Dame d’ailleurs (je viens de vérifier après avoir fait ma comparaison, comme quoi). Le tout donne un résultat un peu onirique, souligné par la finesse du trait et ce fameux aspect expressionniste donc. Et alors, je ne parle même pas de l’originalité de la construction du récit à l’intérieur des cases ! Non, vraiment, un boulot de génie ! Du coup, ça me donne vraiment envie de voir un peu ce qu’il a fait d’autre.

Ensuite, je ne peux pas ne pas parler du scénario de Roxanne Moreil. Comme je l’ai souligné en parlant du graphisme et de l’ambiance visuelle, on se promène dans un récit qui s’apparente à la fable, presque à la légende. Sur la quatrième de couverture, il est question d’épopée médiévale, ce que j’approuve totalement. Mais c’est aussi une réflexion sur la société, ses strates, et ses rouages. La relation protecteur/protégé, dominant/dominé. On y verrait presque transparaître, en tout cas dans la lecture que j’en ai faite, une pointe d’anarchisme (au sens premier du terme, je ne vous parle pas de casser des baraques) et de naturalisme. Bref, une utopie, racontée dans un manuscrit sacré qui prône l’égalité de chaque être et offre à l’humain sa liberté, s’il est capable de sacrifier son désir de pouvoir et d’ascendant sur ses semblables. Une idée qui fait son chemin par les temps qui courent.

Ce fut une lecture riche et nécessaire, ne serait-ce que pour découvrir le trait envoûtant de Cyril Pedrosa. Tu l’auras compris, je recommande !

Pour info :
Tome 1 : éditions Dupuis, collection Aire Libre, 232 pages, 32€
Tome 2 : éditions Dupuis, collection Aire Libre, 232 pages, 32€