Bon, une fois n’est pas coutume, ce livre-là, j’ai dû le lire pour les besoins d’un cours de littérature contemporaine. Autant vous l’avouer tout de suite, le Nouveau Roman, ce texte qui n’est pas « le récit d’une aventure, mais l’aventure d’un récit » (comme le disait, entre autres, Jean Ricardou), ou la littérature contemporaine, ça n’est pas vraiment ma tasse de thé. Bien souvent, ce sont des gens qui aiment se regarder écrire, et écrire sur eux, sur leurs pensées. Grand bien leur en fasse, moi j’aime les histoires.
Ici, c’est un peu spécial : Brice Matthieussent, traducteur de sa profession, nous conte, à la première personne, la vengeance d’un traducteur qui se sent à l’étroit dans son costume d’homme invisible, ou sous son filet de bas de page (un filet, c’est la petite barre noire sous laquelle sont inscrites les notes de bas de page, généralement écrites par l’auteur, l’éditeur ou le traducteur, justement… je vous le dis, parce que moi, je viens de l’apprendre).
Notre traducteur, donc, décide de se venger en prenant peu à peu le contrôle de l’histoire… qui n’est autre que celle d’un traducteur qui veut se venger de l’auteur qu’il traduit. Superbe mise en abîme que cette intrigue (c’est à dire qu’on a une histoire dans l’histoire, un peu comme un miroir qui se réfléchirait dans un autre miroir, un cadre dans un autre cadre). Et petit à petit, ce narrateur fictif va prendre le pas sur le texte original, et même réussir à passer au-dessus du filet pour ne laisser que sa propre version.
Matthieussent nous perd dans un dédale de réflexions, dans un jeu de piste qu’il nous faut docilement suivre. Il le dit lui-même, ou le fait dire à un de ses personnages : il est inutile d’essayer de comprendre l’architecture du roman. Mais on apprécie les frasques, les jeux de lettres, les rebondissements, et surtout la réflexion qu’il y a derrière cet ouvrage. La mise en page est très originale puisqu’une grande partie de roman est écrite sous forme de notes de bas de page. Et pour notre plus grand plaisir, Brice Matthieussent n’hésite pas à jouer avec la typographie et avec cette mise en page.
Le bouquin a reçu un prix (je ne sais plus lequel). Mais je suis d’accord avec vous, ça ne veut pas dire grand chose. Je vous laisse donc le loisir de juger par vous-même de la qualité. N’ayez pas peur de suivre Alice dans le terrier du lapin blanc !
Pour info : Éditions P.O.L, collection Roman, 309 pages